LA MECANIQUE SPATIALE SIMPLIFIEE (6)

VERS LES PLANETES

Les planètes sont des satellites du Soleil. Elles tournent autour de lui sur des orbites presque circulaires. Celles dont le rayon de l'orbite est plus petit que le rayon de l'orbite de La Terre s'appellent les " planètes inférieures " Il n'y a que Vénus et Mercure. Celles dont le rayon de l'orbite est plus grand que le rayon de l'orbite de la Terre s'appellent les " planètes supérieures". Le passage d'une planète à une autre peut donc se faire par transfert, comme avec les satellites terrestres quittant une orbite circulaire pour une autre. 

La vitesse nécessaire au satellite "Terre " pour que son orbite devienne elliptique et que son aphélie soit situé sur l'orbite de Mars est voisine de 33 km/s. Lorsque le centre de l'attraction est le Soleil. on parle non plus de " périgée " et d " apogée ", mais de " périhélie " (des mots grecs péri près et hélios Soleil), et d'aphélie " (apo loin). La vitesse nécessaire au satellite " Terre" pour qu'au contraire le grand axe de son orbite se raccourcisse et que son périhélie se trouve placé sur l'orbite de Vénus est voisin de 27 km/s. On va vers les planètes supérieures en augmentant la vitesse et  vers les planètes inférieures en la diminuant.

Il n'est évidement pas question de déplacer de son orbite primitive la Terre entière en accélérant ou en ralentissant son mouvement. Mais tous les corps appartenant au système terrestre, les objets, les animaux, les hommes, la Lune, les satellites artificiels de la Terre, se déplacent autour du Soleil comme la Terre elle-même, en même temps qu'elle, à la vitesse de 30 kilomètres-seconde. Il s'agit donc de faire " dérailler " l'un de ces corps de l'orbite de la Terre et de le placer sur une orbite nouvelle particulière, ayant toujours, comme celle de la Terre, le Soleil pour centre d'attraction. Le corps choisi devient ainsi une planète artificielle.

 

VERS MARS

Le problème est de communiquer à l'engin qui doit aller vers Mars et avoir son aphélie sur l'orbite de cette planète supérieure un supplément de vitesse de 3 kilomètres-seconde par rapport à la vitesse propre de la Terre. Ce serait une erreur de croire qu'il suffit de lui fournir au départ du sol simplement 3 kilomètres-seconde. En effet l'attraction terrestre l'enchaîne, il faut au préalable qu'il s'en libère. Grâce à la vitesse de libération, naturellement.

La vitesse de libération lui permet de s'éloigner de la Terre sans retomber, d'aller au-delà de l'altitude d'un million de kilomètres où l'attraction terrestre cesse d'être prépondérante. Il pénètre alors dans la zone où l'attraction solaire règne sans partage, et il va subir la loi commune des planètes. C'est là qu'il lui faut les 3 kilomètres-seconde de vitesse supplémentaire. Ce serait une erreur de croire que pour qu'il les ait, il suffit de les lui avoir donnés au départ, en plus de la vitesse de libération. L'opération n'est pas l'addition 11,2 + 3 km/s. Si l'engin est lancé avec exactement la vitesse de libération, cela représente juste de quoi l'aire échec constamment à la pesanteur et pas plus. Mais s'il est lancé avec une vitesse légèrement supérieure à la vitesse de libération, que va devenir le supplément ?
Il va amorcer une accumulation d'énergie nommée " cinétique ". c'est-à-dire l'énergie créée dans le mouvement. C'est cette énergie qu'on voit apparaître par exemple dans l'accident d'automobile, quand le chauffeur est éjecté de son siège et fait un plongeon par-dessus le capot. Dans la course de voiture, le chauffeur avait emmagasiné de l'énergie cinétique qui se manifeste en prolongeant son propre mouvement, alors que celui de son véhicule est brutalement interrompu. Or, l'énergie cinétique d'un corps croit avec le carré de sa vitesse. Si nous avons donné à notre engin interplanétaire une vitesse seulement supérieure de 0,4 km/s à la vitesse de libération de 11,2 km/s, l'énergie cinétique qu'il aura à son entrée dans le système planétaire correspondra à une vitesse égale à la racine carrée de (11,6)2 - (11,2)2. C est à dire à 3 km/s.

Avec un supplément extrêmement modeste de 0,4 km/s au départ, nous avons obtenu de quoi envoyer l'engin vers Mars. Mais les rencontres ne peuvent avoir lieu qu'à certaines dates très précises. Il en est ainsi pour Mars et pour toutes les autres planètes.

Mars, en effet, fait le tour du Soleil à la vitesse de 24,1 km/s en 687 jours (1 an et 322 jours). alors que la Terre fait ce tour en un an. Leurs positions relatives se modifient sans cesse et forment avec le Soleil un angle dont la valeur évolue régulièrement. Les deux côtés de l'angle, régulièrement aussi, viennent à se placer dans la même direction. Cela se produit tous les 780 jours (2 ans et 50 jours). Soleil, Terre et Mars sont dans un même alignement. On appelle cela une " opposition " puisque, en considérant les choses de la Terre, Soleil et Mars sont en deux directions opposées. Cette fréquence des oppositions est aussi celle des périodes convenant à des opérations vers Mars. Mais un engin interplanétaire partant de son périhélie avec une vitesse de 33 km/s met 285 jours pour arriver à son aphélie, à 227 millions de kilomètres du Soleil, à l'autre extrémité du grand axe de son ellipse, c'est-à-dire. si l'on veut pour décrire un angles de 180°. Pendant le même temps, Mars ne décrit autour du Soleil qu' un angle de 150°. Si le départ avait lieu à l'opposition, le rendez-vous serait manqué. Il doit se produire avec une avance angulaire de 30°, c'est-à-dire à peu près un mois avant l'opposition.

 

VERS VENUS

Pour une opération vers Mars, la fusée porteuse doit être dirigée dans le sens du mouvement de la Terre afin que la vitesse obtenue par elle s'ajoute à la vitesse propre de la translation de la Terre. Pour une opération vers Vénus, il fallait que la vitesse obtenue par la fusée vienne en déduction de la vitesse de translation de la Terre. Lorsque la fusée porteuse a atteint par rapport à la Terre une vitesse supérieure 661 mètres-seconde à la deuxième vitesse cosmique, son moteur et la station interplanétaire est détachée pour poursuivre son vol libre sur sa trajectoire. 

 

TRAJECTOIRES " ECONOMIQUES " ET TRAJECTOIRES " CHERES

Les ellipses de transfert que nous avions envisagées partaient de la tangente de l'orbite de la Terre et aboutissaient à la tangente de l'orbite de Vénus. Ces ellipses, tangentes à leurs deux extrémités aux orbites des planètes entre lesquelles s'opèrent les transferts, sont celles pour lesquelles la dépense en énergie est la plus faible. On les appelle les trajectoires " économiques ".

Le calendrier établi pour les voyages vers Mars indique les périodes favorables dans le cas d'emploi des trajectoires économiques. Un tel calendrier existe aussi pour les voyages vers Vénus, puisque Vénus fait le tour complet de son orbite en 224 jours à la vitesse de 35 km/s, et que sa position par rapport à la Terre varie constamment. Soleil, Vénus et Terre se retrouvent dans le même alignement tous les 584 jours (1 an et 219 jours). On appelle cela une " Conjonction ", puisque, en considérant les choses de la Terre, Soleil et Vénus sont dans la même direction. Pour que le rendez-vous de l'engin avec Vénus ait lieu, il faut que le lancement soit opéré 87 jours avant la conjonction, et le parcours Terre Vénus se fait en 147 jours environ. 

La sonde soviétique Venus 1 a été lancé le 12 février 1961, 59 jours avant la conjonction d'avril, mais pas 81. Il n'a pas été placé sur une orbite elliptique tangente à l'orbite terrestre et à celle de Vénus, mais sur une orbite elliptique coupant en deux points l'orbite terrestre, et en deux points également l'orbite de Vénus. L'ensemble de l'opération avait été conçu pour qu'il en soit ainsi. Comment est-ce possible ? 

Revenons en arrière, au moment où la seconde fusée porteuse quitte la sonde. Si le plan de l'orbite de la sonde coïncide rigoureusement avec le sens du déplacement de la Terre, l'ellipse obtenue est bien tangente à l'orbite terrestre. Mais si le plan de l'orbite de la sonde forme un angle avec le sens du déplacement de la Terre, le mouvement final n'est plus la simple soustraction des vitesses dans le sens du déplacement de la Terre. C'est, en vitesse et en direction, la résultante des deux mouvements celui de la Terre autour du Soleil, et celui de l'engin sur sa lancée. A vitesse égale de l'engin sur sa lancée, la vitesse finale est plus grande dans le second cas que dans le premier. La sonde, ayant sur sa lancée 3,7 km/s, se retrouvait de la sorte avec une vitesse non pas de 26,3 mais de 27,7 km/s par rapport au Soleil. Ainsi, en jouant sur vitesse et direction, on peut placer une sonde sur une orbite telle qu'il n'ait pas à parcourir la demi-circonférence de l'ellipse pour joindre Terre et Vénus, mais une portion seulement de cette demi-circonférence. Le trajet est plus court. Vénus 1 est arrivé dans le voisinage de Vénus au bout de 100 jours au lieu de 147.

De la même manière, en jouant sur la vitesse et la direction, on peut déterminer pour les véhicules à destination de Mars et des planètes supérieures des trajets plus courts. La vitesse à donner à l'engin à son départ est plus élevée, car la résultante, dans le cas où le lancement ne se fait pas rigoureusement dans le sens de la translation de la Terre est inférieure à la somme des vitesses. 147 jours pour Vénus, 285 jours pour Mars sont la durée extrême des voyages. Ils peuvent être plus brefs, mais coûtent plus cher en vitesse à communiquer, donc en quantité de carburant.

Revenons à Vénus 1 pénétrant dans le système planétaire. L'engin s'éloigne de la Terre dans le sens opposé à la translation de la Terre autour du Soleil à la vitesse de 3,7 km/s, et en même temps il tourne autour du Soleil dans le même sens que la Terre elle-même à la vitesse de 27,7 km/s. Pour comprendre cette situation paradoxale en apparence, il suffit d'imaginer un train se dirigeant vers Paris à 100 km/h. Dans le train, un monsieur court le long des couloirs dans le sens locomotive-wagon de queue à la vitesse de ses jambes, disons par exemple 10 kilomètres à l'heure. En même temps, ce monsieur s'éloigne de la locomotive à 10 kilomètres à l'heure et s'approche de Paris à 100 - 10 = 90 kilomètres à l'heure. Ainsi en est-il de Vénus. Sur son orbite de transfert, la sonde gagne ensuite de la vitesse à mesure qu'il va vers son périhélie. Comme sa distance au Soleil diminue, il éprouve davantage les effets de l'attraction solaire.

Pour un véhicule à destination de Mars, ce serait l'inverse il perdrait de la vitesse en approchant de son objectif, puisque cet objectif est plus loin du Soleil, et que l'engin va vers son aphélie. Les vitesses d'arrivée sont au voisinage de Mars de 21,8 km/s, au voisinage de Vénus 37,5 km/s, dans le cas du transfert économique (aphélie à 150 millions de km, périhélie à 108 millions de km), 39,7 km/s pour Vénus (aphélie à 151 millions de km, périhélie à 106 millions).

Ces vitesses d'arrivée sont différentes de la vitesse de la planète elle-même sur son orbite, plus faible pour l'appareil vers Mars (ou vers les planètes supérieures), plus forte pour celui vers Vénus (ou vers Mercure), alors que la translation de la planète et le mouvement de l'engin cosmique sur sa trajectoire se font dans le même sens. Que ce soit pour maintenir l'engin le plus longtemps possible auprès de la planète, que ce soit pour le satelliser ou pour le faire descendre au sol, cette différence doit entrer dans le calcul de l'opération. Doit y figurer aussi la valeur de l'attraction de la planète. Doit être prévue la correction des déviations ou des imperfections au lancement, démesurément amplifiées par un parcours de centaines de millions de kilomètres.