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CHRONOLOGIE
SPACE SHUTTLE

LES CELLULES D' ESSAIS

STA 098 MAIN PROPULSION TEST ARTICLE

En juillet 1971, le centre Marshall à Huntsville, Alabama attribue un contrat à la division Rocketdyne de North American Rockwell pour concevoir, développer, fabriquer et tester le moteur du Space Shuttle, le SSME, Space Shuttle Main Engine, un moteur cryogénique, réutilisable et le plus puissant à cette époque. il développe 170 tonnes de poussée au sol et 215 tonnes dans le vide. Les essais des nouveaux moteurs auraient sont prévus au MTF, Mississipi test Facility rebaptisé en 1974 National Space Transportation Laboratory (NSTL). Le site qui a testé les moteurs F1 du Saturn 5 est modifié, les banc d'essais A-1 et A-2 adaptés pour le tir statique de moteurs SSME individuels. En mars 1975, Rocketdyne termine le moteur prototype 0001, aussi connu sous le nom de ISTB, plus grand et plus lourd qu'un moteur de vol. Son premier essai de non-allumage a lieu le 19 mai suivi d'un premier allumage le 24 juin, au stand d'essai A-1.

Les essais des seconds et  3e moteurs de développement ont eu lieu en 1976 et 1977, avec plus de 150 allumages cumulant 3 500 secondes. Les essais ont révélé d'importants problèmes techniques, en particulier avec la turbopompe à carburant haute pression du moteur. Les essais se sont poursuivis en 1978, le 5e moteur étant le premier à fonctionner à 100 % de la puissance nominale lors d'un vol complet de 520 secondes le 10 mai. À la fin de 1978, le programme d'essai des moteurs avait accumulé plus de 34 000 secondes en 394 allumages. La certification en vol des SSME en préparation de la mission STS-1 commence en 1979 et se termine en décembre 1980. Les trois moteurs assignés à STS-1 commencent les essais de réception en avril 1979, chaque moteur ayant subi un contrôle de démarrage de 1,5 seconde, un tir d'étalonnage de 100 secondes et un essai de démonstration en vol de 520 secondes. Après avoir terminé les essais, les moteurs sont expédiés au KSC pour être installés sur la navette spatiale Columbia en juillet 1980. Un incendie de préparation de vol de 20 secondes a été vérifié lors du lancement de la Pad de lancement KSC 39A le 20 février 1981 en préparation des moteurs pour le lancement.

En parallèle à ces essais de moteur seul, validant la certification en vol, il fallait réaliser des essais avec les 3 moteurs SSME avant le premier vol pour fournir un scénario plus réaliste de la façon dont l'ensemble du système de propulsion se comporterait lors d'un lancement réel. La division spatiale Rockwell à Palmdale, en Californie, a pour cela construit MPTA-098.

Le MPTA 098 est une structure métallique en aluminium représentant la cellule d'un Orbiter Vehicle sans la voilure et la dérive et équipé à sa base d'une structure en acier représentant le MPS, Main propulsion System avec les 3 moteurs SSME, leurs tubulures et systèmes électriques. Le MPTA est destiné aux essais de mises à feu des 3 moteurs SSME sur le banc B1 du centre NSTL National Space Technology Laboratory dans le Mississipi. Les tests initiaux étaient prévu chez Rocketdyne à Santa Susana CA mais la NASA préféra les faire au NTSL. Cette décision sera inversée et les tests en Californie reprendront après les essais de qualification au vol. Le contrat est signé le 26 juillet 1972 avec Rockwell pour 15 mises à feu au banc sur 18 mois.
La construction des éléments principaux débute le 17 juillet 1974. La partie arrière est fabriqué à Downey, dès le 17 avril 1974 tandis que la partie avant, fuselage est fabriqué à Palmdale, dès le 23 janvier 1976.
Mars 1976, la partie arrière est livrée à Palmdale et subit des tests de charge jusqu'en mai. Du bâtiment 294, la structure est amené au bâtiment 295. 8 juillet, le MPTA retourne à Downey pour son assemblage final avec la partie avant et subit de nouveaux tests de charge jusqu'au 24 juillet. Le MPTA mesure alors 29 m de long pour 6 m de large et pèse 110 tonnes.

Plan du MPTA avec les 3 moteurs SSME en position à l'arrière. Le moteur en haut de la structure est en position 1, celui en dessous à gauche , position 2 et à coté, en position 3.

Fabrication de la partie avant du MPTA chez Rockwell à Palmdale

Le MPTA à Palmdale avant sa livraison à Seal Beach. La partie arrière est semblable à l'Orbiter Enterprise avec quelques différences mineures avec les autres véhicules de vol. La structure blanche en dessous sert d'interface avec la partie arrière du réservoir externe. A l'avant, le "bipod" fait de même pour la partie avant du réservoir externe.

Le 27 mai 1977, la structure recouverte de plastique est transporté par la barge "Poseidon" de la NASA au MAF de Michoud près de la New Orleans. Le voyage dure 30 jours via le canal de Panama. Du MAF, le MPTA vogue vers le centre d'essais NSTL du 3 au 24 juin suivant.

Pour les essais avec les SSME, le MPTA a été équipé de 285 jauges de contraintes, 228 accéléromètres et 10 microphones. La partie MPS est aussi équipé d'un système d'urgence à azote gazeux et eau pour lutter contre les incendies. Les ingénieurs de Rockwell ont aussi équipé la cellule d'un système de détection du feu par Infrarouge unique..

Le 9 septembre, le réservoir externe ET-MPTA, numéro de série 1 sort des usines de Michoud et présenté pour la première fois au public. Il est le 3e construit, après le ET-STA et GVTA. Le 10, il est amené par barge au centre NSTL juste à coté pour être assemblé au MPTA. Le ET-MPTA est recouvert d'une protection thermique assurant la protection de la structure durant l'ascension et l'isolation des propergols cryogéniques. Elle est appliqueé sur 1500 endroits, recouvrant 1550 m2 de surface et représente 10% de la masse inerte du réservoir, soit 3100 kg. Seulement 2 matériaux primaires de protection sont utilisés, le CPR-488 Spray-On Foam Insulation SOFI) comme couche primaire et le Super Light Ablator (SLA) 561 en primaire ablatif. Du BX 250 et mousse PDL en petites quantité sont utilisés pour les fermetures et de l'ablatif MA25S pour 4 zones à hautes températures. La couche de 2,5 cm SOFI évite la formation de glaces sur les parois du réservoir. L'ensemble est recouvert d'une couche de peinture latex avec retardateur au feu de couleur blanche.

       

Les moteurs SSME, 2001, 2002 et 2003 sont montés sur le MPTA en prévision du remplissage du réservoir externe. En décembre 1977, le réservoir MPTA est chargé avec 40% de LOX et mis en vibration à l'aide de 3 vibreurs afin de récolter des informations sur les fréquences de résonances naturelle du réservoir. Les jours suivant, le réservoir est complètement remplis. Le 21 décembre, pour la première fois sont chargé en simultané le LH2 et le LOX.  

Le premier test de mise à feu statique du MPTA a lieu le 21 avril 1978 et dure 1 secondes, (SF01 02), au lieu des 2.35 s prévus suite à une anomalie. Au fil des mois, la durée de fonctionnement s' allonge, 15 secondes le 19 mai (SF02 01), 50 secondes le 15 juin (SF03 01), et 100 secondes le 7 juillet (SF04 01).

   

Vue de l'intérieur du banc de test, vers le bas où se trouve positionné le réservoir externe ET. La plateforme circulaire, avec les ouvriers dessus sert pour inspecter l'isolation thermique du réservoir. Elle se déplace de haut en bas sur les cotés du réservoir. (1976) Vue de l'intérieur du banc de test où se trouve le MPTA. La plateforme en bas sera durant les mises à feu reculer montrant le déflecteur de flammes (aout 1976)


19 avril 1979, Rocketdyne démarre les tests d'acceptance de 6 moteurs pour accompagner le premier vol habité STS 1, les 3 moteurs du MPTA, E2001, 2002 et 2003 et 3 moteurs qui équiperont Columbia au KSC, les E2005, 20206 et 2007 qui seront testé sur le banc A1 et A2. Les tests comprennent un tir de vérification de 1,5 s, un tir de calibration de 100 s et un tir de démonstration de 520 s. Rocketdyne met les moteurs 2001, 2002 et 2003 en configuration de vol. Le moteur E2001 est endommagé pendant un test et remplacé par le E0006.

Le 4 mai, le test SF5A 1 se limite à un tir de 1,5 seconde et le 12 juin, pour le SF05 01, le tir dure 54 s avec les moteurs E0006, 2002 et 2003. Lors du tir SF06 01 du 2 juillet, prévu pour une durée de 520 secondes, un incident a lieu, la valve principale LH2 du moteur E2002 casse libérant de l'hydrogène dans le compartiment arrière du MPTA. Le niveau est tel que les moteurs s'arrêtent. Cependant, les vapeurs d'hydrogène crée une surpression dans le compartiment arrière qui endommage la structure. un début d'incendie entoure la base du MPTA, rapidement éteint.

       

Les tests reprennent en septembre. Le 4 novembre, le test SF06 03, prévu pour 520 secondes est arrêté au bout de 9,7 seconde à cause de la défaillance de la turbopompe LOX du moteur E0006. Au cours de l'arrêt des moteurs, la tuyère du moteur 1, le E2002 est endommagée et le moteur mis au rebut.
Ce n' est que le 17 décembre qu' un test complet statique SF06 04 est réalisé durant 553 secondes avec la configuration 3 moteurs, (0006, 0008 et 2003) avec variation de poussée de 70 à 100 %.


Le premier des quatre moteurs en configuration vol réalise ses tests d'acceptance en mars 1980 sur les bancs A1 et A2. Le moteur E2004 totalise l'équivalent de 25 vols orbitaux, dont 1080 s à 109%, un record pour un moteur liquide avant son premier vol.. Les moteurs 2005, 2006 et 20007 sont montés sur Columbia au KSC.  Les problèmes sont nombreux pour retarder le premier lancement. Pendant ce temps, la configuration des SSME change suite aux problèmes rencontrés lors des tests suivants. En juin, ils retournent au centre NSTL où ils sont de nouveau testés lors d'un tir de 520 s.

Deux succès de mise à feu de plus sont réalisés au début de 1980 avec le MPTA. Le 28 février, la durée atteint 555 secondes (SF07 02) et le 20 mars, 539 secondes (SF08 01). 
Le 16 avril, la monté en température de la pompe LH2 provoque un arrêt en urgence au bout de 4,6 secondes au lieu des 544 prévues. Même opération le 30 mai, mais au bout de 565 secondes (SF09 02). 

Le 12 juillet, le test SF10 01 avec une tuyère de vol pour le moteur 0008 permet un fonctionnement pendant 105 secondes avant fermeture des vannes (problème avec la pré chambre LH2).


Le 3 novembre, le tests SF11 01 dure 20 secondes suite à la rupture de 22 tubes de refroidissement sur une des tuyère d'un moteur, causant une augmentation de température de la turbine HP en dessus des seuils. Le 4 décembre, le test SF11 02 permet au moteurs de fonctionner durant 591 secondes.

Le 17 janvier 1981, alors que l' OV 102 Columbia est sur son pad de tir en vue du premier vol STS, le MPTA réussit un dernier test de 628,45 secondes, soit 10 mn et 28 s avec les moteurs SN 0008 2003 et 0006. Le moteur 0003 en s'arrêtant au bout de 238 secondes simule un un profil de vol avorté.

La structure MPTA a ainsi réalisé d'avril 1978 à janvier 1981, 18 mises à feu du MPS en configuration de vol avec 3 moteurs SSME, cumulant 10 803 secondes de fonctionnement avec 5 moteurs (2001, 2002, 2003, 0006 et 0008). Le réservoir ET-1 a subit 6 tests de remplissage en propergols et 23 autres en vue des 18 tirs statiques. Le programme MPTA a permit de qualifier le système de remplissage "cross feed", réservoir le long de l'Orbiter, l'intégration des moteurs SSME sur l'Orbiter, qualification du matériels du système de pression gaz et liquide, validation des modèles structuraux et Pogo et développement des procédures de chargements et vidanges des propergols. 
Au total, les ingénieurs ont testés 21 moteurs SSME, dont les 3 du premier vol au cours de 575 essais et 18 essais sur le MPTA, cumulant selon les sources plus de 80 000 secondes (110 252,6 secondes) de fonctionnement, comprenant les tests de composants sur 726 tests. En comparaison, le moteur F1 du Saturn 5 totalisait 250 000 secondes en 2 805 tests et le moteur J2, 120 000 secondes en 1730 tests.

Listing des "hotfire" du MPTA au centre Stennis:
18 test en configuration 3 moteurs, soit 54 "hot fires" totalisant 10 804 s, entre le 21 avril 1978 et le 17 janvier 1981. 6 mises à feu ont dépassées 520 s et la puissance maximale atteinte a été de 102%.
3 tests de remplissage en propergols, 20 "hot fires" réalisés entre le 21 décembre 1977 et le 17 décembre 1980.
Dans les 20 "hot fires", on note 3 échecs de démarrage de moteurs, 14 tests planifiés de plus de 500 s et 6 réalisés, soit 10 813 s de fonctionnement


Les améliorations des moteurs pour fonctionner à 104 % et 109 % de la poussée nominale nécessitent des tests de mises à feu pour la certification, tout comme l'introduction de mises à niveau périodiques du moteur, comme les moteurs à pleine puissance à bord du premier vol Challenger en 1983.
La NASA annule les essais de moteurs SSME à 109% prévu pour le 31 janvier 1986, après l'accident de Challenger. Ces essais sont repoussé à fin 1986 avec un réservoir allégé. Ces tests sont nécessaire pour qualifier les moteurs qui seront utilisés par le Shuttle depuis la base de Vandenberg. Finalement, ces tests à 109% n'auront jamais lieu. Mai 1988, le NSTL est rebaptisé Stennis Space Center.

Les mises a feu se poursuivent pour certifier les moteurs de la phase II en 1988, les moteurs du bloc I et IA en 1995, les moteurs Block IIA en 1998 et moteurs Block II en 2001. Jusqu'au 29 juillet 2009, lorsque est réalisé l'ultime mise à feu d'un moteur sur la banc A-2, les ingénieurs ont effectué 2 307 tirs d'essai, accumulant 820 800 secondes (228 heures). Au cours du programme de navette spatiale, 46 moteurs ont effectué 135 lancements, pour un total de 405 missions de moteur.

Le réservoir MPTA restera accroché au banc B2 jusqu'au 16 février 1988, daté à laquelle il est donné au Alabama Space & Locket Center de Huntsville. A cause des différents cycles de remplissage en propergols cryogéniques, la protection thermique du réservoir s'est micro-fissurée attaquant la structure en aluminium sur près de 87% de son épaisseur. Cette corrosion obligera Martin à changer l'enrobage dans les futurs réservoirs produits. Le ET-MPTA est réparé sur place durant son long séjour accroché au banc. La protection thermique initiale en mousse est raclée pour nettoyer la structure du réservoir de toutes traces de corrosion, puis repeinte avec une couche primaire d'époxy avant l'application d'une nouvelle couche de mousse BX-250. Par 2 fois, les techniciens de Martin changeront la mousse du réservoir, suite aux 6 essais de remplissage et 23 remplissage pour les "hots fire". La NASA voulait simplement enlever la mousse du réservoir en fin de vie et le repeindre en orange-marron  mais les responsables du musée de Huntsville voulait que ce réservoir ressemble à un vrai ET de vol. Martin restaurera une fois de plus le réservoir, appliquant une nouvelle couche de mousse BX-250, après ponçage et nettoyage, vieillissant même la couleur jaune orange avec des pigments. Le réservoir est désormais exposé au centre de Huntsville flanqué de 2 boosters SRB à filament et de la maquette "Pathfinder" au dessus. En 2016, la couche de mousse est enlevée et le réservoir repeint en orange.

   

   

Lors du premier remplissage du ET-MPTA en LH2, le 21 décembre 1977, un morceau de 40 m2 de protection thermique se décolle du dôme arrière du réservoir. Après enquête, la conception n'est pas en défaut, mais l'application a été faite sur une zone trop grande sans avoir mis la protection thermique sous vide avant que la durée de vie de l'adhésif n'expire. Les ingénieurs répondent en changeant le procédé de production sur le réservoir ET-2 et les suivants. Martin démontre le résultat du nouveau procédé durant le remplissage du réservoir ET-2 au centre NSTL au printemps 1981 avant son envoie au KSC et envoie des techniciens au KSC pour retravailler sur le ET-1. Des tests sont réalises après le vol STS 1 pour valider le système de ventilation de l'oxygène gazeux au sommet du réservoir.

 

Ce qu'il reste du MPTA 098 au centre Stennis à la fin des années 80, après l'enlèvement du réservoir externe MPTA.

Les banc B1 et B2 du centre NSTL, devenu centre Stennis en 1991

De 1981 jusqu'à 1988, la structure du MPTA reste au centre d'essais de Stennis. Fin 1988, Essex Corp utilise la structure du MPTA comme base pour des études sur une maquette du Shuttle C, version cargo que la NASA envisageait de développer. Le Shuttle C est équipée de 2 maquettes de moteurs SSME et pods OMS en mars-avril 1989 et utilisée au centre Marshall et au KSC avant que le programme ne soit annulé peu après. La structure est alors démontée, les pods OMS ALTA retournant à leurs premières missions lors des vols de transport des Orbiters. La maquette Shuttle C reste en état jusqu'en 1991, la NASA pensait la voir exposé au centre de Huntsville. Elle est alors démonté et ses éléments donnés à d'autres centres pour des entraînements. En 2001, la NASA n'a plus besoin du MPTA, la structure reste à l'abandon, dehors, au centre Marshall, à cote de l'étage Saturn 1 S1 D. Dans l'été 2012, la structure est nettoyé et simplement repeinte et mis au musée du centre spatial de Huntsville à coté de l'Orbiter Pathfinder.

Début de construction du Shuttle C en 1989 dans le bâtiment 4705 au centre Marshall. (Photo Scott Phillips)

       

Il aurait couté 180 millions d'euros à la NASA pour remettre le MPTA en service après l'épisode Shuttle C, 30 pour la rénovation du banc, 32 pour un nouveau réservoir externe et 120 millions pour 3 moteurs SSME de test.



Le MPTA fraichement repeint exposé au musée de Huntsville en 2012.

       
 

Tuyères des moteurs du MPTA, laissées à l'abandon à Huntsville