LE SPACE LAUNCH COMPLEX 6 "SLICK SIX"
UN PAD DE TIR CALIFORNIEN POUR LE SHUTTLE L'USAF possède une base de lancement de satellites militaires en Californie, la Vandenberg Air Force Base. Situé à 230 km au Nord de Los Angeles, en bordure de l'Océan pacifique (Point Arguello 34° 14 minute 30 s N et 120° 28 minute O), elle réalise depuis 1960 de nombreux lancements de satellites top secret, pour l'écoute, la détection de missile, la photographie et les télécommunications. De nombreux lanceurs y sont lancés, les Atlas depuis les SLC 3 W et E, les Titan depuis les SLC 4 W et E, les Scout depuis le SLC 5, les Delta depuis le SLC 2 W, ainsi que des lanceurs légers, à partir d'une dizaine de pad de tir. Sa situation géographique, lui permet d'atteindre des orbites polaires très inclinées, 56 à 104°, nécessaire à certaines applications. LE PROGRAMME MOL
Le bâtiment de production du MOL chez Douglas à Huntington Beach CA
Le programme MOL, pour Manned Orbiting Laboratory est une suggestion de Harold Brown, approuvé par McNamara au milieu des années 1960. Son concept a été influencé par la NASA, sans que l'Air Force n'ait mots à dire. MOL avait pour objectif de tester qualitativement et quantitativement le potentiel militaire de l'homme dans l'espace. "Le programme MOL doit permettre aux Etats-Unis d'obtenir de nouvelles connaissances sur ce que l'homme est capable de faire dans l'espace", selon le Pt Johnson, "et apportent la capacité de l'Amérique à se défendre." L'approbation de Johnson marque la reconnaissance officielle que le Département de la Défense, le Dod a un mandat clair pour explorer les applications potentielles de vols spatiaux pilotés pour soutenir les exigences de sécurité nationale. Cote à cote, les tenues des "Aerospace Research pilotts" de l'USAF, le scaphandre GC4 de Gemini 4 de David Clark Co et le MH-5 MOL d'Hamilton Standard dans sa version bleu destinée à l'entrainement . La ligne de base du projet était une cabine Gemini B attachée à un laboratoire orbital lancé par un Titan 3C. Le lancement se faisait depuis la Floride sur une orbite basse inclinée à 36°, qui ne devait en aucun cas passer au dessus du territoire de l'URSS, aucunes photos n'étant prévues. L'équipage devait travailler dans le laboratoire en passant par l'arrière de la cabine au travers d'un sas réalisé dans le bouclier thermique. La mission terminée au bout de 30 jours, les astronautes revenaient sur terre avec la cabine Gemini en mer. Un programme jugé ambitieux trop couteux, sans trop d'expériences à faire dans l'espace que l'on pouvait facilement remplacer par des engins automatiques.
Première image du Gemini B/MOL parue en 1967 avec le nez rouge de la cabine, le lettrage USAF et la cocarde (utilisée depuis 1947) sur le cylindre MOL Cockpit du Gemini B Intérieur du laboratoire MOL Siège et cale pied pour les pilotes du MOL
Le site de lancement envisagé à Patrick AFB en Floride se retrouve en Californie non loin du point Arguello, sur la base de Vandenberg pour lancer le plus gros lanceur US, le Titan 3C. L'armée de l'air a donc décidé d'agrandir Vandenberg au sud de la base existante, en s'emparant des terres appartenant à la famille Sudden, qui possédait de grandes quantités de missiles. territoire de Californie utilisé pour l’agriculture et l’élevage. L'Air Force a utilisé un domaine éminent pour prendre le terrain, mais a été rapidement poursuivie en justice par les Suddens, qui ont affirmé qu'ils n'avaient pas été correctement indemnisés pour leur propriété. Ils ont gagné devant les tribunaux et l’Air Force a dû payer beaucoup plus pour le terrain. Le site permet les lancements en orbite polaire, en passant au dessus de l'URSS pour des missions de reconnaissance.
Le président Johnson donne le feu vert le 25 août 1965, 20 mois après les premières études. Gemini B sera construit par Mc Donnel, le laboratoire par Douglas et Général Electric fournira les expériences. Officiellement, le programme MOL n'a aucune mission de reconnaissance. Le premier lancement espéré en novembre 1966 de Floride devait être inhabité pour tester le bouclier thermique du Gemini B avec le sas. 2 autres lancements de Vandenberg devaient compléter le MOL, dès le 15 décembre 1969. Novembre 1965, les 8 premiers pilotes MOL sont sélectionnés, baptisés "pilotes de recherche aérospatiale du MOL", le major Adams, le major Crews, le Lieutenant Finley, le Capitaine Avocat, le Capitaine Macleay, le Capitaine Neubeck, le Major Taylor et le Lieutenant Truly. En juin 1966, 5 autres pilotes sont sélectionnés, le Capitaine Bobko, le Lieutenant Crippen, le Capitaine Fullerton, le Capitaine Hartsfield et le Capitaine Overmeyer. Enfin, en juin, 4 autres pilotes rejoignent le corps MOL, le Major Abrahamson, le Lieutenant Colonel Herres, le Major Terrence et le Major Peterson. Terrence est le premier Afro-Américain a être choisi comme astronaute.
Titan 3M avec une masse de 836 560 kg au décollage et une hauteur de 39 m Comme tout programme, son développement est pavé de problèmes techniques et de budget. Février 1964, le programme glisse de 12 mois. L'augmentation de la masse du laboratoire oblige à utiliser un Titan 3M, équipé de boosters à 7 segments (5 segments sur les SRM du Titan 3C d'origine). Le 3 novembre 1966, le test du bouclier thermique du vaisseau Gemini B est un succès. Lancé par un Titan 3C (OV4-3) de Cap Canaveral, la cabine Gemini 2, rebaptisée Gemini B, mission OPS 0855 avec un étage supérieur de Titan 2 inerte (HGM 25A) pour simuler le MOL passe sans problème l'épreuve du feu de la rentrée atmosphérique tandis que l'étage orbite 30 jours autour de la terre à300 km. Les demandes de rallonges budgétaires se heurtent aux réalités du terrain, la guerre au Vietnam qui engouffre les finances des Etats Unis. En 1967, l'USAF estimait le cout du MOL à 600 millions $. Avec seulement 430 millions en prévision pour 1968, le programme prend encore 15 mois de retard. Le premier vol non habité est repoussé à 1970 et le premier habité à 1971. 1968, la construction du pad de tir, le SLC 6 débute. Le complexe comprend non seulement la plateforme, la tour et l'équipement de ravitaillement commun aux autres pad de la base, mais également la charge utile, le traitement et quartiers de l'équipage pour les astronautes du MOL. Parce qu'il était éloigné de la base principale, le SLC6 devait être plus autonome que les autres pads. Mais comme il était coincé entre une montagne basse et l'océan, il était plus exigu que ce qui est généralement souhaitable pour un complexe de lancement, ce qui signifie qu'une explosion pendant le lancement pourrait endommager les structures voisines. Pour 1969, l'USAF reçoit 515 millions se qui retarde encore le programme obligeant d'abandonner certains équipements. Le premier vol habité est repoussé à fin 1971. La réélection du président Nixon retarde encore plus le projet, les fonds ne suivent plus. L'USAF demande 700 millions pour les 3 prochaines années, le congres n'en donne que 500. Le 5e vol habité du programme est annulé et le premier habité repoussé à mi 1972. Voila 5 ans que le programme MOL est en développement. Le coût originel était estimé par l'USAF à 1,5 milliards $. Il est de 3 milliards en 1969. La question du rôle de l'homme militaire dans l'espace refait débat entre l'USAF et le Dod. Entre temps, 3 astronautes de la NASA ont perdu la vie lors d'un essai au sol, la sécurité doit passer avant tout. Le 10 juin 1969, le programme MOL est définitivement annulé par le secrétaire de la défense Melvin Laird devant le congrès. 800 personnes sont alors licenciées. Certains développements effectués dans le cadre du programme seront utilisés, notamment dans le cadre du programme Skylab. Les systèmes de reconnaissance militaire développés sont achevés pour un cout de 225 millions de $, pour pouvoir être utilisés sur les satellites de reconnaissance qui reprennent les missions qui devaient être assignées aux équipages de la station. Environ 10 000 personnes sont mises au chômage par l'arrêt du programme. Les missions de reconnaissance militaire qui devaient être effectuées depuis le MOL devaient faire partie du programme de reconnaissance militaire Key Hole sous le nom de code KH-10 Dorian. Après l'abandon de la construction du MOL, le rôle que devait jouer la station spatiale est repris par les satellites de reconnaissance KH-9. Le développement du Titan 3M sera annulé en 1969. L'étage central sera utilisé sur certaines versions du Titan IIIB et les boosters SRM UA1207 ont finalement été utilisées sur le Titan 4. Le 27 avril 1969 a lieu le premier tir d'essai statique du SRM à sept segments Titan IIIM. Le tir a eu lieu sur le site d'essai de United Technologies Coyote Canyon, à la limite sud de San Jose, en Californie et a généré 700 tonnes de poussée pendant deux minutes. La capacité était de 17 tonnes en LEO. Il était prévu 2 vol de qualification Gemini B en 1970-71 MOL 1 et 2 et un vol habité en 1972 MOL 3 avec les astronautes Albert Crews (sélection Dyna-Soar en 1962 puis MOL en 1965) et Jales Taylor (sélection MOL 1965). Le DoD avait planifié les vols MOL 4, 5 au moment de l'annulation. Le vol MOL 6 était dédié à la Navy avec un équipage 100% Navy (Bob Crippen et Richard Truly) et le vol MOL 7 a été annulé du budget 1970 demandé en avril 1969, 2 mois avant l'annulation du programme. Le corps des pilotes MOL comprenait 14 des 17 militaires sélectionnés en 1965-66. Finley était revenu dans la marine américaine en avril 1968, et Adams était parti en juillet 1966 pour rejoindre le programme X-15. Il a volé dans l'espace lors de son septième vol le 15 novembre 1967, pour être tué lorsque son avion s'est brisé. Lawrence était mort dans un accident de F-104 à la base aérienne d'Edwards le 8 décembre 1967. Les 14 autres, à l'exception d'Herres, voulaient être transférés à la NASA, mais Deke Slayton , directeur des opérations des équipages de conduite de la NASA, a estimé qu'il n'avait pas besoin de plus d'astronautes. George Mueller , administrateur adjoint de la NASA, souhaitait entretenir de bonnes relations avec l'USAF et Slayton a du prendre les 7 pilotes MOL âgés de 35 ans ou moins pour former le groupe d'astronautes 7 de la NASA ; tous ont volé sur la navette spatiale , à commencer par Crippen sur STS-1 . La NASA a également pris Crews comme pilote d'essai et il pilotera des avions de la NASA jusqu'en 1994. En raison de leur exposition à des informations hautement classifiées, ceux qui n'ont pas été transférés à la NASA n'ont pas pu engager de combat pendant 3 ans en raison du risque de capture. Ne pas pouvoir servir au Vietnam a nui à leur carrière et certains ont rapidement quitté l'armée. Les astronautes MOL seront pour les plus jeunes (de moins de 35 ans) transférés le 14 aout 1969 à la NASA formant le groupe 7 NASA avec Bobko, Fullerton, Hartsfield, Crippen, Peterson, Truly et Overmeyer. Ils voleront tous sur le Space Shuttle. Le SLC 6 du MOL Le SLC 6 est au sud de la base militaire de Vandenberg, sur le site Sudden Ranch. Depuis 1956, l'USAF s'y intéresse notamment pour y installer ses pads de tir pour les Atlas, mais ce n'est qu'en 1966 que que Suddeen Ranch devient une partie de la base de Vandenberg. A l'origine, l'UASF devait y construire 7 complexes de lancement. 2 SLC au Nord sont devenus les SLC 3 pour les Atlas et SLC4 pour les Titan 3, le SLC 5 servant pour les fusées sondes Scout. Le site de lancement n°6 est crée le 12 mars 1966 pour le programme, avec un premier contrat de 17 millions $ pour la construction dès février 1967 du déflecteur, de la tour ombilicale et de service. Une seconde phase de 2,8 millions permet de réaliser le bâtiment de stockage des SRM, la caserne des pompiers, la centrale électrique et les voies ferrées. Enfin, un dernier contrat de 3 millions permet de réaliser les installations sur la base Nord, notamment pour l'entrainement des équipages, le système informatique. Le programme MOL est annulé le 10 juin 1969, les travaux sont terminés à 90%. L'USAF décide de terminer les travaux pour éviter les pénalités des contractants. Les installations sont mis en "maintenance minimum", pour une utilisation future. Fin 1969, le SLC 6 MOL est pratiquement achevé. Le cout global est estimé à 30 millions $ hors coût du terrains 200 personnes y avaient travaillé. Le pad de tir des Titan 3 M du programme MOL s'étend sur une surface de 300 mètres sur 365. Le complexe est occupé par une MST (Mobil Service Tower, haute de 96 m sur le coté Est roulant sur une piste bétonnée, un pad de tir à l'Ouest avec sa tour ombilicale (74 m) et son déflecteur (23 m sur 15). Le Titan 3M devait utiliser des boosters SRM à 7 segments dont le premier test statique avait eu lieu à Coyotte Canyon en avril 1969. 3 autres tests ont eu lieu en 1970 pour essentiellement terminé le programme.
L'HERITAGE MOL L'annulation de MOL a permis au gouvernement d'économiser 1,5 milliard de dollars au cours des trois années suivantes. Le NRO a reçu une partie des économies réalisées. Suite à l'annulation, un comité a été formé pour gérer la cession de ses actifs, évalués à 12,5 millions de dollars américains (l'équivalent de 80 millions de dollars en 2023). Le système d'acquisition et de suivi, le simulateur de développement de mission, le simulateur de module de laboratoire et le simulateur de mission ont été transférés à la NASA à la fin de 1973. Le bureau du programme MOL au Pentagone a fermé ses portes le 15 février 1970 et le bureau de Los Angeles le 30 septembre 1970. Le directeur des systèmes spatiaux, le général de brigade Allen, est devenu le point de contact pour les contrats qui ont été résiliés, mais ceux avec Aerojet , McDonnell Douglas et United Technologies Corporation (UTC) étaient encore ouverts en juin 1973. Le contrat Aerojet ne comportait que de petites réclamations totalisant 9 888 $ US (équivalent à 63 035 $ en 2023), mais il restait des réserves de 771 569 $ US (équivalent à 4,04 millions de dollars en 2023) sur le contrat McDonnell Douglas en raison d'un différend entre sous-traitants et californienne de la taxe de franchise . Le contrat de l'UTC s'élevait toujours à 51 millions de dollars américains (soit l'équivalent de 267 millions de dollars en 2023), le montant réel dépendant de la quantité de travail attribuable au MOL et de celle des travaux en cours sur Titan III. Au moment de l'annulation du MOL, 192 militaires et 100 civils étaient employés aux activités du MOL. En quelques semaines, 80 pour cent du personnel militaire se sont vu confier de nouvelles missions. Les civils ont été réaffectés à la Space and Missile Systems Organisation (SAMSO) . Le Titan III est devenu un pilier du programme de satellite militaire. Le Titan IIIM n'a jamais volé, mais les UA1207 propulseurs à fusée solide développés pour le MOL ont finalement été utilisés sur le Titan IV et les SRB du Shuttle étaient basés sur des matériaux, des processus et la conception UA1207 développée pour MOL, avec seulement des modifications mineures. La NASA a également utilisé les travaux sur les combinaisons spatiales pour les propres combinaisons de l'agence, le système de gestion des déchets de MOL a volé sur Skylab et NASA Earth Science a utilisé d'autres équipements MOL. Le prototype IMLSS se trouve au Musée national de l'armée de l'air américaine. [ Certains équipements du MOL se sont retrouvés dans les musées. Le vaisseau spatial Gemini B utilisé lors du seul vol du programme MOL est exposé au Air Force Space and Missile Museum de la base aérienne de Cap Canaveral. Un vaisseau spatial Gemini B utilisé pour des tests au sol est exposé au Musée national de l'armée de l'air des États-Unis à la base aérienne Wright-Patterson à Dayton, Ohio (prêté par le Musée national de l'air et de l'espace ). Comme les autres vaisseaux spatiaux Gemini B, il se différencie du vaisseau spatial Gemini de la NASA par les mots « US AIR FORCE » peints dessus, accompagnés de l'insigne, et par la trappe circulaire découpée dans son bouclier thermique. Deux combinaisons spatiales d'entraînement MH-7 du programme MOL ont été découvertes dans une pièce verrouillée du Cape Canaveral Launch Complex 5 musée à Cap Canaveral en 2005. Crippen a fait don de sa combinaison spatiale MOL au National Air and Space Museum en 2017. En juillet 2015, le NRO a déclassifié plus de huit cents fichiers et photos liés au programme MOL.
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LE SLC 6, 1979 |
Photos Jacques Van Oene, DoD, William G Hartensteins .