UN AN APRES Il y a un an le 1er février 2003, alors que nous attendions presque dans l'indifférence le retour de la 113eme mission d'une navette spatiale, un drame allait se nouer au dessus du Texas devant des milliers de témoins impuissants. L'Orbiter 102 Columbia qui réalisait sa 28eme mission depuis 1981 revenait d'un vol de 15 jours dans l'espace avec à son bord 7 astronautes et le laboratoire scientifique Spacehab. La mission commencé le 16 janvier emportait le commandant Rick D. Husband, le pilote William C. McCool, et les spécialistes de mission Kalpana Chawla, David M. Brown, Laurel B.S. Clark, Michael P.Anderson et l'astronaute israélien Ilan Ramon. Les 15 jours de vol avait permit de réaliser plusieurs dizaines d'expériences dans le module pressurisé Spacehab, préfigurant celle qui seront désormais réalisées dans la station spatiale ISS. 9 h du matin, lors que Columbia traverse l'atmosphère et vole au dessus du Texas, le centre de contrôle des vols habités Mission Control perd les communications avec l'équipage. La navette est à environ 60 km d'altitude à 15 mn de son atterrissage au centre spatial Kennedy. Au sol, les dizaines de témoins qui suivent à l'oeil nu la ren,trée voient passer dans le ciel une une boule de feu plus brillante que d'habitude suivit une trainée d'objets lumineux qui semble sans séparer. Après une dizaine de minutes de silence, nous nous rendons à l'évidence, un nouveau drame s'est joué au dessus de nos tête. 9 h 30, la confirmation vient du Mission Control, Columbia s'est désintégré pendant sa rentrée dans l'atmosphère, causant la perte de son équipage... Comme pour Challenger il y a 18 ans, l'Amérique s'est retrouvée face au mur. Une enquête a été demandée. Pendant 6 mois, une commission spéciale (CAIB) présidée par l'amiral Harold W. Gehman Jr aidée par une équipe de plus de 120 personnes et environ 400 ingénieurs de la NASA ont examiné plus de 30 000 documents, mené plus de 200 entrevues formelles, entendu les témoignages de douzaines d'experts et évalué plus de 3 000 informations provenant du public en général. Le rapport final a été remis le 26 août 2003 confirmant la destruction de Columbia consécutif à la chute d'un morceau d' l'isolant du réservoir extérieur sur le bord d'attaque de l'aile de l'Orbiter fragilisant le panneau de protection thermique RCC n° 8 et causant une brèche dans laquelle au retour dans l'atmosphère l'air chaud de la rentrée s'est engouffré. Entre le 5 février et le 6 mai, 25000 chercheurs ont récupéré 84 900 morceaux de Columbia sur une ellipse de 1030 km soit 38% du vaisseau. La zone principale des débris provenant de Columbia s'étendait de Fort Worth à Lufkin au Texas et couvrait une superficie de plus de 5 000 km carrés. Des débris plus lourds se sont rendus en Louisiane à Fort Polk. La pièce retrouvée le plus à l'ouest fut une tuile ayant tombé près de Littlton au Texas. On estime cependant que d'autres tuiles provenant de l'aile gauche pourraient se trouver en Arizona, au Nouveau-Mexique, au Nevada et en Californie. Chaque morceau a été décontaminé, lavé, codé, photographié et rentrée dans une base de donnée. Ces éléments se sont tous retrouvés dans le bâtiment RLV au KSC. Une maquette de l'avant de l'aile gauche a été réalisé afin d'y placer les panneaux RCC retrouvés. Une carte des différentes entrées du gaz chaud a aussi été édité. Les données de la boite noire MADS retrouvé au Texas ont été analysé par le centre de Houston ainsi que les films d'amateurs pris ce matin là.
LA DESTRUCTION DE L'AILE 1er février, 8 h 44 mn 09 , Columbia est à une demi heure de l'atterrissage au KSC, L'OV vole à 121 km d'altitude glissant sur l'atmosphère à travers le Pacifique, au dessus d'Honolulu. Lors de la rentrée, l'Orbiter crée deux ondes de chocs à l'avant. Cette zone interfère avec les panneaux et tuiles thermique recouvrant le véhicule. La compression d'air dans ces zones forme une couche frontière de quelques cm d'épaisseur servant en fait d'isolant naturel empêchant la température de dépasser les 3000 ° alors qu'elle avoisine les 10 000° au delà. Pour que cette couche fasse bien son travail d'isolant, il faut que la structure sur laquelle elle se forme soit la plus lisse possible. Si un défaut se présente, elle se déforme et la température à cet endroit peut augmenté au delà de la résistance des panneaux RCC et des tuiles. Alors que les astronautes discutaient et riaient sur le fait qu'aucun d'entre eux ne voulait se trouver dehors à ce moment, un trou dans l'aile gauche perturbait cette couche d'air. Les gaz très chaud entraient par le panneau de carbone renforcé RCC n°8 à l'intérieur de l'aile brûlant leur système d'attache qui sous l'intense chaleur commencèrent à fondre. Arrivée au longeron de l'aile en aluminium, le gaz a commencé à pénétrer à l'intérieur de la structure. 8 h 48 mn 39, 30 secondes après l'entrée dans l'atmosphère, une sonde détecte une hausse de température au niveau du panneau RCC 9, le longeron est en train de se ramollir. Une minute plus tard, les ordinateurs de bord commandent un virage à droite, Columbia vole maintenant le nez relevé et se dirige vers le KSC. Sensiblement, le nez de Columbia vire à droite de 80°. Des sondes sur les carénage des moteurs OMS détectent une augmentation de température. Des tests ont montré durant l'enquête que cela était dû au gaz chaud sortant par l'extrados de l'aile juste derrière les panneaux RCC. La couche protectrice d'air est sérieusement altérée et expose les tuiles thermiques de l'aile à des températures très élevées. Le longeron avant est percé à 8 h 52 mn 16 derrière le panneau RCC 8. Ce trou va s'agrandir pour couper les câbles des senseurs de température se trouvant au dessous. Cet air brûlant a vite fait de vaporiser la structure interne du tiers avant de l'aile faite de tubes d'aluminium sachant que l'aluminium fond autour de 650 °C. Plus de 70 % des 150 câbles électriques longeant le puits de roue gauche sont sectionnés par la chaleur. Les gaz chauds commencent à couler vers la caisson abritant le train d'atterrissage principal passant au travers des portes des trappes d'ouverture. A bord, l'équipage ne se rend compte de rien. Dehors la température atteint les 8000 ° sur le bord d'attaque de l'aile. 8 h 52 mn 17, au centre de contrôle MCC, un
voyant indique une légère augmentation de température d'un fluide hydraulique
d'une ligne du système de freinage dans le train principal gauche. 8 h 53 mn 28, la cote de Californie est passée. Columbia est en très mauvais état. Des photographes amateurs la suivent au sol la prenant en photo dans la nuit. Le point est très brillant, ce qui est inhabituel. Quelques points semblent se détachés, l'aile est en train de brûler. 8 h 54 mn, la cloison du train d'atterrissage commence à fondre. L'ordinateur de bord détecte que l'aile gauche semble aspirer vers le haut. Aussitôt il essaie de compenser le roulis. Cette manoeuvre est vu par les pilotes mais probablement interprétée comme logique. Pour eux, la rentrée se déroule sans problème et c'est ce qu'affiche les indicateurs de vol. L'aspiration déforme l'aile laissant un trou de plus en plus grand (6 m sur 1,5 m). Au passage les câbles attaché contre les cloisons de l'aile sont brûlés faisant perdre des données au sol. Entre 8 h 54 et 8 h 58, plus de 10 débris seront vu tombant de Columbia par les observateurs au sol. A 8 h 58 mn 03, l'aspiration de l'aile est maximale, le nez tire de plus en plus vers la gauche. Survolant le Texas, les ordinateurs tentent de compenser en vain. L'aile s'effondre littéralement. A bord tout est toujours normal. Seule indication, la perte de pression dans les pneus du train principal gauche. Le pilote appelle le sol mais la transmission est coupé. Au sol, le contrôleur demande à répéter l'information, mais rien ne vient. Columbia vole en crabe et les antennes de communication ne sont plus en vue des satellites relais. " Roger, uh, uh" il est 8 h 59 mn 32. En quelques secondes, les données de Columbia se gèle sur les écrans de contrôle au sol. Le facteur de charge sur la structure a dépassé les indicateurs. Grâce à la boite noire retrouvée au sol, des données additionnelles ont pu être récolté sur les derniers instants de Columbia après la coupure des liaisons. Il reste 1 mn 50 de données à ce moment. A bord, l'équipage s'est rendu compte de quelque chose. L'aile gauche est tellement endommagée que rien ne peut maintenir Columbia sur sa trajectoire. Les moteurs RCS droit du nez sont mis à feu pour essayer une dernière fois de compenser les charges aérodynamiques qui tirent l'Orbiter vers la gauche. A bord, l'alarme principale sonne ! Columbia tourne à gauche vers la terre, alors qu'une manoeuvre de roulis est réalisée. Il est a peu près sur qu'a ce moment l'aile s'est complètement détachée. 8 h 59 mn 46, un gros débris est vue se détachant de Columbia probablement de l'aile gauche. Deux autres morceaux s'en détachent à 9 h 00 mn 01, peut être l'élevon de la dérive verticale et le carénage OMS, le saura t'on jamais. 9 h 00 mn 02, Columbia est à ce moment encore intacte. Les APU fonctionnent de même que les piles à combustibles, le compartiment des SSME est intact, les modules de communication et de guidage fonctionnent aussi dans le cockpit. Les appareils respiratoires fonctionnent aussi, la pression et la température a bord sont normales. Les APU perdent de leur puissance, leur réservoirs s'étant vidés. Le système de refroidissement s'arrête alors que les alarmes retentissent à bord. Les senseurs de température sont hors service, dépassant leur cadrans. Le système électrique est coupé par endroit. 9 h 00 mn 04, pour les dernières données télémétriques, le fuselage est encore intact, seule manque l'aile et l'OMS droit. La dérive verticale est peut être toujours en place, l'aile gauche sûrement. Juste avant que la télémétrie se soit arrêtée, les données à partir de l'ordinateur de secours de système de vol ont indiqué qu'un deux "manches à balai" utilisé pour voler manuellement lors de l'approche finale a été bougé comme pour désactiver le pilotage automatique, mais les enquêteurs ne croient pas que les pilotes aient pu le bouger intentionnellement. Plus probablement, un des pilotes l'a touché par mégarde pendant les dernières secondes de vol. Le système de pilotage auto est resté engagé tout au long du vol. A 9 h 00 mn 19, le fuselage commence à se casser en morceaux. L'orbiteur est en position inversée avec son flanc gauche face au vent de la rentrée. L'air brûlant a pénétré la structure interne de l'aile gauche alors exposée, a ensuite traversé jusque dans l'intérieur de l'aile droite en même temps que le fuselage se fracturait du côté gauche sous l'effet des forces aérodynamiques, en arrachant les portes de la soute cargo en fibre de carbone. Le fuselage s'est ensuite sectionné à l'extrémité arrière de la soute. Celle-ci et son contenu se sont désintégrés progressivement vers l'avant jusqu'à ce que la cabine s'en détache. LA CABINE ET L'EQUIPAGE Selon la CAIB, la cabine a du se détacher du reste et rester relativement intacte comme celui de Challenger en 1986 lors de l'explosion du réservoir externe. Il est possible que l'équipage est survécu durant ce las de temps. Mais comme pour Challenger leur agonie finale ne sera jamais connue précisément. L'astronaute Clark enregistrait toujours son film quand les premières alarmes ont retentit dans la cabine. Mais les dernières minutes du films n'ont pu être récupérés. La partie avant du fuselage se serait détachée à 9 h 00 mn 20,6. Les enquêteurs ont conclut que le module d'équipage est resté intact durant 38 secondes après son détachement de la structure plongeant 18 000 m à 41 km d'altitude avant que les forces aérodynamique et la chaleur ne la désintègre. A l'analyse des débris récupérés, le module a été détruit 24 secondes après, à 9 h 00 mn 58, tombant de 10500 m à une altitude de 30 km. Sur les images vidéos, la cabine et les trois moteurs principaux de la navette sont les objets qui vont le plus loin et qui restent lumineux le plus longtemps. Ce sont d'ailleurs ces objets qui ont été trouvés le plus à l'est dans la traînée de débris au sol. Les enquêteurs croient que le module d'équipage a commencé à se casser vers le haut au niveau des hublots. Si à bord, il y avait encore des survivants à ce moment la mort aura été instantanée. Le pont intermédiaire s’est désintégré en premier sous l’effet des forces aérodynamiques de manière très rapide. Les dommages d’origine thermique sont moins importants sur le pont intermédiaire car il s’est désintégré plus vite et les débris ont freiné rapidement sous l'effet des forces aérodynamiques. Deux astronautes (sièges 6 et 7) sont restés fixés à leurs sièges sur une partie du plancher pendant un temps. Cette section de plancher est en fait un panneau amovible donnant accès sous la plancher, c'est pourquoi il s'est facilement détaché du reste sans se déchirer. L'ensemble plancher-sièges-astronautes avait la masse la plus élevée par rapport à son volume de tous les items sur le plancher du pont intermédiaire. C'est pourquoi cette partie du plancher a souffert davantage de la chaleur qui, selon les analyses, provenait de par en dessous. Les sièges ont cédé lorsque leurs supports en aluminium se sont déchirés après avoir ramollis sous l'effet de la chaleur intense. Le poste de pilotage, quant à lui, a souffert énormément de la chaleur à cause de sa rigidité et de sa masse (coefficient ballistique élevé). Il s'est désintégré lentement vers la fin de la séquence, ce qui fait que pratiquement toutes les pièces d'aluminium ont été vaporisées Environ 45 % du module d'équipage ont été récupérés près de Hemphill, Texas, y compris des morceaux des cloisons étanches principales vers l'avant et arrière, les armatures des fenêtres avant, le sas d'équipage, et toutes les trappes. Environ trois quarts des tableaux de bord de poste de pilotage ont été trouvés, avec 80 pour cent des panneaux de plancher de mi-plate-forme et des nombreuses parties des sièges d'équipage avec encore attaché l'équipement de sûreté.
Tous les sièges ont été entièrement détruits sous l'effet de la chaleur, puis des forces aérodynamiques. Les débris de ceux-ci ont été retrouvés avec une dispersion géographique respectant leur position relative dans la cabine. Les ceintures des sièges ont été rompues par des forces extrêmes avant de rentrer dans le logement de leur mécanisme à ressort. C'est pourquoi les ceintures ont pu être analysées grâce au fait que leur boitier les protégeaient de la chaleur. Les astronautes sont restés attachés à leur siège un bout de temps après le début de la destruction de la cabine. Tous les casques des astronautes ont été retrouvés. D'après les analyses, un astronautes situé au niveau du pont ne le portait pas. Les casques ont été arrachés de l'habit par les forces aérodynamiques et sur quatre d'entre eux les visières étaient détruites et manquantes. Des analyses ont montrés que les casques ont été soumis à des températures de l'ordre de 300 à 400 °C. Toutes les pièces métalliques des habits ont été arrachées du tissu par les forces aérodynamiques avant d'être sérieusement altérées par la chaleur. Dix bagues de raccords pour les gants de 6 des 7 astronautes ont été retrouvés. Une analyse a permis de conclure que 3 astronautes ne portaient pas leurs gants ou les avaient mal installés. Mais au final, la pressurisation des scaphandres n'aurait fait aucune différence. Les enquêteurs ont été surpris par le fait que les modules d'équipage de Challenger et Columbia se soit cassés tout en restant relativement intact. Une étude sur les conditions de survie a conclut qu'avec des changements relativement modestes de conception, l'équipage pourrait dans l'avenir survivre assez longtemps pour sauter en parachute. Mais l'équipage de Columbia n'a pas eu cette chance. Les astronautes sont tombés au sol dans un nuage de débris. Un des membres d'équipage a été retrouvé près de Hemphill au bord d'un chemin. Ces restes ont été trouvé par un ingénieur de 59 ans et un vétéran du Vietnam Roger Coday. Le lieu d'ailleurs est devenu pour ces gens un mémorial. La cause de la mort des astronautes serait l'hypoxie (carence d'oxygène) et les suites d'impacts avec des débris et les forces aérodynamiques. Fait surprenant, toutes les valves des réserves personnelles d'oxygène ont été retrouvées en position ouverte. Ce qu'on ne saura probablement jamais est si ce sont les astronautes qui ont ouvert ces valves ou si c'est le résultat de la destruction de l'équipement par la chaleur et la force du vent.
|