LA MECANIQUE SPATIALE SIMPLIFIEE (2)

LA FUSEE, VEHICULE DE LANCEMENT

La fusée est une très vieille découverte. Les Chinois, ayant inventé la poudre à canon mais pas encore le canon, imaginèrent de se servir de cet explosif pour aider à la propulsion de leurs armes traditionnelles, lances et flèches. Le canon n'allait apparaître qu'un bon siècle plus tard. Les relations de voisinage, les mauvaises plus que les bonnes, donnèrent l'idée de la fusée aux habitants de l'inde qui en équipèrent des unités spéciales de leur armée. Ces unités spéciales firent quelque ravage parmi les rangs des Anglais lancés à la conquête du pays, si bien que l'idée de la fusée passa en Grande-Bretagne. Les Anglais aussitôt en firent profiter la France en lançant contre Boulogne en 1806, 200 fusées qui incendièrent trois maisons, et le Danemark en faisant pleuvoir sur Copenhague en 1807, 40 000 fusées qui tuèrent plus de 2 000 personnes. 
Ainsi, au hasard des guerres, la fusée fut universellement connue. La filière que nous venons d'indiquer pourrait bien n'avoir pas été la seule, car on signale d'autre part l'utilisation de sortes de fusées par les Arabes dès les premiers siècles de notre ère et Jeanne d'Arc disposait au siège d'Orléans d'un corps (le lanceurs de fusées, à une époque où les Anglais, eux, n'en avaient pas encore. Il est vrai que quand on dispose d'un matériau combustible (ne serait-ce que de la graisse de boeuf) ou explosif, rien ne vient plus facilement à l'esprit que de le mettre dans un récipient. Après quoi on s'aperçoit non moins facilement que si on met le feu, volontairement ou accidentellement, à ce matériau, le récipient se sauve en crachant des flammes derrière lui. Concurremment à la guerre, la magnificence des cours royales, princières ou impériales aida à la propagation de la fusée à travers le monde, car les rois, princes et empereurs aimaient éblouir et s'éblouir avec les feux d'artifices. Ainsi pour une fête donnée en 1733, le tsar de Russie occupa pendant dix semaines deux mille personnes à préparer des " belles bleues " et des " belles vertes ". La fusée dans sa forme la plus simple, ce n'est après tout rien d'autre que le pétard de 14 juillet. Au 19 eme siècle, il manquait à ce pétard encore artisanal (fût-il fabriqué par dizaines de milliers d'exemplaires) une théorie, des principes.

On commença à étudier plus sérieusement son comportement, ses performances, sa constitution, afin de l'améliorer, pour des fins guerrières évidemment. La recherche ne devint désintéressée et pacifique que lorsque le canon rayé mis en service vers 1870 permit tous les espoirs, ravit les états-majors et assura la prééminence de l'artillerie. La fusée disparut des panoplies. Mais, en même temps, ceux qui continuèrent à se passionner pour elle en y voyant un mode de transport de l'avenir furent ignorés, ridiculisés même. Ils durent mener leurs travaux sans recevoir d'aide de leurs gouvernements. Constantin Tsiolkovski, petit instituteur russe à la fin du siècle, fut de ceux-là. Et c'est à lui qu'on doit l'essentiel de la balistique des fusées, c'est-à-dire la science mathématique de leur construction et de leur tir. Tsiolkovski n'envisageait pas le Perfectionnement des armements. Les divers types de fusées qu'il dessina et calcula devaient emporter un équipage jusqu'à la Lune. Il a réellement mérité le nom qu'on lui a donné de " père de l'astronautique ", car rien dans ses écrits (depuis " L'espace libre ". publié en 1883) n'était fiction ou approximation.

A la base du calcul des fusées modernes, il y a toujours l'équation fondamentale dite  "de Tsiolkovski ". Dans tous les pays, d'autres chercheurs courageux (leur lot commun était privations et moqueries) travaillèrent à la fusée, en théorie ou en pratique. Ils étaient presque tous disciples oui correspondants de Tsiolkovski. En France, l'ingénieur d'aviation Robert Esnault-Pelterie se signale en 1912 par une conférence devant la Société française de Physique, où il prétendait soutenir qu'il est possible de se déplacer par réaction hors de l'atmosphère. Ce fut un scandale parmi la docte assistance, et le texte de la conférence ne fut publié dans le journal de la Société que rogné au point d'être inintelligible. En Amérique, le jeune Roberl H. Goddard publia en 1919 son ouvrage intitulé "Méthode pour atteindre les altitudes très élevées ", et construisit une fusée brûlant des combustibles liquides. Le 16 mars 1926, cette fusée s'éleva jusqu'à l'altitude de... 56 mètres. En Allemagne. Hermann Oberth tâcha de profiter du tournage du film de Fritz Lang, " Une femme dans la Lune ", pour qu'on construisît au lieu d'une fusée (le carton une vraie fusée lunaire dont il avait établi les plans. Fritz Lang se garda bien de tenir ses promesses quand, grâce à la participation d'Oherlh, le film fut assuré d'un grand succès populaire. Car, vers ces années 30, la science officielle boudait les fusées et tournait en dérision les voyages spatiaux. L'astronautique n'était connue que grâce aux ouvrages (le vulgarisation scientifique faisant rêver le lecteur sans tricher avec la science. En France, le nom d'Alexandre Ananoff demeure particulièrement attaché à cette oeuvre (le popularisation. de simplification des données du problème du vol spatial, les rendant accessibles à un large public et par là donnant aux idées une force réelle, un appui. L'Allemagne connut alors un véritable engouement pour les fusées. On en essayait partout, sur les autos, sur les planeurs, sur les motos, et même dans le dos des patineurs, tandis que les Académies faisaient la moue devant ces amusements sans conséquence, sinon sans danger. Par un singulier retournement des choses, dans le même temps Tsiolkovski vivait une vieillesse comblée d'honneurs. Ses travaux, que le gouvernement tsariste avait méprises, jouissaient à présent en Union Soviétique d'une énorme diffusion. Des ingénieurs comme Tsander, Stetchkine ou Chatilov recevaient des crédits considérables pour fabriquer des moteurs à réaction. Dès 1924 avait été fondée à Moscou une " Commission pour les communications interplanétaires " qui, à la différence de ses homologues dans les autres pays devint presque aussitôt organisme officiel.

PAS D'ACTION SANS REACTION.

Il n'est pas de véhicule plus simple que la fusée. C'est une boîte aux parois solides, contenant du combustible, entièrement close. Il n'y a qu'un trou dans le fond, par lequel s'échappent les gaz provenant de la combustion. Moyennant quoi, la boîte avance en sens opposé à celui du jet. Le mouvement se fait par réaction. Newton avait, dès 1687, formulé les lois qui régissent le mouvement par réaction, et si les avions supersoniques et les fusées interplanétaires en sont l'application la plus moderne, ce mouvement-là est vieux comme l'univers, il y a de la réaction partout et à tous les instants de notre vie. Il n'existe même pas d'action sans réaction. Un enfant, monté sur des patins à roulettes, a les bras chargés d'objets divers. Il les jette un par un devant lui. A chaque fois qu'il en jette un, voilà qu'il se sent entraîné vers l'arrière, comme si on l'avait poussé sur ses patins. Il est bien connu, même des gens qui n'ont jamais servi dans l'artillerie, qu'au départ de l'obus, le tube du canon recule sur le berceau spécialement conçu à cet effet. Et si l'artilleur a oublié de serrer les freins immobilisant les roues du canon, le canon tout entier recule. D'une manière absolument générale, un mouvement est transmis à tout propulseur qui rejette avec une certaine force une partie de sa propre muasse au-dehors. L'obus, tant qu'il est dans la culasse, fait partie de la masse du canon. Quand l'obus est rejeté à l'extérieur, le propulseur, c'est-à-dire le canon se met en mouvement dans l'autre sens. Il y a dans l'action et la réaction "conservation de la quantité de mouvement ", ce qui peut s'exprimer ainsi Masse de l'obus x vitesse de l'obus = masse du canon x vitesse du canon. 

L'éjection d'un obus de 100 kg à la vitesse de 200 mètres-seconde fait reculer un canon de 2 000 kg à la vitesse de 10 mètres-seconde. La fusée est comme le tube d'un canon, et ce qu'elle rejette à l'extérieur, c'est son carburant en combustion. Simplement, le corps de la fusée doit être le plus léger possible, il doit contenir la plus grande quantité possible de carburant, et du carburant qui, en brûlant. donne un gaz s'échappant le plus rapidement possible. Il y a tout de même une différence entre la fusée et l'exemple du canon. C'est que la fusée, elle, ne rejette pas tout le poids de son carburant d'un seul coup. Il se consume progressivement. Supposons une fusée dont le corps pèse 20 kg et qui contient 80 kg de carburant donnant à la combustion un gaz éjecté à 1 000 mètres à la seconde. Supposons que cette fusée éjecte son carburant 10 kg par 10 kg. Et faisons jouer la loi de conservation de la quantité de mouvement... A la première éjection 1 000 m/s x 10 kg = 90 kg x vitesse de la fusée. La vitesse communiquée à la fusée est de 111 mètres-seconde.

L'ATMOSPHERE FREINE L'AVANCE DE LA FUSEE

A la seconde éjection 1 000 m/s x 10 kg = 80 kg x vitesse de la fusée. La vitesse communiquée à la fusée est alors de 125 mètres-seconde qui s'ajoutent aux 111 précédents. A la troisième éjection 1 000 m/s x 10 kg = 70 kg x vitesse de la fusée. La vitesse communiquée à la fusée est alors de 142 mètres-seconde qui s'ajoutent aux 236 précédents, etc.

Eh bien, la fusée est exactement le véhicule qu'il nous faut pour lancer des lunes artificielles, car au lieu de partir avec le maximum de vitesse et ne plus pouvoir ensuite qu'en perdre du fait de la pesanteur et par le freinage dans l'atmosphère, elle en fabrique et en gagne au fur et à mesure qu'elle avance. Elle accélère son mouvement... Elle peut fonctionner même dans le vide. puisque l'oxygène nécessaire pour la combustion de son carburant, au lieu de l'emprunter à l'atmosphère, elle peut très bien l'emporter dans des réservoirs sous la forme qu'on voudra oxygène liquide, ozone liquide, oxydants tels que le fluor ou acide nitrique. On. appelle ces produits les " comburants ". C'est d'ailleurs hors de l'atmosphère, et non pas dans l'atmosphère que la fusée atteint son meilleur rendement. Prenons une boîte entièrement fermée, à l'intérieur de laquelle il y a un peu d'explosif. Mis à feu, l'explosif dégage aussitôt des gaz qui se détendent et font pression sur les parois de la boîte. En appuyant sur un des fonds de la boîte, les gaz tendent à la faire avancer dans la direction de la poussée. Mais ils n'y réussissent pas puisque, en même temps, ils appuient non moins énergiquement sur l'autre fond de la boîte et tendent à la faire avancer dans la direction opposée. Les deux mouvements se contrarient. La boîte ne bouge pas. Découpons un trou de section assez large dans un des fonds. Par ce trou, une certaine quantité de gaz s'échappe et n'exerce plus de pression sur cette surface-là. Maintenant, les pressions vers le fond non percé (qui n'ont pas varié) sont plus grandes que celles s'appuyant sur ce qui reste de l'autre fond. La boîte va obéir à ce supplément de poussée, et avancer. Ce supplément de poussée est fonction naturellement de la quantité de gaz qui s'échappent par le trou. donc de la vitesse avec laquelle ils peuvent s'échapper. Dans le vide absolu, rien ne s'oppose à la fuite des gaz. Dans l'atmosphère, par contre, ils sont freinés à leur sortie de la boîte. Ils s'échappent moins vite, donc il s'en échappe moins, et le mouvement transmis à la boîte n'atteint plus son maximum. A quoi s'ajoute le fait que la boite subit aussi un freinage par la masse d'air qui se trouve devant elle, ainsi que cela se produit pour n'importe quel véhicule avançant dans l'atmosphère. Dans l'atmosphère, la fusée est doublement ralentie. Le problème est d'atteindre 7,86 kilomètres à la seconde. Dans la fusée, deux éléments sont à considérer

1) Le carburant et la vitesse avec laquelle il chasse la masse de gaz

2) L'amenuisement progressif du poids de la fusée à mesure que son carburant brûle, puisque l'effet de réaction se manifeste de la sorte sur un engin de plus en plus léger, donc de plus en plus facile à pousser.

Constantin Tsiolkovski à la fin du 19eme siècle lui -même a formulé l'équation déterminant la poussée d'un moteur fusée et la vitesse que la fusée peut atteindre

F = (dm/dt) * v

Où F est la poussée obtenue (Newtons), (dm/dt) le débit massique d'ergol (kg.sec-1), v la vitesse d'éjection de l'ergol en m/s-1. Le système formé par l'engin spatial, carburant compris, est, dans le référentiel choisit, isolé, ne recevant aucune force extérieure, ce pourquoi sa quantité de mouvement (produite masse par vitesse) est constante. Chaque seconde, une masse (dm/dt) d'ergols est accélérée à une vitesse v par rapport à l'engin spatial, recevant donc une quantité de mouvement v. (dm/dt). Puisque la quantité de mouvement du système total soit constante, l'engin spatial voit sa propre quantité de mouvement accrue de la même façon (dans le sens contraire).

L'impulsion spécifique (ISp) est le rapport (exprimé en secondes) du produit poussée-temps de combustion sur le masse d'ergols, la poussée étant ici exprimée en kilogramme-poids (1kgp = 9.81 Newtons). De l'équation de la fusée, on déduit que l'impulsion spécifique vaut la vitesse d'éjection divisée par 9.81. Pour un avion, seule l'énergie (fournie par le carburant) est limitée, la masse à éjecter (air) est disponible en abondance.

La vitesse finale de la fusée vitesse d'éjection des gaz multipliée par le " logarithme népérien" du rapport de masse. Le rapport de masse, c'est le rapport entre la masse de la fusée pleine de carburant au moment du départ et ce qui reste d'elle quand tout le carburant a été consomme. Le "logarithme népérien " (du nom du mathématicien Ecossais John Néper qui, au début du 17 eme siècle, inventa les logarithmes), c'est le logarithme indiqué par les tables de logarithmes multiplié par 2.3. Peu importe d'ailleurs sa définition pour qui n'est pas technicien. L'essentiel à propos de cette formule est de savoir qu'elle indique qu'une même augmentation de la vitesse finale peut être obtenue soit par une petite augmentation de la vitesse d'éjection des gaz, soit par une énorme augmentation du rapport de masse.

On définit le delta-v total d'un véhicule spatial Dv la vitesse que peut prendre un véhicule spatial, intégrale de son accélération. Soit un véhicule spatial de masse M = M1 + M2, M1 étant la masse à vide qui reste après consommation du carburant, M2 la masse de carburant. La variable t est le temps, T la durée de combustion. A l'instant t, la masse du véhicule est donc M-(t/T)M2 = M(t). v est la vitesse d'éjection du fluide, constante. On intègre:

La présence du "-" (signe moins) est due au fait que "dm" soit négatif. On remarque que delta-v est linéaire à v mais ne dépend pas de T. Il est à noter que le Delta-v ne correspond généralement pas au changement de vitesse effectif. Ainsi, un satellite qui modifie son plan orbital utilise un delta-v assez important mais sa vitesse finale est toujours la même.

 

LES CARBURANTS LES PLUS RAPIDES NE LE SONT PAS ASSEZ.

C'est donc des carburants qu'on va d'abord s'occuper. Le pétrole est le plus commun. Avec de l'air ordinaire comme comburant, il brûle à  2 300° et donne une vitesse d'éjection de 2 000 mètres-seconde environ. Avec de l'oxygène comme comburant, il brûle à 3 000° et donne une vitesse d'éjection de 2 500 mètres-seconde. Avec du fluor, il brûle à 3 500° en donnant une vitesse d'éjection de 2 700 mètres-seconde. Toujours avec du fluor, l'hydrogène comme carburant procurerait une vitesse de 3 600 mètres-seconde, pour une température de 4 600°. Comme on le voit, plus les mélanges sont " rapides ", plus leur température de combustion est élevée. Or, l'acier fond à 1400°, le chrome à 1800° et le tungstène pur à 3 410°. L'amélioration de la vitesse d'éjection implique non seulement des progrès en chimie, pour produire et conserver de tels carburants et comburants, mais également en matière de métallurgie spéciale et de fabrication de matériaux réfractaires. Les difficultés s accroissent en ces domaines beaucoup plus rapidement que le gain en vitesse. Les carburants employés de science sûre à l'époque du premier spoutnik donnaient des vitesses d'éjection des gaz de 2 500 à 2 700 mètres-seconde. Les carburants les plus sensationnels que la chimie puisse compter produire peineront à dépasser 3 700 mètres-seconde. Ce qui est toujours loin des 7.86 kilomètres-seconde dont bébé-lune a besoin.

Le moteur-fusée à ergols solides utilise une poudre noyée dans un gel et combinant du carburant (soufre, carbone, ammoniaque...) et du comburant (composées oxygénés types sulfates, phosphates, et autres trucs en "ate"). C'est en fait un explosif lent. Au XIe siècle, les chinois inventèrent la poudre à canon (salpêtre: K2PO4,riche en oxygène; soufre et charbon), puis construisirent des pétards en bambous censés effrayer les démons. En en voyant faire long feu et s'envoler, ils créèrent les premiers feux d'artifice... et les premières roquettes sol-sol!

Voici le schéma d'un moteur-fusée à ergols solides moderne:

Aux extrémités, la zone étoilée et la zone conique voient leur surface de combustion se réduire, tandis que la zone médiane voit la sienne s'agrandir par l'élargissement du "trou" central. La poussée reste donc sensiblement constante. Elle est cependant presque incontrôlable: la combustion continue jusqu'à épuisement de l'ergol sans demander l'avis de personne. On peut parfois la contrôler en ouvrant une vanne à l'autre extrémité (ce qui crée une contre-poussée mais gaspille du carburant) ou en injectant un fluide qui ralentit la réaction (peu fiable). Ces dispositifs sont peu utilisés. Les missiles de tous types (air-air, sol-air, balistiques...) emploient le plus souvent ce type de moteurs (pas de risques de fuite).

Les moteurs à poudre sont généralement employés pour des temps de combustion plus courts que ceux à carburant liquide : au maximum un peu plus de deux minutes.

 

Le moteur-fusée à ergols liquides est plus performant, plus souple d'utilisation, généralement moins polluant mais plus coûteux et moins fiable. L'idée remonte au russe Konstantin Tsiolkovski (écrivain de science-fiction, 1857-1935), à la fin du XIXe. Si la désinformation américaine attribue sa mise en application à Robert H. Goddard (1882-1945), qui en 1926 lança une fusée à ergols liquide (kérosène/O2) montant à 30m (!) d'altitude, c'est l'ingénieur péruvien Pedro P. Poulet qui semble avoir été le premier à faire fonctionner (au sol) un tel moteur, dès 1895. Il fonctionnait à l'acide nitrique (HNO3, riche en oxygène) et à l'essence.

Les fusées actuelles emploient les couples d'ergols suivants:

N2O4 (peroxyde d'azote) /UDMH (petit nom pour UnSymetric DiMethylHydrazine, ou diméthylhydrazine asymétrique): Assez peu performant, ce couple est par contre stockable à pression et température ambiantes et présente l'avantage de son hypergolicité: les deux ergols s'enflamment spontanément par contact. Le N2O4 peut être remplacé par l'IRFNA ou le RFNA (dérives de l'acide nitrique), l'UDMH par le MonoMerthyl-Hydrazine. On appelle l'ensemble ergols azotés. O2 (oxygène)/ Kérosène: Si ce couple présente le défaut qu'est la nécessité de stocker cryogéniquement (-183°c) l'oxygène liquide et n'est pas hypergolique, il est plus performant et moins polluant que le précédant. O2 (oxygène) /H2 (hydrogène): L'hydrogène est stocké à -253°c, ce qui pose de sérieux problèmes techniques. De plus, sa faible densité rend les réservoirs encombrants. Mais ce couple est extrêmement performant et non polluant (il ne dégage que de l'eau). Les fusée les plus modernes l'emploient. La première à l'utiliser fut la Saturn I, dès 1960. D'autres couples, d'emploi plus marginal, existent. Citons le couple Oxygène/méthane de plusieurs projets russes, qui offrirait un compromis entre l'hydrogène et le kérosène. Notons qu'il existe, pour la propulsion des satellites, de petits moteurs n'employant qu'un seul ergol, de l'hydrazine que l'on décompose (H2N-NH2 —> N2 + 2H2). Simple mais modestement efficace (~240 secondes d'Isp), ce carburant est de moins en moins employé, au profit des solutions à biergols. Au début de l'ère spatiale existèrent quelques gros moteur employant des monergols, comme le nitrométhane. Ce sont en fait des explosifs brûlant lentement.

Sur ce schéma figurent en noir les flux d'ergols, en rouge (ronds) les zones de combustion, et sous forme de flèches rouges les flux de gaz chauds. Les machins formés de deux rectangles noirs reliés par un trait sont les turbopompes (voir lexique).

Le moteur-fusée à lithergols est un concept associant un carburant solide et un comburant liquide. On peut par exemple citer le projet AMROC (avec oxygène liquide) aux USA.

 

Dans ces trois types de moteurs, les moteurs doivent être refroidis car ils sont soumis au passage de gaz à de très hautes températures. On peut employer différentes méthodes : Ablatif : des matériaux recouvrant l'intérieur de la tuyère absorbent la chaleur en se sublimant ou en fondant. Régénératif : sur un moteur à ergols liquides, un des deux ergols circule dans des tuyaux dans l'épaisseur de la tuyère, lui prenant de la chaleur. Soit cet ergol est rejeté (cycle ouvert) soit il est envoyé dans la chambre de combustion (cycle fermé) ce qui est plus difficile à mettre en oeuvre mais plus économe en ergol. Par rayonnement : la chaleur du moteur est diffusée dans le reste de la fusée, qui doit donc être conçue de façon à résister à une forte température. 

 

FUSEE MULTIPLE POUR GRAND RAPPORT DE MASSE

C'est donc une absolue nécessité de jouer sur le second élément. Évidement, le corps de la fusée peut être assez léger comparativement à sa charge de carburant. Prenons une fusée pesant, vide de carburant, mais avec sa charge utile 600 kg. Nous allons emplir cette fusée de 3 tonnes de carburant ayant une vitesse d'éjection des gaz de 3 kilomètres-seconde. L'équation de Tsiolkovski nous donnera la vitesse qu'atteindra la fusée au maximum (c'est-à-dire dans les meilleures conditions)

V=3 x 2.3 x log 3600/600, soit 3 x 2.3 x 0.77 = 5,3km/s.

Ce n'est pas assez, et pourtant il faut déjà un excellent carburant pour une vitesse d'éjection de 3 km-s. Alors ? 

Reprenons notre fusée de 600 kg avec ses trois tonnes de carburant, dont le rapport de masse était de 3600/600, c'est à dire 6. Considérons différents moments de son fonctionnement. Au départ, la poussée des gaz s'exerce sur 3 600 kg. A la fin du dernier tiers de la combustion, elle ne s'exerce plus que sur 600 + 2 000 = 2 600 kg. A la fin du second tiers, sur 600 + 1000, 1600. Enfin, sur 600 kg seulement. 

Mais si à la fin du premier et du second tiers de la combustion nous délestions purement et simplement la fusée de la partie de son corps qui ne contient plus de carburant et ne sert plus à rien ? Le rapport de masse au premier tiers de la combustion serait de 3 600/ 2 600 et la vitesse obtenue de 1,4 km/s.

Au second tiers, le rapport de masse serait de 2 400/ 1 400 et le supplément de vitesse communiqué à la fusée de 2.1 km/s. Au dernier, le rapport de masse serait de 1200/ 200 et le supplément de 4,8 km/s.

La vitesse finale de la fusée serait donc de 1,4 +2,1 + 4,8, soit 8,3 km/s. Nous avons notre première vitesse cosmique.

Nous l'avons obtenue grâce à la fusée à étages multiples. Dans la réalité, les trois étages ne sont nullement égaux en poids et en charge de carburant. 
Celui du bas est très lourd et très volumineux, C'est lui qui fournit l'énorme effort du décollage, qui soulève la fusée à la verticale, dans les plus mauvaises conditions puisque c'est le sens où s'exerce la pesanteur, et qui lui fait traverser les couches les plus denses de l'atmosphère, à faible vitesse. 
Le deuxième étage intervient alors que la fusée a déjà une vitesse de 2 à 3 kilomètres-seconde, donc dans les meilleures conditions de rendement, car alors la fusée avance à la vitesse de son gaz. 
Imaginez une petite souris blanche qui a besoin, pour être heureuse, de trotter à 3 kilomètres à l'heure. Quand elle est libre, il n'y a pas de problème le terrain défile sous ses pattes. Mais si notre souris est dans une cage ronde montée sur un axe? Il faut qu'elle ébranle sa cage (elle peine), la fasse tourner de plus en plus vite (elle peine encore). Quand la cage tournera à trois kilomètres à l'heure, alors là la petite souris sera heureuse puisque la cage défilant sous ses pattes à cette vitesse lui permettra de retrouver, sans se déplacer, les mêmes conditions que sur un terrain immense. En astronautique, la cage, c'est la fusée, et la souris les gaz éjectés. Les gaz peinent le moins quand la fusée navigue à leur vitesse. Le deuxième étage donc ajoute sa propre accélération, tout en quittant l'horizontale, en s'inclinant, si bien que l'action de la pesanteur sur lui devient moins sensible. Il est alors dans les couches hautes de l'atmosphère, de faible densité, et qui le freinent fort peu. Enfin, le troisième étage, très petit par rapport aux autres, intervient alors que la trajectoire s'est inclinée jusqu'à être parallèle à la surface de la Terre, et il fournit la dernière poussée nécessaire pour que le satellite soit à la vitesse cosmique. Ainsi est réalisé un compromis entre: 

_ La nécessité de traverser au plus vite l'atmosphère, le plus court chemin étant l'ascension verticale...(Il faut compter déjà perdre, en traversant l'atmosphère au plus court, un kilomètre à la seconde, qu'on doit par conséquent ajouter en compensation à la vitesse finale à obtenir). De manière générale, le vol du premier étage se fait selon une loi à incidence nulle afin de réduire les efforts sur les structures dues à la portance aérodynamique et de réduire également les flux thermiques. Au dessus de 40-50 km, le lanceur suit une trajectoire optimisée. Le largage de la coiffe protégeant la charge utile est réalisée à 100 km d'altitude afin de réduire les efforts dynamiques et le flux thermiques sur les charges utiles. Au cours de la phase propulsée, le lanceur suit une loi d'attitude qui l'amènera progressivement dans la direction requise pour l'injection du satellite. Pendant le vol, la trajectoire est constamment recalculée en tenant compte de la trajectoire réellement suivie par le lanceur. L'emploi de centrale inertielle et d'un calculateur est conseillés.

_ La nécessité de quitter au plus tôt la direction verticale qui est le sens où s'exerce la pesanteur terrestre. La diminution de vitesse subie par la fusée sur un parcours vertical s'exprime par la formule 9,81 x t. On a reconnu en 9,81 la valeur de l'accélération de la pesanteur, t est le temps de l'ascension verticale de la fusée, en secondes. Le nombre de mètres-seconde ainsi trouvé est à ajouter en compensation à la vitesse finale à obtenir. Ce qui signifie qu'il faudrait compter pour une fusée destinée à satelliser un engin à 200 kilomètres d'altitude et mettant 4 minutes (240 s) pour atteindre ces 200 kilomètres en ascension verticale un total de 8 km/s (satellisation) + 1 km/s (atmosphère) + 9,81 x 240 (pesanteur) = 11 400 mètres-seconde. C'est en réalité sur le total calculé de cette manière qu'il faut appliquer l'équation de Tsiolkovski. On appelle ce total la " vitesse caractéristique " de l'opération. Cela ne signifie nullement que l'engin navigue à aucun moment à cette vitesse. La " vitesse caractéristique " de toute navigation astronautique est la somme des dépenses en énergie nécessaires, chiffrées en kilomètres seconde. L'unité de vitesse est la plus générale et la plus commode à employer, alors que la mesure en quantité de carburant varie selon la qualité du carburant.

Le rapport de masse est donc le rapport entre la masse des ergols et la masse des structures (moteurs, réservoirs, équipements), celle que l'on retrouve à la fin de la propulsion.. Ce rapport ou indice de construction v = ms/mE est très petit pour les étages à ergols dits "stockables" , moyen pour les étages "cryogéniques et grand pour les étages à poudre. (15%) 

L'EFFET DE FRONDE 

La terre effectue un tour complet sur elle-même en 24 heures. La vitesse circonférentielle est de 

Ve = WRcosl

avec R le rayon de la terre, l la latitude du lieu de lancement et W la vitesse angulaire de la terre.

Aux pôles, la vitesse de rotation est nulle. A l'équateur, elle est de 465 m/s. Ainsi, avant de décoller, le satellite, confortablement installé dans la coiffe de la fusée sur le pad de tir et donc immobile dans un repère terrestre (par rapport à la surface de la terre), possède déjà 5.7% de la vitesse nécessaire pour une orbite basse. Cette vitesse est autant de moins à donner pour la fusée, qui peut donc emporter plus de charge utile sans que son prix n'augmente. Pour Kourou, cette vitesse est de 463 m/s, pour Cap Canaveral 410 m/s (inclinaison de 28,5°) et Baikonour de 323 m/s (inclinaison de 45,6°). C'est pourquoi on lance généralement vers l'est et depuis un site placé près de l'Équateur. En outre, pour éviter que la fusée retombée sur des zones habitées en cas d'échec, il faut qu'à l'ouest du site souverain à l'océan ou un désert. Il est préférable que cet océan où ce désert s'ouvre aussi au Nord ou au sud pour les lancements polaires. De plus, il faut aussi éviter que les étages inférieurs, en retombant, puisque causer des dégâts. Ces ainsi que les russes ont déclarait zones interdites les endroits ou retombant leurs étages de fusée après les tirs sur les orbites habituelles depuis Baïkonour ou Plesetsk. Évidemment, ce luxe serait hors de portée d'un pays comme la France, qui n'a pas de telles surfaces à sacrifier. Ainsi, on voit des sites sur des côtes est (Kourou, Svobodny, Cap Kennedy, Tanegashima, Cap Musudan, Alcantara, Sriharikota,... et bien sûr Sea Launch et San Marco...) et d'autres s'ouvrant sur des déserts ou des steppes (Vandenberg, Woomera, Baïkonour, Plesetsk, ...). Par contre, le site Chinois de Xichang est placé de telle façon qu'un échec peut se traduire par la chute sur une zone habitée. En 1996, cela arriva, les victimes furent sans doute plusieurs centaines.

 

CHOIX DES INCLINAISONS 

Le gain cité ci-dessus n'est effectif que pour un lancement en orbite équatoriale. Si l'orbite visée est inclinée, cette vitesse ne sera qu'en partie utile (proportion déterminée par la trigonométrie). Pour une orbite polaire, elle est inutile, la latitude du site de lancement sera donc à peu près indifférente. C'est pourquoi, pour lancer les satellites-espions, souvent sur ce type d'orbite, on peut employer des sites très loin de l'équateur, comme Plesetsk (Russie, au nord de Moscou) ou Jiuquan au nord de la Chine. Si, cas très rare, le lancement est rétrograde, c'est-à-dire qu'il se fait vers l'ouest, cette vitesse pénalise le tir car il faut compenser cette vitesse.

Pour un site éloigné de l'équateur, le mieux est de choisir une orbite dont l'inclinaison est à peu près la latitude du site. C'est pourquoi les stations Mir et l'ISS ont des orbites inclinées de plus de 50° : le tir depuis Baïkonour est optimisé. Si on visait une orbite équatoriale ou peu inclinée depuis un site élevé en latitude, on devrait d'abord tirer à une inclinaison forte, puis rectifier en employant du carburant dont le poids est autant de perdu en charge utile.

La mise en orbite peut se faire de deux façons différentes selon le point d'injection visé. Si l'orbite visée est basse, passant près du lieu de lancement, il est possible de mettre à feu tous les étages les uns après les autres. Si par contre l'orbite visée est haute ou si le plan orbital est très éloignée du site de lancement, on intercale alors durant la phase propulsée des phases balistiques.

Ariane lance ses satellites directement sur l'orbite de transfert GTO. Les tirs s'effectuent de Guyane situé à 5,23° au dessus de l'équateur par allumage successifs de ses trois étages.

Le Shuttle US est conçue pour les orbites basses (300 à 600 km). Pour une mise en orbite GTO, il est nécessaire d'adjoindre au satellite en plus de son moteur d'apogée, un moteur de périgée pour l'injection.

Les formules trigonométriques démontrent que l'inclinaison du plan de l'orbite est reliée à la latitude l et à l'azimut du tir a par la formule:

cos i = sin a cos l

L'azimut est défini par l'angle entre le plan de la trajectoire et le plan contenant la direction du Nord au point de départ.

Un tir plein Est  a = p/2 conduira à i = l. Il ne sera donc pas possible d'obtenir directement une inclinaison inférieure à la latitude du lieu. Une manoeuvre dite de dog-leg permet d'incurver progressivement la plan de la trajectoire du lanceur, au cours de la phase propulsée, afin de l'amener dans le plan de l'équateur. Une autre manoeuvre permet de modifier la plan de l'orbite après injection du satellite en couplant la changement de plan avec la circularisation de l'orbite, par allumage du moteur d'apogée. La condition sera de placer le périgée sur l'équateur.

Pour un tir vers une inclinaison, l'azimut est de:  

a = arcsin(( cos i) / cos l )) 

Pour un lancement vers une orbite inclinée à 70° depuis la base de Jiuquan en Chine, on a arcsin ( cos(70°)/cos(41°)) = arcsin (0,45318), soit 26,95° (soit un tir vers 63,05° vers le Nord) ou 153,05° (soit un tir vers 63, 05° vers le Sud) direction Est.

Pour le premier vol en orbite américain de Glenn sur Friendship 7 afin d'augmenter l'inclinaison de 28,5° (latitude du cap) à 32° d'inclinaison du vol, les Américains ont tiré à 75° d'azimut c'est à dire incliner de 15° vers le Nord. Par rapport à la même inclinaison vers le sud ce choix leur permettait d'avancer vers le sud les points de passage les plus au Nord et donc de pouvoir récupérer Glenn dans l'Atlantique et non dans le Pacifique après 3 orbites. Le pas de tir de la fusée Atlas étant plutôt incliné vers le sud (105°) il avait fallu programmer un mouvement de roulis de la fusée de 30° durant les 15 premières secondes du vol.

 

 

LES FACTEURS POLITIQUES ET STRATEGIQUES 

La plupart des puissance spatiales emploient des satellites-espions. Si l'Europe n'en a qu'un (Hélios France-Italo-Espagnol), les USA, la Chine et la Russie en ont de large panoplies, l'Inde et Israël ayant aussi quelques facultés dans ce domaine. Le Japon, face à la menace Nord-coréenne, a décidé d'en lancer quatre. Ces satellites sont capitaux pour les militaires, toute guerre moderne étant une guerre des informations, et on comprend dès lors que les puissances spatiales tiennent à garder leur pas de tir en cas de conflit. Un centre aménagé dans un pays équatorial, même bon allié, poserait des difficultés en cas de guerre : il serait difficile à défendre et y livrer les fusées relèverait de l'exploit. De plus, le choix d'un tel emplacement prendrait pour l'opinion l'aspect d'une délocalisation. Le centre spatial génère, directement et indirectement, une activité économique importante, que l'on préfère naturellement garder en terre nationale.

C'est pour ces raisons, par exemple, que les USA ont installés leur centres spatiaux à Cap Kennedy (à l'époque, Cap Canaveral : 28.45°Nord) et à Vandenberg (Californie, 34.63° Nord, aux points les plus méridionaux de son territoire métropolitain, plutôt que d'utiliser ses territoire d'outre-mer, comme une de ses îles du Pacifique (Jarvis, tout près de l'équateur, fut envisagé), ou Puerto Rico. Les problèmes de transports ont aussi joués. Si la France avait perçu son programme spatial comme avant tout militaire, elle n'aurait jamais installé un centre à Kourou, qui en temps de guerre serait quasi inutilisable. De leur côté, les soviétiques auraient pu, à leurs heures de gloire, installer un centre dans un "pays frère" proche de l'équateur. Mais voilà : le Vietnam aurait peut-être accepté, mais il fallait que les fusées traversent la Chine... Quant à Cuba, inutile d'y penser : impossible d'y faire quoi que ce soit sans que les avions-espions américains l'observent. Autre exemple : la plate-forme Sea Launch ne peut qu'avoir une vocation civile, pour deux raison : elle est internationale et elle serait impossible à ravitailler en temps de guerre (il faudrait même la laisser dans un port, à l'abri).

 

 

LE GUIDAGE DES FUSEES 

Les premières fusées n'étaient pas guidée : une fois lancées, elles suivaient une trajectoire approximative. C'est encore le cas pour les derniers étages de quelques lanceurs spatiaux, pour les roquettes, et les micro-fusées (fusées amateurs, feux d'artifices). Mais il va de soit que si l'on veut un missile pouvant atteindre un objectif avec précision, ou une fusée pouvant placer un satellite sur orbite, il faut que cette fusée soit pilotée, c'est-à-dire qu'elle puisse incurver sa trajectoire et contrôler son roulis (histoire de ne pas tourner sur elle-même comme une toupie). Les informations concernant la trajectoire à prendre sont obtenus par un système de gyroscopes dans la case à équipement de la fusée ou (technique abandonnée depuis les années 60) par radioguidage depuis le sol.

Une solution simple est le guidage aérodynamique. Pour l'obtenir, on place à la base de la fusée au moins trois (généralement 4) ailerons à volet mobile, similaires à des dérives d'avion. On braque le volet, on y crée une portance dans un sens ou dans l'autre, perpendiculairement à l'axe de la fusée. Cette portance la fait tourner autour de son centre de gravité. Le contrôle aérodynamique permet aussi de contrôler le roulis. Mais il n'est évidemment employable que dans l'atmosphère. Dans le cas d'un lanceur multi-étage, seul le premier étage peut donc l'employer, et encore si il ne porte pas la fusée jusqu'à des altitudes trop grandes. Peu de lanceurs (citons la RSA-3 sud-africaine, et sans doute la Shavit Israëlienne) y font exclusivement appel pour le premier étage. En revanche, plusieurs, en particulier chez les petits lanceurs à poudre, y font appel pour le contrôle en roulis d'un premier étage doté d'une seule tuyère orientable. Les missiles qui ne quittent pas l'atmosphère (air-air par exemple) emploient généralement, seul ou avec tuyère orientable, un contrôle aérodynamique.

La méthode préférée des ingénieurs consiste à dévier le flux des tuyères pour courber la trajectoire. Sur le V-2 ou le Scud, on obtenait cette dérivation par des déflecteurs en graphites. Cette solution très lourde fut vite remplacé par des tuyères orientables. Parfois, on emploie l'injection de liquide ou de gaz dans la tuyère pour dévier le flux de gaz. Si un étage comporte au moins deux tuyères, il n'y a qu'à les braquer différemment pour avoir un contrôle en roulis. Si il n'y en a qu'une seule, on a le choix entre ces solutions :

Des verniers, petits moteurs auxiliaires. L'emploi, pour les moteurs à ergols liquides, des gaz produits pour alimenter la turbopompe. Le contrôle aérodynamique (pour un premier étage). Un système de vannes sur les flancs de la fusée.

 

MECANIQUE SPATIALE, partie 3