La NASA a un nouvel administrateur en la personne de James Fletcher. Ce dernier pense obtenir le feu vert du gouvernement cette
année pour lancer le programme navette. La NASA calcule que pour faire accepter le projet par les autorités (maison blanche et congrès) il faut réduire les coûts d' accès en orbite et le faire accepter par le DoD pour toute
ses missions qui en auront besoin. En plus la participation du DoD ouvrira la porte à la mise en place d' une station orbitale permanente. En fait,
la navette est le seul programme habité qui nécessite des études
économiques, contrairement à Mercury et Apollo.
Une réunion NASA et DoD en janvier à Williamburg fixe le déport latéral à 2000 km, au lieu des 2800 envisagés ce qui
satisfait les militaires sans trop pénaliser la charge utile. Le choix d' un grand déport
implique l' abandon d' une voilure classique (préconisé par la NASA) pour une voilure
delta (préférée par l'USAF). Le déport latéral élevé permet à l'engin de
revenir sur terre deux à trois heures après son lancement (contre une à deux
fois par jour avec un faible déport latéral). Cela implique des lieux
d'atterrissage très différents selon l'instant du retour, d'où la nécessite
de se poser n'importe où aux USA ce qui exige une aile en delta.
L'autre point à examiner par la NASA et le DoD est la forme de l'engin lifting
body ou delta classique, la configuration à un étage et demi (avec des
boosters accolés) étant maintenant préférée à celle à deux étages.
La NASA décide de passer outre la limite de masse au décollage à 1590 tonnes et de fixer la charge utile dans des conditions optimales à 29,5 tonnes. Pour rattraper la charge visée, North American et MDD augmentent
la masse de leur navette respective. Avec près de 2200 tonnes, elles approchent maintenant les 2750 tonnes de la Saturn 5.
Février, fin des études de la phase C/D sur la propulsion de la navette menées par Aerojet, Rocketdyne et Pratt & Witney.
Le 3 mars, la NASA annonce que le centre Mississipi Test Facility est choisit pour conduire les essais des moteurs
principaux Space Shuttle Main Engines de l' Orbiter.
Les 6 et 7 avril, une réunion " navette spatiale " a lieu à Huntsville avec 400 spécialistes. Le projet officiel est toujours une navette bi étage pilotée, entièrement récupérable, dont la mise en service est prévue en 1979.
Le 21 avril, la NASA reçoit les réponses de l' appel d' offre de la phase C/ D sur la réalisation de la propulsion de la navette et choisit Rocketdyne, assisté de Honeywell (ordinateur de contrôle), Hydraulic Research & Manufactering (hydraulique) et TWA (maintenance). Le contrat de 500 millions de $ couvre une période allant jusqu ' en 1979. Les caractéristique du moteur n' ont guère évolué depuis 1970. La poussée a augmenté pour atteindre 252 tonnes pour les moteurs du booster et 286 tonnes pour l' Orbiter.
Une autre révision a lieu en avril avec pour but la conception de système d' évacuation en urgence du moins pour les vols expérimentaux. Lockheed propose pour les deux premiers Orbiters des sièges éjectables utilisés dans ses
avions SR 71.
Pendant les études de phase B, les différents contractants avaient évalué divers types de système d' éjection en
urgence, Rockwell proposait trois dessins :
Sièges éjectable semblables au Lockheed U2 et SR 71, sièges encapsulés éjectables comme le North American XB 70 et cabine éjectable comme le General Dynamics F 111 et Rockwell B1A.
Le seul système capable d' assurer la protection d' un équipage de plusieurs hommes était la cabine éjectable avec pour inconvénient l' augmentation du coût de production (300 million$) et de la masse (5600 kg). Tous ses systèmes étaient limités pour réaliser une évacuation en urgence en toute sécurité et demandaient une mise en alerte bien en avance avec des données pas toujours fiables.
Les travaux de la phase B sur une navette complètement réutilisable conduisent à des véhicules cher. En mai, la NASA apprend que son budget pour les 5 prochaines années n' augmentera pas. Tous les projets reçus demandaient un montant de développement de 10 milliard $ soit un budget de 2 milliards par an. Si pour l' année fiscale 1972 un budget global de 3,2 milliards est approuvé, seul 1 milliard pourra être alloué au Shuttle et ce pendant 5 ans. La NASA doit revoir sa copie.
Baisser le coût du programme navette implique de remplacer le booster par un étage consommable, ce qui paraît impossible vue la grande taille de l' Orbiter. Réduire sa taille, c' est réduire les coûts mais augmenter le temps de préparation entre les vols. Ce concept de booster consommable avait déjà été étudié par Grumman pendant la phase
ASSC en 1970.
La question majeure est maintenant la configuration générale de l' Orbiter ainsi que la masse de combustible qu' il emportera. Le premier dessin avec un réservoir externe est le MSC 020 datant du mois de mai. C' est un véhicule à aile droite de 32 m de long capable de transporter 8000 kg dans une soute de 12 m sur 4,5. Propulsé par 4 moteurs l' Orbiter est à cheval sur le réservoir d' hydrogène lui même monté au sommet d' un
Solid Rocket Booster, booster à propergol solide. Ce SRB est allumé au décollage, l' Orbiter prenant le relais après sa séparation. Il est récupéré par parachute.
Dans cette configuration l' Orbiter emporte le réservoir d' oxygène.
Une étude supplémentaire montre qu' en fait les réservoirs de LOX et LH2 doivent être réunis ensemble dans une unique structure à l' extérieur. Ironie du sort, Mc Donnell Douglas avait abouti aux mêmes conclusions en 1965,
qui mène directement au dessin MSC 021 lui aussi conçu en mai. L' Orbiter à aile droite raccourcit à 27 m n' a plus qu' un seul moteur et une charge de 8000 kg. Les réservoirs LH2 et LOX sont montés à l' avant du SRB par une structure ressemblant aux quadrillages
reliant les étages des fusées russes. La solution proposée par Grumman et Boeing, l' orbiter à réservoirs largables devient une nouvelle ligne d' étude.
Avec un meilleur rapport de masse, il permet d' atteindre plus de vitesse pour la satellisation de l' orbiter ce qui permet d' abaisser l' altitude et
donc la vitesse de séparation booster-Orbiter. Ce dernier n' a plus besoin d' une protection thermique complexe, le coût du programme passe alors à 7 milliards de $.
Dans la période 1971-72 plus de 53 dessins seront proposés par le MSC.
L' aile delta arrive dès le dessin MSC 022B, avec notamment le MSC 036 et 040.
Le MSC 036 possède 3 moteurs du type utilisés par les Saturn , une soute de 12 m sur 4,5 et une capacité de 8000 kg. Après le MSC 037 et sa soute de 18 m de long et ses trois moteurs J2, les ingénieurs se concentrent sur des véhicules dotés de 3 ou 4 moteurs J2 et d' une soute de 18 m
de long par 4,5 m de large. Ainsi apparaît le MSC 040 en août et qui devient la base de développement des Orbiters.
31 Juillet, la division Rocketdyne de NAA est retenue pour le développement du moteur principal de la navette le SSME.
Le but premier du nouveau lanceur, la navette sera la déserte d' une station orbitale, de type Skylab qui sera lancé l' année prochaine avec un Saturn 5 d' un seul tenant. La durée de vie espérée est de 10 ans, les missions de la navette n' ayant pour but que le transport des astronautes et l' envoi de matériels
scientifiques. Pour la NASA l' envoi d' une grosse station d' un seul tenant est une entreprise trop onéreuse, elle se rabat sur les stations dites modulaires lancées par morceau à chaque vol de navette sur plusieurs années.
La navette pourra étendre ses missions au transport de satellites commerciaux avec un coût de revient très inférieur aux lanceurs classiques.
Le 12 septembre, les contractants de la phase B et les deux contractants ASSC (Grumman/ Boeing et Lockheed) se voient réévaluer leur projet avec un nouveau contrat de 10 000 $ et comme base de départ la configuration MSC 040 et son réservoir externe. Le choix du SRB étant à leur charge avec une nette préférence pour des étages
de Saturn ou de Titan modifiés. La possibilité d' un SRB récupérable ou non restant aussi à la charge des contractants. Cette phase prend le nom de phase B prime.
Cette étape représente un changement majeur dans le fait de réduire le nombre de contractants au fur et à mesure de la progression des phases de développement. Les quatre en ligne sont maintenant sur une base théorique égale pour commencer la phase C/ D, développement et production.
Le 22 eme Congrès International d' Astronautique à Bruxelles permet de faire le point sur les études. Dans tous les cas l' orbiter possède des réservoirs largables
(LOX LH2).
Grumman- Boeing, propose en guise de booster un premier étage de Saturn 5, un S1C modifié.
L' étage pourra être piloté et entièrement récupérable (aile, train d'
atterrissage et pilotes) pour une réutilisation limitée de 5 à 10 fois.
Un autre concept prévoit le même étage S1C mais non piloté.
Son projet est rejeté car l' étage ne brûle que du RP1 et du LOX jugé pas assez énergétique.
Martin Marietta, avec MDD étudient pour le même rôle un étage dérivé de la Titan 3, avec 4 boosters à poudre, la Titan 3 L6, non réutilisable.
Enfin les quatre firmes en présence envisagent l' emploi de la propulsion à poudre, unique ou en faisceaux. De son côté, la NASA pense à un orbiter de première génération Mark J équipé de moteurs J 2S et même à un orbiter de taille réduite (soute de 12,2 sur 3,7 m). La première version de la navette sera disponible en 1977.
La version définitive, différant principalement par la présence d' un booster de type nouveau, verrait le jour vers 1982.
La phase B prime se termine le 31 octobre 1971.
Phase B Prime Grumman
Phase B Prime Mc Donnel Douglas
Le fait que le programme survive en 1971 malgré sa restructuration globale et les coupes budgétaires est dû à l' Air Force. Ses désirs d' une soute de grande capacité, d' un déport latéral grand et d' une structure en aluminium avec protection thermique sont là pour en témoigner. Il n' y a pas vraiment de programme civil et militaire séparé aux USA. Même si les premiers astronautes
étaient des pilotes d' essais et la plupart des ingénieurs des bureaux d' étude des militaires, l' Air Force n' avait pas d' argent à mettre dans le
programme mis à part quelques études faites çà et là. En fait l' armée est là pour appuyer les débats au Congrès, sans quoi le programme serait déjà mort. La NASA n' a pas besoin de l' argent de l' armée pour conduire le développement
de sa navette, elle veut l' armée en appui afin d' éviter les coupes budgétaires. L' aide de l' Air Force se limite à proposer le hangar 42 à Palmdale pour assembler les Orbiter, la base d' Edwards
en Californie pour les essais en vol et d' atterrissage et la construction d' un pad de tir
sur la base de Vandenberg elle aussi en Californie.
En fin d' année, l' Air Force renonce à développer des lanceurs classiques nouveaux et s' associe au programme
navette. Cette décision sera très critiquée 15 ans plus tard.
Un contrat de 2,8 millions $ est passé avec chaque contractant, Grumman/ Boeing, Lockheed, McDonnel Douglas, Martin Marietta et Nord American Rockwell pour des études poussées sur la configuration du booster récupérable avec de nouveaux moteurs, basé sur les lanceurs Saturn 5 et différentes combinaisons de SRB. Cette phase connue comme la phase B double prime commence le 1er novembre
et se terminera le 15 mars 1972. Cinq révisions sont réalisés pendant cette phase B double prime chacune sur un point
différent:
_ Le 15 décembre à Washington sur un réservoir externe utilisant deux moteurs.
_ Le 3 février 1972 à Huntsville sur les sous-systèmes et les techniques de manutention au sol.
_ Le 15 février 1972 au centre Marshall sur les boosters avec en parallèle une discussion à Houston sur les SRB à carburant liquides contre solides.
La dernière réunion a lieu le 22 février 1972 à Washington sur le concept des boosters.
Plusieurs configurations sont avancées pour le booster toutes principalement associé au premier étage du Saturn 5 le S1C avec ou sans stabilisateurs et ses 5 moteurs F1 malheureusement non récupérables.
Des configurations avec réservoirs pressurisés sont proposées de conception beaucoup plus simple et afin de réduire les coûts. Deux dessins sont mis en avant, le premier est un booster de 9 m de diamètre et 48 m de long avec l' Orbiter monté au sommet. 7 moteurs de 540 000 kg chacun sont chargés de soulever les 2 315 000 kg de l' ensemble.
Le second est un concept à trois étages cote à cote avec l' Orbiter monté sur celui du milieu. Chaque étage est équipé de 4 moteurs de 420 000 kg chacun pour soulever l' ensemble pesant 2 111 600 kg. Chaque booster possède des stabilisateurs et un système de parachute pour la récupération en mer.
La configuration double SRB de 3,96 m de diamètre pèse 1 960 000 kg au décollage. Les SRB contiennent 1 100 0000 kg de poudre brûlant en 130 secondes et développant 1 120 000 kg de poussée. La configuration à combustion parallèle est éliminée par tous les contractants parce qu' une petite perte de masse ne compense pas le coût élevé par vol. De plus la combustion en série est utilisé par tous les lanceurs. Même si la combustion en parallèle a quelques avantages au niveau sécurité.
Les coûts comparés des boosters liquides, solide de 3 m ou 3,96 m et un étage basé sur le Saturn 5 montrent que le booster solide de 3 m est le plus cher par vol. Le booster solide de 3,96 m revient à 228$ par 400 g en
orbite, le booster pressurisé à 127$ et le booster à pompes à 125$. Même si la propulsion liquide est plus modulable en terme de pilotage, son développement est très difficile. Les boosters solide sont beaucoup plus simple à développer à utiliser et à manutentionner au sol.
Les études se concentrent maintenant sur les boosters non pilotés récupérables en mer après un vol balistique au moyen de parachutes avec parfois l' utilisation en phase finale de rétro fusées.
Les principaux projets sont : un booster à pressurisation, simple ou double, des propulseurs à ergols solides et un engin à turbopompe
doté de 4 moteurs dérivés du S1C, l' allumage se faisant en série comme un lanceur classique ou en parallèle au décollage, l' orbiter continuant seul après extinction et le largage des boosters.
Des études sont lancées sur les conditions de récupération de boosters après un séjour en mer.
Contrairement aux précédentes phases, les phases C/ D n' ont pas nécessité de fonds
gouvernementaux.
Le 30 octobre, les contractants Grumman/ Boeing, Lockheed, Mc Donnell Douglas/ Martin Marietta et North American Rockwell reçoivent un contrat supplémentaire pour étudier la version MSC 040 A avec un réservoir externe
et remise des copies le 15 décembre suivant. A ce moment, la NASA adopte la combustion en mode parallèle c' est à dire avec allumage simultané des moteurs de l' Orbiter et du booster, mais laisse le choix
du carburant pour ces derniers. Le dessin MSC 040 A devient le 040C à aile delta et le coût global du programme passe en dessous des 6 milliards $.
Voyant que la date du 15 décembre ne sera pas tenue, la NASA rallonge son contrat jusqu' au 1er juin 1972.
Scan
Dennis
Jenkins
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