LES ESSAIS NUCLEAIRES FRANCAIS Parallèlement aux essais de ses missiles balistiques, la France se dote de la bombe atomique et commence à réaliser ses premiers essais nucléaires. Après les USA, en juillet 1945, l'Union Soviétique en septembre 1949 et le Royaume Unis en octobre 1952, la France teste en février 1960, la première bombe atomique Française "Gerboise" qui explose à Régane dans le désert Algérien. Quatre autres essais suivront jusqu'en 1961. Le dernier tir a lieu en avril. De peur que les détails techniques de l'opération soient révélés au public, la France procéde à la destruction du site en deux étapes : la première fois le 29 février 1964 et la seconde le 3 mars de la même année. En 1996, le ministre des Moudjahidine, M. Abadou, se rendra pour la première fois sur les lieux de cette tragédie avant de décider de fermer la zone du site afin de prévenir les risques de contamination, et de créer un musée exposant les objets ayant trait à l'événement. A partir de novembre 1961,
la France réalise ses essais en souterrain dans le Hoggar à 150 km au nord de
Tamanrasset. Ce type d'essai devaient permettre de "piéger"
dans la roche la plus grande partie des éléments radioactifs produits
par les explosions. La solution retenue est celle de tirs en galerie,
celles-ci étant creusées horizontalement dans un massif granitique. Les
engins à tester sont placés au fond de galeries horizontales longues de
800 à 1200 m se terminant en colimaçon pour casser
le souffle des explosions et refermées par un bouchon de béton. Le 1er mai
1962, il y a un raté: Témoignages de Jaques
Muller, alors militaire:
Après avoir réalisé des essais aériens (4) puis souterrains (13) en Algérie (du 13 février 1960 au février 1966 à Hoggar), la France va, entre 1968 et 1974, effectué à Mururoa et Fangataufa (Polynésie française) une quarantaine d'essais aériens, ce qui lui a été reproché par les autres grandes puissances nucléaires qui avaient mis en place un moratoire sur les essais atmosphériques dès 1963. L'argument avancé par les Etats-Unis, à l'époque, s'appuyait sur les conséquences des essais atmosphériques américains sur la santé de la population des îles Marshall. Parallèlement, les mauvaises conditions géologiques nécessitaient un changement de site. Au cours de la même période, la Grande-Bretagne abandonnera les îles Christmas pour s'associer avec les États-Unis afin de réaliser ses essais dans le désert du Nevada. S'appuyant sur le fait que les conditions géologiques du site de Mururoa étaient comparables à celles qui les avaient conduits à abandonner leurs sites d'expérimentation, les États-Unis et la Grande Bretagne cherchèrent à dénoncer conjointement la persistance des essais français dans l'atmosphère. MURUORA ET FANGATAUFA En novembre 1963, Américains et Russes signaient le traité de Moscou entraînant l'arrêt de leurs tirs aériens, mais l'obligation d'abandonner le Sahara et la nécessité de procéder à des tirs thermonucléaires de grande puissance, amenèrent la France à rechercher un nouveau champ de tirs aériens. La Polynésie fut choisie car il s'agissait d'un territoire de souveraineté française comportant de vastes étendues dont la population était très clairsemée. Les atolls de Mururoa et Fangataufa qui furent retenus présentaient des particularités favorables : ils étaient inhabités, il n'y avait aucun habitant à moins de 120 km et la zone était peu fréquentée par les lignes commerciales maritimes et aériennes. Les travaux commencèrent en 1963 et le premier tir eut lieu le 2 juillet 1966. Compte tenu des conditions météorologiques à respecter pour que les retombées proches du tir évitent toute terre habitée, les campagnes de tirs devaient avoir lieu pendant les mois d'été. Après quatre tirs de surface, effectués sur des barges positionnées sur le lagon, on passe rapidement aux essais aériens sous ballon, moins contaminant pour les sols et qui permettent de réoccuper l'atoll concerné quelques jours seulement après l'essai. Les tirs aériens nécessitent une importante participation de l'armée de l'Air et de la Marine : pour couvrir les 100.000 nautiques carrés des zones d'opérations, près de 10% du tonnage total de la Marine est alors déployé en Polynésie. Le 24 avril 1968 la première expérimentation thermonucléaire française a lieu à Fangataufa. A partir de 1970, au vu des excellentes conditions de sécurité des essais sous ballon, l'essentiel des moyens et des personnels s'installe progressivement à terre, à Muruora. Le dernier essai aérien a lieu à Muruora le 14 septembre 1974. Au total 41 tirs ont été réalisés au cours de cette période. Le général de Gaule assistera à un essai de la première campagne le 11 septembre 1966 sous ballon avec la bombe MR31 qui équipera les missiles S2 du plateau d'Albion. Entre 1945 et 1971, les essais nucléaires atmosphériques ont libéré plus de cinq cent mégatonnes. En 1959, les USA, l'URSS et le Royaume Unis avaient négocié un accord sur un traité d'interdiction totale des essais nucléaires. Mais la mise en oeuvre de cet accord était sans cesse repousser, chacun continuant ses propres essais. Après une levée de bouclier, un autre traité d'interdiction partielle est signé en 1963 entre les USA et l'URSS visant à interdire les essais nucléaire dans l'air, l'eau et l'espace. Malheureusement la France et la Chine n'ont jamais signé ce traité. Les puissances nucléaires vont d'elles-mêmes éviter les tirs atmosphériques pour leur préférer des tirs souterrains ou en eau profonde. En 1973, un autre traité limite le nombre des essais nucléaires. Bien que non ratifié par les USA, il est à peut près suivit par les deux grands. En 1975, la France abandonne les essais atmosphériques au profit des essais souterrains à Mururoa et à Fangataufa. Au cours de la période qui suit, les autres puissances nucléaires reprochent à la France de ne pas respecter l'accord de 1986 établissant une zone dénucléarisée dans le Pacifique sud, ainsi que le traité signé à Rarotonga que toutes les puissances nucléaires ont été invitées à ratifier. Ces prises de position allaient au devant des voeux du Parlement européen qui voulait envoyer une commission d'experts à Mururoa au nom de la santé publique. Pendant cette période, on assiste à une certaine diversification des lieux d'essais dans la mesure où sur une trentaine d'essais effectués, six l'ont été à Fangataufa, au sud-est de Mururoa. La décision de réaliser des essais à Fangataufa fut prise après que l'on eut constaté que les tirs de forte puissance entraînaient des affaissements de la couronne corallienne de Mururoa. A partir de 1981, les essais ont lieu dans la partie centrale de l'atoll dès le 6eme tir car la bordure corallienne est très étroite (quelques centaines de mètres au maximum) et d'altitude si faible que les légers tassements du terrain qui résultent des tirs pouvaient devenir gênants. En, mars 1981, on note un autre raté, avoué à demi mot par Charles Hernu, ministre de la Défense à l'Assemblée Nationale: les "déchets d'une explosion nucléaire" ont été "dispersés"sur l'atoll de Mururoa, à la suite d'un cyclone, "créant une situation radiologique nouvelle". On peut noter que les essais nucléaires français ont représenté 9,6% du total des essais effectués depuis 1945. Ces 9,6% représentent 172 essais nucléaires qui eux mêmes ont permis la production d'environ 800 têtes nucléaires et continuent de soutenir l'actuel stock d'environ 500 têtes nucléaires déployées. La suspension des essais nucléaires français est décidée en 1992 pour respecter le moratoire approuvé par l'ensemble des grandes puissances nucléaires mondiales, l'objectif final étant la signature puis la ratification à l'orée de 1996, d'un traité interdisant les essais nucléaires. L'enjeu de cette suspension est double : il s'agit non seulement de mettre en place un système de simulation qui soit performant, mais aussi d'assurer le respect et l'extension du moratoire par toutes les puissances concernées. En effet, un moratoire sur les essais nucléaires exige que toutes les puissances nucléaires mondiales y participent. Or, dès le 5 octobre 1993, la Chine procède à un essai au centre de Lop Nor, dans la région autonome de Kinjiang. D'autres sont réalisés depuis. Quant aux États-Unis, la suspension totale des essais américains annoncée par le Président Bill Clinton le 2 juillet 1993 est prolongée. Les Russes et les Britanniques respectent également ce moratoire. En juin 1995, malgré d'importantes protestations, la France décide de réaliser 8 derniers essais nucléaire sur l'atoll de Muruora en souterrain. Ils ont pour but la qualification des têtes TN 75 destinées à remplacer les têtes des sous-marins nucléaires ainsi que récolter des données physiques visant à alimenter le programme informatique en données physiques pour les futures simulations. Le premier tir a lieu le 5 septembre à Muruora puis le 1 octobre (110 kT) à Fangataufa. Le 27 octobre a lieu le troisième test (60 kT), le 21 novembre, le 4eme test (60 à 80 kT) et le 27 décembre, le 5eme test (30 kT). Le dernier essai après annulation du 8eme, a lieu le 26 janvier 1996 en plein air au dessus de l'atoll de Fangataufa. Il est le plus gros réalisé de la série.
Il y a eu 193 essais nucléaires en Polynésie entre 1966 et 1996. On compte, parmi ces 193 essais, 41 essais atmosphériques qui, entre 1966 et 1974, ont été réalisés malgré le traité d’interdiction des expériences dans l’atmosphère, signé en 1963 par les Etats-Unis, l’URSS et le Royaume-Uni. Parmi les 152 essais souterrains réalisés dans le sous-sol des atolls de Moruroa et Fangataufa, on compte 12 tirs dits " de sécurité " pour lesquels la réaction en chaîne ne s’est pas produite et destinés à vérifier la fiabilité des têtes nucléaires. La fermeture du site d'essais nucléaires en Polynésie et la dissolution de la Direction des Centres d'Expérimentation nucléaire (DIRCEN) a été effective à la fin juillet 1998. La France a signé le traité d'interdiction totale des essais nucléaires le 26 septembre 1996. Après la fin des essais, la France décide de garder la propriété des atolls de Moruroa et Fangataufa où sont installés des systèmes de surveillance radiologiques et géologiques. En 2001, les deux atolls sont sous statut de terrain militaire français et sont interdits aux civils. Une petite unité militaire française (une trentaine de soldats) est installée à Moruroa et est chargée de l'entretien des appareils de mesure et de communication et d'empêcher les intrusions éventuelles.
LA SIMULATION LASER Après ces essais "live", la France décide de simuler ces essais nucléaires afin de conserver intacte sa capacité de dissuasion après la ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Tice) et assurer le développement des armes du futur. Il est présenté pour la première fois en 1993 sous le nom de Préparation à la limitation des essais nucléaires " ou PALEN. En fait ce programme de simulation avait pour but de limiter les essais nucléaire et non les interdire. A partir de 1996, ce programme est officiellement destiné à vérifier la sûreté et la fiabilité des stocks d’armes nucléaires et à vérifier, en laboratoire, la validité des futures têtes nucléaires dont les concepts auraient été mis au point lors de la dernière campagne d’essais décidée par Jacques Chirac en 1995-1996. Après Mururoa, Fangataufa, retour
en métropole avec
les sites de Barp, Bruyères-le-Châtel et
Pontfaverger, paisibles communes situées respectivement en Gironde,
dans l'Essonne et dans la Marne. Moronvilliers dans la Marne, le 28 sept 1997, la première grande installation du programme français de simulation des essais nucléaires est inaugurée. Cette installation, dénommée AIRIX (Accélérateur à induction de radiographie pour l'imagerie X), permettra d'observer le processus interne d'explosion de l'amorce, phase initiale de fonctionnement d'une arme nucléaire avant le début des réactions de fission. ARIX est un appareil de radiographie éclair géant, installé dans un bâtiment bétonné de 74 mètres de long, pour radiographier avec un flash de rayons X d'une durée de quelques milliardièmes de secondes, l'explosion de matériaux lourds non nucléaires. AIRIX fournit alors une puissance équivalente à cent mille appareils de radiographie médicale. Il a été développé, en coopération avec le laboratoire américain de Los Alamos qui possède un système analogue. Le second système de la simulation est un ensemble de logiciels de calculs extrêmement puissant (5000 milliards d'opérations par seconde), qui reproduit par calculs les mécanismes de fonctionnement d'une charge nucléaire. Acheté à la société américaine Compaq et installé à Bruyères-le-Châtel (Essonne), il est opérationnel depuis 2001, devenant le centre de calculs le plus puissant d'Europe. TERA, c'est son nom est équipé de 2560 processeurs enfermés dans 170 boîtiers ventilés. Il loge dans un bâtiment de 60 m sur 60. Le troisième système, le Laser Mégajoule (LMJ), qui étudiera, à partir de 2008, les mécanismes physiques de la fission thermonucléaire en reproduisant ses conditions de température et de densité avec 240 faisceaux laser convergeant pour frapper un mélange de deutérium et de tritium, deux atomes de la famille de l'hydrogène. Un prototype, installé au Barp, près de Bordeaux (Gironde), entre en fonction dès 2001. Le coût global du programme de simulation s'élève à 15 milliards de francs (dont 10 pour les investissements matériels et 5 pour le développement). Un millier de personnes de la DAM Direction des applications militaires et du CEA y travaillent. La nouvelle loi de programmation militaire 2003-2008 permet la poursuite de la modernisation des forces nucléaires avec la mise en service de deux sous-marins nucléaires lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) en 2004 et 2010. La composante aérienne recevra quant à elle de nouveaux missiles air-sol (ASMP-A) dès 2007. En avril 2003, la France annonce avoir
obtenu le faisceau laser le plus énergétique jamais produit dans
l’ultraviolet. Avec ses 9,5 kilojoules, elle double le précédent
record établi par le laser Nova du Lawrence Livermore National
Laboratory, qui avait délivré une énergie de 5 kilojoules. Elle bat ce
record avec une installation dotée de huit faisceaux laser, la “ligne
d’intégration laser“ (LIL). Le but final de cette course à la
puissance est le laser mégajoule (LMJ). D’un coût de 2 milliards d’euros,
le LMJ sera doté de 240 faisceaux laser et devrait produire… plus de 2
mégajoules (millions de joules) ! Il deviendra alors l’équipement
laser le plus puissant au monde, mais en 2009.
BILAN
En voici le détail : Total dont aériens Etats-Unis 1 030 dont 215 aériens dans l'océan Pacifique (4), sur les atoll de Johnston (12), Enewetak (43), Bikini (23), Christmas (24) URSS 715 dont 216. Entre 1949 et 1989, 456 essais nucléaires
ont été effectués à Semipalatinsk, au Kazakhstan, sur le principal
site d'essais de l'ex-Union soviétique, avant sa fermeture par décret présidentiel
en 1991. Jusqu'à la fin de la décennie, le site a été laissé à peu
près sans surveillance, malgré des craintes concernant le niveau de
radioactivité et ses effets potentiels sur la population, la flore et la
faune de la région. Actuellement cependant, des scientifiques mesurent et
étudient de manière systématique le niveau de contamination du site
dans le cadre d'un projet "la science au service de la paix" de
l'OTAN. A noter que la bombe H la plus puissante est soviétique. L'essai réalisé le 31 octobre 1961 en Nouvelle-Zemble totalisait 50 mégatones, soit une puissance 2400 fois supérieure à la bombe A d'Hiroshima (21 kT). Son onde de choc fit trois fois le tour de la terre. A elle seule elle généra 25% des retombées fissiles depuis 1945. On rapporte que cette bombe baptisée "Tsar Bomba" pouvait infliger des brûlures au 3eme degré à 100 km de distance. La destruction est totale dans un rayon de 25 km et les constructions sont gravement endommagées jusqu'à 35 km de distance. On ignore quels seraient les dégâts à plus grandes distances mais il est probable que le souffle produirait encore des effets à plus de 1000 km du point d'impact. Dans les années qui suivirent les russes en firent exploser quelques autres de 10, 12, 15 et 21 MT également. France 210 dont 45 aériennes Grande-Bretagne 45 dont 21 aériennes. Chine 43 dont 23 aériennes. Inde 6 essais. Pakistan 6 essais.
Depuis les origines de sa politique de dissuasion nucléaire, la France a veillé à maintenir strictement son arsenal au niveau le plus bas nécessaire à sa sécurité conformément au principe dit de " suffisance ". Elle a toujours refusé de s’engager dans une compétition avec les autres puissances nucléaires. Elle a, par exemple, renoncé à se doter de la totalité des systèmes d’armes nucléaires envisageables avec les moyens technologiques dont elle disposait. De plus, la France s’est toujours refusé à faire de l’arme atomique une arme de " bataille ". Au point le plus élevé de sa croissance au cours de la guerre froide, l’arsenal nucléaire français n’a jamais dépassé le niveau de quelques centaines de têtes Après la chute de l'URSS en 1991, les USA et le reste de l'Union Soviétique ont décidé d'éliminer leur stock d'armes nucléaires. Le démantèlement des armes nucléaires opéré suite aux accords de limitation des armements stratégiques, ainsi que l'augmentation de leurs puissances unitaires et la miniaturisation ont divisé par deux le nombre de têtes nucléaires. Au milieu des années 1980, le nombre d'armes s'élevait à 70 000 environ. En 1998, des estimations concordantes font état de 36 000 têtes dont 14 000 sont en attente d'être démantelées. Il y aurait 200 à 250 tonnes de plutonium militaire utilisés dans les bombes nucléaires du monde entier. 1000 tonnes d'uranium enrichi serait utilisés dans le monde. Comment se débarrasser des déchets nucléaires récupérés dans ces bombes ? Il y a 4 méthodes, le stockage comme aux USA dans le Texas avant vitrification définitive, le recyclage dans les centrales nucléaires mélangés à de l'uranium peu enrichi, le MOX, la transmuttation en éléments plus stables et enfin l'envoie dans l'espace. Pour certains la meilleure façons de s'en débarrasser serait en fait de les faire explosé !
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