ANNEXE 3
Les industriels de l'espace
SEP, SNECMA En 1945 au lendemain du conflit de la seconde
guerre mondiale l'activité industrielle aéronautique française est à
reconstruire : les usines sont détruites, les programmes dépassés, la
productivité en chute. Les moyens industriels de Gnome et Rhône sont réduits
: l'occupant a transféré de nombreuses machines en Allemagne et la plupart des
usines ont été bombardées par les alliés. La
production reprend avec la réparation des chars américains Sherman. Les
commandes d'armement chutent, la société diversifie alors ses produits en
fabriquant des tracteurs, des écrémeuses, des autoclaves, des mitraillettes et…
des motocyclettes. Hispano-Suiza, de
son côté, par achat de licence ou en coopération, produira des moteurs Nene,
Tay et Tyne, et motorisera les avions Mistral, Vampire, Ouragan ... Snecma regroupe sous son nom la plupart des motoristes précurseurs de la naissance de l'aviation : Gnome et Rhône, Renault, Lorraine. Elle est certes la plus ancienne société de moteurs d'avions au monde mais son retard technologique est considérable. Tout en maintenant la production de moteurs à piston Hercules (licence achetée à la Bristol Aerospace Company) qui équiperont les Noratlas jusqu'en 1964, Snecma s'oriente dès la sortie de la guerre vers le développement du moteur à réaction. Le moteur à piston est dépassé, le terme " puissance " est obsolète, on parlera désormais de " poussée ". Entre 1945 et 1964, Snecma contribue au redressement de l'industrie aéronautique française grâce à son président Henri Desbruères. En 1945, il crée les départements " Essais et vol " et " Réaction " qui réparera les turboréacteurs américains Pratt & Whitney et britanniques De Havilland. Le département Réaction de Snecma séduit des ingénieurs de la société Rateau, spécialisée dans la turbopropulsion, afin de développer un turbopropulseur. Deux modèles (appelés "TA" de 1 500 et 5 000 ch) seront produits mais abandonnés 10 ans plus tard. Comme les gouvernements américain, anglais et
soviétique, le gouvernement français s'intéresse aux avancées technologiques
allemandes et en particulier au docteur Oestrich, responsable de la division
turboréacteur chez BMW (Bayerische Motor Werke). Ce dernier s'installe avec une
équipe technique de 120 ingénieurs allemands au bord du lac de Constance, à
Lindau-Rickenbach, dans une ancienne usine Dornier : le groupe O est né. Le
turboréacteur Atar sera sa plus grande réussite. Les débuts des moteurs-fusées français Afin de développer les recherches en matière de fusées, la France crée en 1944 la Société d’Etudes pour la Propulsion par Réaction, la SEPR. Celle-ci se lance dans l’étude de la propulsion par moteur-fusée des avions militaires. En 1952, l’Espadon réussit un premier vol : c’est un avion équipé d’un turboréacteur et d’un moteur-fusée SEPR utilisé pour le décollage et les phases de combat. Tout au long des années 50, des moteurs SEPR sont testés sur différents avions expérimentaux : Trident I et II, Gerfaut, Mystère, Durandal, Mirage I… Le 2 mai 1958, le pilote d’essais Roger Carpentier fait grimper son Trident II jusqu’à 24 217 m, battant le record du monde d’altitude. A la fin des années 50, le concept du Trident II, un moteur-fusée principal et des turboréacteurs de faible poussée, est dépassé par celui, inverse, du Mirage III : un turboréacteur principal et un moteur-fusée d’appoint pour l’interception. Créé en 1946, à des fins essentiellement militaires, le Laboratoire de Recherches Balistiques et Aérodynamiques (LRBA) est chargé, en 1949, de réaliser une fusée-sonde destinée à effectuer des expériences dans la haute atmosphère. Essayée en vol à partir de 1952, la première Véronique doit emporter 60 Kg d’instruments scientifiques à 65 Km d’altitude. Haute de 6 m, elle est d’abord équipée d’un moteur à acide nitrique et kérosène de 4 t de poussée, puis d’un moteur à acide nitrique et essence de térébenthine de 6 t de poussée. De 1952 à 1975, cinq versions de Véronique aux performances croissantes sont lancées depuis le Sahara, puis de Kourou (Guyane). À Véronique succède Vesta, dont la poussée atteint 16 t. Le LRBA travaille également sur les moteurs-fusées à liquides de forte poussée, comme le Viking I, sous la direction de l’ingénieur allemand Heinz Bringer. Le 4 octobre 1957, la Terre possède un nouveau satellite. Il est artificiel et se nomme Spoutnik. Dans un contexte de Guerre Froide, Soviétiques et Américains accomplissent des avancées spectaculaires tant en matières de conquête spatiale que de lanceurs ou de missiles, désormais intercontinentaux. Il devient alors prioritaire pour la France de constituer une Force de Frappe capable de préserver son indépendance nationale. Parallèlement au programme du bombardier Mirage IV, motorisé par des Atar 9B puis 9K, l'État décide de se doter de missiles balistiques. En 1958, le LRBA et la SEPR se voient confier la responsabilité du développement de la propulsion à liquides et à poudre pour les missiles de la Force de Dissuasion française. Snecma et l'espace : de Diamant à Ariane La SEPR (Société d'Etudes pour la Propulsion par Réaction) et le LRBA (Laboratoire de Recherches Balistiques et Aérodynamiques), au début des années 60, travaillent à la propulsion d’engins expérimentaux appelés « Pierres Précieuses », en raison de leurs noms (Agate, Topaze, Emeraude, Saphir…), qui permettront d’acquérir la maîtrise des technologies des lanceurs spatiaux civils ou militaires. Le premier lanceur français, Diamant, décolle avec succès le 16 novembre 1965 : premier étage à ergols liquides du LBRA, 2e et 3e étages à poudre de la SEPR. Il met en orbite le premier satellite français. Le mois de juin 1969 sera marqué par deux événements majeurs pour l'aventure spatiale française : le moteur à ergols liquides M40, précurseur du Viking (Ariane 1 à 4), est testé avec succès, et l'Etat décide de regrouper toutes les activités françaises liées à la fabrication des moteurs pour missiles et lanceurs. La Société Européenne de Propulsion (SEP) est née. Elle rassemble la SEPR et la division Engins-Espace de Snecma. Le 21 juillet, Neil Armstrong marche sur la lune. Juin 1969, l'état français crée la Société Européenne de Propulsion (SEP), par regroupement de la SEPR et de la division " Engins-Espace " de Snecma. Snecma détient 34 % de la SEP En novembre 1971, les activités industrielles du LRBA rejoignent à leur tour la SEP. En 1973, après l’échec du programme Europa, le programme Ariane est lancé afin de donner à l'Europe son indépendance en matière de lancement : la SEP sera chargée de piloter en coopération européenne la conception et de la réalisation des systèmes propulsifs des trois étages du lanceur. Le 29 avril 1977, la Snecma s'installe dans son siège social actuel. Ariane : un leader mondial est né Le 24 décembre 1979, Ariane 1 s'arrache du sol guyanais pour son vol inaugural. Ce lanceur est entièrement motorisé par la Société Européenne de Propulsion (SEP) : quatre moteurs Viking V au premier étage, un Viking IV au deuxième étage et un HM7A au troisième étage. Ce premier lancement couronné de succès et marquera le début de l'indépendance spatiale européenne. En juin, 1984, la Snecma prend le contrôle de la SEP. A Ariane 2 succèdent Ariane 3 et Ariane 4 (1988). Au fil de la série, les performances s'accroissent et les tirs se succèdent. Après des études préliminaires démarrées cette année là, la SEP lance en 1988 le développement d'un gros moteur cryotechnique destiné à l'étage principal du futur lanceur lourd européen. En 1991, ce moteur de 115 tonnes de poussée, baptisé Vulcain, effectue au banc son premier essai de 600 secondes avec succès. Décembre 1989, la Snecma prend le contrôle du motoriste belge FN Moteurs. Le Groupe s'étend en Europe : en 1991, Snecma prend le contrôle de FN Moteurs, société belge spécialisée dans les pièces et sous-ensembles de moteurs et la réparation. Elle est rebaptisée, en 1992, Techspace Aero. En 1994, un accord est signé avec TI Group, dans le but de rapprocher dans une filiale commune les activités de trains d'atterrissage de Messier-Bugatti (groupe Snecma) et de Dowty Aerospace (TI Group). La nouvelle entité s'appelle Messier-Dowty. Snecma en prend le contrôle à 100 % quatre ans plus tard, en 1998. Septembre 1992, FN Moteurs devient Techspace Aero. Le 4 juin 1996, le nouveau lanceur Ariane 5
décolle pour la première fois, grâce à son moteur Vulcain et à ses deux
moteurs à propergol solide de 600 tonnes de poussée réalisés en coopération
par la SEP et FiatAvio. Il explose en vol, en raison d'un problème de logiciel
de pilotage. Le 30 octobre 1997, le second Ariane 5, appelé 502, réussit son
baptême de l'espace et ouvre la voie vers l'utilisation commerciale du lanceur.
Le lendemain, 31 octobre, la SEP rachetée à 100 % par Snecma en devient la
division moteurs fusées. Vol après vol, les moteurs du Groupe ont permis à Ariane de prendre une place prépondérante sur le marché des lancements de satellites géostationnaires. Ils font de Snecma le leader européen de la propulsion par moteur fusées, et l'un des tous premiers mondiaux. 1999 : livraison du 1000e moteur Viking d'Ariane 1 à 4. Le 3 janvier 2000, Snecma se restructure, réorganise ses activités en deux branches complémentaires - propulsion et équipements - et devient une holding. Elle filialise ses activités de conception, production et commercialisation de moteurs aéronautiques et spatiaux : Snecma Moteurs est créé. Le rachat de Labinal apporte au Groupe Snecma une nouvelle compétence, les systèmes de câblages aéronautiques. Puis, cette même année, le Groupe prend le contrôle de Hurel-Dubois. Snecma avait créé, en 1997, Hispano-Suiza Aerostructures, issu d'Hispano-Suiza, spécialisé dans le même domaine : les nacelles et inverseurs de poussées. Cette acquisition permet d'engager une consolidation des activités françaises. Dès 2001, les deux entités sont regroupées dans une nouvelle société, Hurel-Hispano, qui s'affirme comme un leader mondial sur son marché. Quelques mois plus tard, en mai, l'acquisition du groupe Labinal, déjà évoquée, renforce les deux branches de Snecma. Les moteurs de Turbomeca et de Microturbo rejoignent la branche Propulsion. Snecma entre ainsi dans le monde de la motorisation des hélicoptères, en complétant sa large gamme de systèmes de propulsion. De leur côté, les activités de Labinal, puis d'Hurel-Dubois complètent l'offre du Groupe en matière d'équipements. Des 50 ch du Gnome Omega de 1907 aux 650 tonnes de poussée des boosters d'Ariane 5, du petit atelier de Louis Seguin, employant une quarantaine de personnes, à un groupe international de 38 500 personnes, avec des implantations industrielles dans 16 pays, une centaine d'années s'est écoulée.
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