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CHRONOLOGIE
SPACE SHUTTLE

LES SRB, 
TALON D' ACHILLE DU SHUTTLE

Les boosters du Shuttle sont les plus puissants jamais construit. Issue de technologie militaire, il est impossible de les réaliser d' un seul bloc. Ils sont alors isolés et assemblés en segment, 11 eux même réunis en 4 pour le montage. 
Chaque segment brûle séparément. Le combustible est enchâssé dans une gangue d' isolant, qui le sépare à la fois du combustible du segment voisin et de la paroi extérieure qui est en acier.   
600 milli-secondes après son allumage, le booster atteint une poussée de 1495 tonnes. Sous le choc, les parois en acier ont tendance à s' étirer et à gonfler à cause des contraintes particulièrement sévères à la jonction entre les deux segments. Bien que serrés par 177 puissances chevilles d' acier, les parois des segments ont tendance à s' écarter l' une de l' autre.  
Les gaz brûlants cherchent naturellement à d' engouffrer dans cette brèche. Ils en sont empêchés par un dispositif complexe, mobile, dont la défaillance est à l' origine de l' accident du 28 janvier 1986.
Une couche de mastic est insérée entre l' isolant du segment supérieur et l' isolant du segment inférieur, à proximité immédiate de la brèche. Lors de la mise à feu, cette couche de mastic est poussée par les gaz et tend à compresser l' air dans la brèche. 
Cette pression déplace un mince ruban de caoutchouc circulaire, le fameux joint "O-ring" qui va bloquer la brèche à un endroit précis. Au repos, ce cercle de caoutchouc, qui fait le tour du booster est logé dans une rainure pratiquée dans l' acier de la paroi. Un second joint est là pour subvenir au premier. Le système est selon les techniciens fragile.

ANATOMIE D' UN BOOSTER SRB

51L SRB eclate.jpg (78319 octets)

Le SRB ou Solid Rocket Booster du système STS est le plus gros booster réalisé pour le programme spatial US. Long de 45,6 m pour 3,7 m de diamètre, il pèse 589,5 tonnes. La division Wasatch de Norton Thiokol emploie 2400 personnes chargées de la construction de ces énormes moteurs. Chaque booster se compose de 11 éléments : 
_ Le cône avant qui abrite les moteurs de séparation (4 de 9543 kg de poussée) fonctionnant 0,06 secondes et le système de récupération (3 parachutes de 35 m de diamètre). 
_ Six segments formant le corps du booster. 
_ Un anneau d' attache au réservoir extérieur. 
_ Deux segments dits " raidisseurs ". 
_ Une jupe arrière.

La préparation d' un SRB commence par la coulée du propergol et l' assemblage de ces segments pour créer quatre tronçons de 8,3 , deux fois 8, 1 m et 12,5 m pour la base. 
L' enveloppe des segments a une épaisseur de 1,27 cm et est réalisée en acier spécial. La paroi interne comporte une protection thermique épaisse par endroit de 13 cm. Il s' agit d' un caoutchouc nitrile butadiènne, posé sous forme de feuilles dont on provoque la vulcanisation en le maintenant 2 h 30 à une température de 150°C. Sur ce caoutchouc est appliqué une protection en tissu de carbone imprégné d' un monomère propylénedienne. Le propergol sera littéralement collé à l' enveloppe. A cette fin, on projette sur sa protection thermique une " interface liante" représentée par une couche polymère polybatadiènne carboxyde chargée à l' amiante. Un chauffage pendant 44 heures à 57°C permet à cette interface d' être mélangé à la protection.

Le propergol est ensuite coulé sous vide autour d' un mandrin destiné à laisser la place pour un orifice central. Le propergol comprend :

_ 69,83% de perchlorate d' amonium, le comburant. 
_ 16% de poudre d' aluminium jouant le rôle de combustible. 
_ 0,17% d' oxyde de fer, le catalyseur. 
_ 14% de PBAN, tripolymère acide acrylique butadienne acrylonitrique. 

Quatre journées durant à une température de 57°C, le propergol prend la consistance d' une gomme noire dure. Sur le segment du haut, l' orifice central a la forme d' une étoile à 11 branches, pour offrir le maximum de poussée au moment de l' allumage. Les trois autres segments ont un orifice central circulaire.

Arrivent au KSC, les 4 segments, le cône avant, contenant l' électronique et la jupe arrière avec la tuyère. Cette dernière est assemblée avec le premier segment moteur et montée dans le bâtiment d' assemblage VAB sur la plate-forme de lancement. Les autres segments sont ensuite positionnés les uns sur les autres par la grande grue de 250 tonnes de la baie. Chaque tronçon a sur sa partie supérieure une couronne rainurée percée d' alésage. La partie inférieure de l' autre tronçon venant se positionner dans la rainure du tronçon inférieur. L' étanchéité est réalisée grâce à deux joints dits " O ring ". L' assemblage final étant assuré par 117 goupilles et des anneaux soudés autour de la jonction.

Sur la plate-forme de lancement MLP, le booster est fixé sur 4 plots dans la fosse d' évacuation et verrouillé par 4 boulons qui sont cassés au moment de l' allumage.

Cette mise à feu s' effectue au sommet du booster. Elle incombe a un dispositif appelé allumeur(318 kg) qui opère en 4 temps : 
_ Des " initiateurs " allument une charge de nitrate de bore et de potassium. 
_ La première charge allume une autre petite charge de propergol (18 cm). 
_ La seconde charge met le feu à une charge plus importante de 91 cm. 
_ Enfin cette dernière charge en contact avec le propergol du booster met le feu au SRB.

La puissance maximale est atteint dès l' allumage. A partir de ce moment là, rien ne peut arrêter le booster. Le propergol est épuisé au bout de 2 mn 10 s, il est attaché au réservoir par des boulons explosifs, un à l' avant à la base du cône (63,5 cm de long) et 3 à l' arrière, long de 90 cm. La séparation est réalisée par des petites fusées à poudre, 4 à l' avant et 4 à l' arrière.

Après leur retombé dans l' Atlantique, les boosters sont ramenés au Cape, tirés par des bateaux. Dans des hangars, ils sont de montés pour former les 4 segments de base, qui sont examinés et rincés à l' eau douce dé-ionisée afin de stopper la corrosion. Les 4 segments sont ensuite renvoyés par train chez Thiokol, dans l' Utah, où ils subissent un nettoyage plus poussée, un jet d' eau sous 400 bars pour arracher les restes du combustible et de l' isolant thermique. Les segments sont démontés en 11 éléments, puis dégraissés et étudiés. Avant d' être remis dans le circuit des vols, ils sont testés sous une pression de 76 bars pour détecter d' éventuelles fuites .

Le premier problème avec les booster a lieu des le premier vol en 1981 suite à l' énorme surpression crée par leur allumage qui avait été mal jugé. Des remèdes seront apportés pour le second vol en novembre..

Un document de la NASA daté du 17 décembre 1982 range les joints O-ring comme risque n°1. Des études ont montré qu ' une brèche plus large peut s' ouvrir et endommager les joints.

Lors de la mission STS 6 en début 1983, chaque tuyère des boosters avait un trou du au gaz chaud dans le mastic indiquant un échauffement du joint primaire.  
De plus en mars 1983, la NASA classe les joints parmi les éléments dispensés de voir s' appliquer la règle de la redondance, c' est à dire être dé-doublé.
En décembre, un rapport de l' USAF estime que le risque de destruction d' un booster en vol est de 1 sur 35. La NASA elle l' estime à 1 sur 60 000... Pour STS 9, on découvre après démontage qu' un joint du booster droit avait été pressurisé à 200 psi. Pour le vol 41 C, on retrouve les mêmes symptômes que pour STS 6.

Janvier 1985, pour le premier vol militaire de Discovery 51 C, la température sur le pad est de 11,6°C. Des photos montrent des fumées noires sortant du booster. Après récupération, il s' avère que deux joints ont subi une érosion. Dans un cas de la suie a été retrouvé entre les deux cercles de caoutchouc. Le second cercle, celui de la dernière chance a souffert de la chaleur.
En juin, pour 51 G, le joint primaire de la tuyère du booster droit montre des signes de corrosion.    
Le 29 juillet, pour la mission Challenger 51 F Spacelab 2, le premier joint ne se place pas là ou il faut et le second est attaqué.
Le 11 juillet, Irwing Davids, ingénieur de la NASA spécialiste dans les boosters passe en revue le problème des joints avec des ingénieurs du centre Marshall, qui supervisent l' assemblage des boosters. Il dresse une liste de 17 cas d' érosion. Il envoie un mémorandum à Jesse Moore, le grand patron du programme navette: "le consensus est que si le premier cercle ne remplit pas sa mission, le second n' est pas à l' abri d' une défaillance".      
Le 23 juillet, Richard Cook, un contrôleur budgétaire de 39 ans adresse un rapport alarmant à Michael Mann, le responsable financier du programme. Il écrit que la "carbonisation" des joints qui a pu être observée lors des précédents lancements constitue un "problème potentiellement majeur", affectant à la fois la sécurité des vols et le coût du programme. Des documents attestent que cette mise en garde est arrivée en haut lieu.
Après Cook, c' est Roger Boisjoly qui adresse à son tour une note. Il écrit que la question de savoir si les joints tiendront se joue désormais "à pile ou face" et qu' en cas de lâchage, "le résultat sera une catastrophe de première grandeur, impliquant la perte de vies humaines". Enfin en août, pour 51 I, le joint primaire du booster gauche présente deux traces de corrosion. 
La NASA savait donc parfaitement que les joints des boosters étaient le talon d' Achille du Shuttle et que la défaillance d' un joint serait fatale. pourtant elle n' avait pris aucune résolution à ce problème. Morton Tiokhol avait proposé des études pour de nouveaux joints. le 19 août, la firme avait présenté à la NASA pas moins de 43 solutions, qu' elle refusa.

Sur le plan technique, le booster a depuis son premier vol évolué malgré tous ces incidents et mises en garde. La NASA, afin d' augmenter la charge utile augmente la capacité des moteurs et allége les matériaux de la structure du booster en éliminant les équipements superflus.

En 1983, la poussée de chaque booster est augmentée de 90 600 kg soit au total 2 fois 1495 000 kg. l' une des opérations permettant d' arriver à ce stade de puissance consiste à modifier la composition du carburant à la base des deux segments centraux. 
Parallèlement, les boosters ont été allégés. la paroi en acier des deux segments du centre et du segment inférieur a été aminci, ce qui a permis de gagner 2000 kg par booster.
Le réservoir externe a lui aussi été allégé de 5000 kg en amincissant sa paroi en plus de la peinture blanche enlevée depuis le troisième vol.           
Des senseurs ont été enlevés, près de 5000 kg selon les compagnies d' assurances tant sur les boosters que sur l' Orbiter. Cette course à l' allégement ne faisait pas l' unanimité, les assureurs n' étant pas les seuls à s' inquiétés. En 1983, un rapport du congrès craignait que "certaines mesures ne réduisent la sécurité des vols". Aussi le comité écrit que les contraintes de temps exercent peut être une influence sur la qualité des tests de vérification. Le fait est que le temps de préparation des navettes, la rotation entre les vols est passée de 100 à moins de 50 jours, un record de 27 jours a même été atteint.   

TEST DE MISE A FEU DES BOOSTERS SRB

DM 1 18 juillet 1977
DM 2 18 janvier 1978
DM 3 19 octobre 1978
DM 4 17 février 1979
QM 1 13 juillet 1979
QM 2 27 septembre 1979
QM 3 13 février 1980
DM 5 21 octobre 1982
QM 4 21 mars 1983
DM 6 25 octobre 1984
DM 7 9 mai 1985

DM = Demonstration Motor
QM = Qualification Motor