LA STATION METEO DU CSG
Quand on parle météo à Kourou, mieux vaut connaître la ZIC par cœur. Sinon, son air viendra de toute façon se rappeler à votre souvenir, bon ou mauvais. La ZIC, zone intertropicale de convergence. « Elle est un peu à la Guyane ce que l’anticyclone des Açores est à l’Europe », déclare Isabelle Donet, responsable de la station météo du CSG. Une réputation qui a fait froid dans le dos de plus d’un lancement. La ZIC est ici l’équateur météorologique, faisant alterner saison sèche, quand elle se situe au nord de la Guyane, et saison des pluies quand elle migre vers le sud. Pas question cependant d’en tirer des conclusions hâtives, car comme le souligne Isabelle Donet, « il n’y a pas vraiment de saison propice aux lancements, dans la mesure où les critères se contredisent ». Si l’on prend en compte la foudre par exemple, la saison des pluies est évidemment la plus délicate. Mais en fonction des vents en altitude, suivant si l’on tire vers le nord ou vers l’est, les saisons les plus intéressantes ne vont pas être les mêmes. Et puis, « on est en zone tropicale, les phénomènes météo sont très amplifiés par rapport à la métropole. On peut se trouver en saison sèche, avoir un ciel clair le matin, et très rapidement, un orage va se déclencher pour disparaître aussi vite », résume Isabelle Donet. Restera alors à rechercher une éclaircie... Avant d’émettre un jugement global, il faut donc analyser tous les critères un par un. Et les recouper. Le plus contraignant est sans doute la foudre, à bannir dans un rayon de 10 kilomètres autour des ensembles de lancement, sachant qu’un éclair peut se propager sur cette distance et frapper le lanceur. Toujours dans un rayon de 10 kilomètres, la météo ne tolérera pas de nuages dont le sommet dépasse 5000 mètres. Explication d’Isabelle Donet : « On a une décroissance de la température en fonction de l’altitude avec 0ºC vers 5000 mètres, d’où la formation potentielle de glace. Qui dit glace dit frottement, donc électricité statique. Un nuage dépassant 5000 mètres est ainsi chargé en électricité. Or, le lanceur et son panache de gaz correspondent à un conducteur de 600 mètres, qui peut déclencher artificiellement la foudre ». CQFD. Une démonstration dont a d’ailleurs pâti une Atlas Centaure, en 1986 aux Etats-Unis. Quand il est en ZL, le lanceur est exposé au risque de foudroiement au sol. Quatre grands mâts paratonnerres reliés entre eux à leurs sommets par un câble électrique forment une immense cage de Faraday, protégeant tout ce qu’ils entourent des champs électriques. Seul ombre au tableau, cette protection est inopérante lors des transferts entre les bâtiments et la ZL. On veillera a avoir un champ électrostatiques de moins de 1kV-m pour réaliser ces opérations. Pour les campagnes Soyouz, le composite supérieur doit parcourir 13 km entre la ZL et l'EPCU. En cas d'orages, le suyl lieu de protection est une cage de Farday de fortune mis en place sur le sité d'observation Colibri, 5 km avant la ZLS. La mesure des champs au sol est réalisée par une dizaine d'appareils autour du CSG, les Moulins A Cage, relié à la station météo sur la route de l'espace. Toujours à cause des risques de foudre en vol, même sanction, mais élargie à 20 kilomètres, pour ce qu’on appelle les « enclumes de cumulo-nimbus », ces gros nuages d’orages qui finissent, très haut en altitude, par s’étaler. Très actives électriquement, ces « enclumes » seraient trop dangereuses à la verticale du pas de tir. Autre critère pouvant entraîner un rouge météo : les vents au sol, susceptibles de déstabiliser le lanceur. Le vent moyen ne doit pas être supérieur à 10 mètres/ seconde pour Ariane 5, un peu moins pour Soyouz. Le vent en altitude pourrait disperser les débris sur une distance très importante en cas d'explosion en vol. A chaque lancement, le CNES réalise donc des lâchers de ballons depuis une petite aire de lancement située à deux pas de la station météo. Equipés de divers capteurs, ils permettent d’établir un profil de vents jusqu’à 30km d’altitude. Le CNES avec les gens de la sauvegarde ont aussi réalisé des « modèles de dislocation » pour chacun des trois lanceurs de la gamme (Ariane 5, Soyouz-ST et VEGA), permettant de prédire avec précision de quelle façon les ergols se disperseraient en cas d’explosion. Cette "tache de retombée" délimite la zone dangereuse. Si elle recouvre une zone habité, le lancement pourra être ajourné, le temps de redéfinir une zone moins risquée pour la population. « A la différence des critères de foudre, à l’origine de nombreux reports, celui-là nous pose moins de problèmes car la Guyane est plutôt épargnée par les tempêtes », remarque Isabelle Donet. Contre toute attente, la pluie n’est pas un critère dont on va tenir compte pour le lancement, à la différence par exemple du vent à la plage de Kourou, directement lié à la Sauvegarde. Il s’agit d’éviter qu’en cas d’explosion, ces vents ne portent les retombées toxiques. La pluie est un risque pour le lanceur Soyouz, car utilisant de l'oxygène liquide refroidit à -180°C, cette eau peut former une couche de glace de plusieurs centimètres d'épaisseur sur les parois du lanceur et au moment du décollage, en tombant peuvent endommager des câbles. Le CNES a mis en place un critère d’interdiction de lancer si les précipitations au cours des 90 minutes précédant le H0 dépassent les 25mm, le lanceur n'étant plus protéger par sa tour de service. Pour faire leur diagnostic, les ingénieurs météo disposent d’une douzaine d’équipements. Le principal est le nouveau radar Doppler Romuald. Situé sur la Montagne des Pères et commandé à distance, il permet de restituer tous les échos précipitants dans un rayon de 400 kilomètres, au lieu de 200 avec l’ancien qui tournait par ailleurs beaucoup moins vite. Quant à la foudre, elle sera détectée dans un rayon de 100 kilomètres par le système Safir, via trois antennes. Un système par triangulation qui permet de reconstituer les chemins d’éclairs.
Pour les vents en altitude, la station météo va effectuer des radiosondages. Le principe : on gonfle un ballon dilatable qui va s’élever jusqu'à 30 kilomètres d’altitude, avant d’éclater, sa taille de départ (1,5 mètres de diamètre) étant alors multiplié par dix. Entre-temps, la sonde qu’il entraîne, via une corde de 60 mètres de long, aura accumulé des informations sur la pression, la température et l’humidité. Cette opération se répétera à H0-10h, -7h et -2h. A H0-10 minutes, l’équipe météo rendra son dernier rapport, avant d’aller dans un abri durci. A moins de trois kilomètres du lanceur, on ne sait jamais. Mais la mission n’est pas finie pour autant : 30 minutes après le lancement, un ultime radiosondage va être effectué, avec un ballon différent, la jimsphère. Son principal atout : un revêtement aluminisé qui lui permet d’être réfléchissant pour les radars de poursuite. S’il y a eu braquage de tuyère, par exemple, on saura si le vent est responsable. La dernière version du système
SYNERGIE de Météo-France permet aujourd’hui un accès intégré et convivial
aux différentes données nécessaires à l’élaboration des prévisions météorologiques.
Tout comme un DDO, il concentre les informations pour en tirer des conclusions
et aider à la décision. Installé au service météo du Cnes/CSG, ce système
réactualisé a notamment été mis à contribution à l’occasion du Vol 159.
Explications.
D'après un article de Latitude 5, le magasine du CSG Station météo du CSG et ses radars aout 2021: RODIN (en jaune sur la photo) mis en œuvre en 1986 et ROMUALD (Montagne des Pères) depuis 2000, bientôt rejoints par ROMEO (radôme blanc)
|