V88 ARIANE 501
6 janvier 1996, le dernier essai (Q2) de
qualification à feu de l'étage principal cryotechnique est réalisé sur la
zone de lancement numéro 3 (ELA-3). D'une durée nominale d'environ 600 s, il
conclut une série de 7 essais de longue durée et de 2 essais court de l'étage
équipé de son moteur vulcain.
25 janvier, Essai de qualification sur la rupture de la jupe avant de l'étage
à poudre, équipé du dispositif assouplisseur chargé d'amortir les
oscillations de poussée transmises vers le corps central. 7 février, la Revue de Qualification Lanceur
(RQL) présente ses premières conclusions devant les directeurs généraux de
l'ESA et du CNES. 4 mars, début officiel de la campagne de lancement d'Ariane 501au bâtiment d'intégration lanceur (BIL) avec l'érection de l'étage principal cryotechnique sur la table de lancement.
22 avril, reprise de la préparation des
satellites Clusters en vue des opérations combinées entre le lanceur Ariane
501 et les satellites. 8 mai, la Revue de Qualification Lanceur
(RQL) présente son rapport final devant Jean-Marie Luton directeur de l'ESA et
Alain Bensoussan directeur du CNES. 3 juin, la chronologie de lancement débute à 05h00 (heure de Kourou) avec le transfert d'Ariane 501 vers la zone de lancement. L'après-midi est consacré au retrait des dispositifs de maintien du lanceur sur la table de lancement, puis au remplissage du sous-système hélium liquide.
4 juin, à 01h30 du matin (Heure de Kourou) les opérations de remplissage de l'étage cryotechnique débutent. Le lanceur est prêt pour entrer en séquence synchronisée environ une heure avant le moment H0 visé prévu à 08h35mn. A 08h15mn (H0-20mn), un risque de foudre étant signalé par les services de météorologie, le compte à rebours s'arrête pendant une heure. A 09h35mn décollage du lanceur Ariane 501 - V87 après une séquence synchronisée sans aucun arrêt. A 09h35mn37sec, soit après 37 secondes de fonctionnement, des ordres de braquage maximum sont envoyés vers les moteurs des étages à poudre, puis vers le moteur Vulcain. Le lanceur bascule brutalement par rapport à sa trajectoire et se met alors à subir des efforts aérodynamiques qui provoque sa destruction à H0+40sec.
Les débris du lanceur V501 sont retombés au sol, sur une zone de 5 x 2,5 km2, à l'est du pas de tir. La tâche de récupération s'annonce toutefois des plus difficiles, car cette région se compose, pour l'essentiel, de mangrove et de savane ; celles-ci sont gorgées d'eau, après la saison des pluies qui vient de s'achever. Seulement quelques jours après l'échec de V501, les experts arrivent à situer grossièrement la cause du dysfonctionnement. Les analyses de la télémesure montrent, en effet, qu'à H0 + 36,7 secondes, les deux centrales inertielles (S.R.I.) sont, successivement, tombées en panne. Des informations manquent, cependant, pour pousser plus en avant les investigations. On ne dispose pas, en effet, de certaines données de télémesure du système qui a travaillé en mode actif et qui a été le dernier à fonctionner (la transmission au sol de ces renseignements n'étant prévue que pour l'unité qui tombe en panne la première). Un ratissage aérien, au moyen de photographies, détermine une quantité impressionnante de débris. La campagne de récupération étant limitée dans le temps (et aussi financièrement), il faut fixer des priorités. Priorité donc pour ramener au sec, la case à équipements qui renferme, entre autres, les deux S.R.I.. En parallèle, d'autres équipes vont s'efforcer de trouver les quatre charges utiles Cluster. Finalement, il est impératif d'inspecter tous les éléments pyrotechniques pour en désamorcer les charges éventuelles. Toutes les compétences opérationnelles du Centre Spatial Guyanais sont
mises à contribution : Le déplacement sur les terrains inondés a été rendu possible grâce aux moyens humains et matériels du Troisième Régiment Etranger d'Infanterie (Légion Etrangère). Les «chenillettes» et les soldats du 3ème R.E.I ont permis d'atteindre rapidement les débris dans cette végétation dense. Au terme d'un mois de dur labeur quotidien sous un soleil de plomb, les principaux objectifs sont atteints. La case à équipements (et surtout ses deux S.R.I.) et les satellites Cluster sont récupérés et renvoyés en Europe.
Les moteurs des E.A.P. sont désarmés puis examinés sur place. Enfin, divers éléments du lanceur sont ramenés vers l'ELA-3, dont, en particulier, des morceaux parfois volumineux de la coiffe. récupération des éléments de la coiffe. A noter, en jaune et argent au premier plan, les «coupelles» d'isolation phonique de la coiffe : les satellites sont ainsi protégés des fortes vibrations sonores lors du décollage. T Vallée Tandis que le Rapport d'Enquête sur l'échec du vol V501 est pratiquement prêt, d'autres analyses de la télémesure d'Ariane-5 ont montré que, au moment de la perte du lanceur, la turbo-pompe hydrogène (TPH) du moteur cryotechnique Vulcain fonctionnait 10% en deçà de son régime nominal. La S.E.P. demande donc de pouvoir récupérer le moteur à des fins d'expertise. Cette opération, envisagée dès le début du mois de juin, avait dû être abandonnée (du moins temporairement) car le Vulcain, accroché à son bâti, est très difficilement accessible. L'ensemble pèse, en effet, plusieurs tonnes, et la chute depuis près de quatre kilomètres d'altitude, s'est terminée quelques mètres sous l'eau, dans la vase. Cette fois-ci, le feu vert est donné pour ressortir le joyau d'Ariane-5, avec tous les moyens que l'on trouvera en Guyane (le matériel du C.S.G., quoique très performant, n'est pas adapté à une telle mission). Par chance, une entreprise de Cayenne possède une grue montée sur flotteurs, qui devrait faire l'affaire. Cet engin, très agile dans l'eau, a cependant du mal à atteindre les marais (il lui faut plus d'une journée pour couvrir cinq cents mètres sur la terre). C'est finalement au terme de dix journées difficiles, que le Vulcain est extrait de ce milieu nauséabond, après un travail efficace des plongeurs de la B.S.P.P. qui ont réussi à trouver les bonnes prises pour hisser le moteur. En relatif bon état après une bonne «douche» (comme en juge la photographie ci-dessous), le moteur cryotechnique a subi les examens désirés. Autre élément récupéré, au hasard des traversées de la mangrove : la partie supérieure du Réservoir Isolé Equipé (R.I.E.). Ce complexe «bout de tôle» se situe au sommet de l'Etage Principal Cryotechnique (E.P.C.), et porte le système mécanique de remplissage du réservoir d'oxygène liquide. La photographie, ci-dessous, montre la violence de l'explosion en vol et de la chute effrénée qui s'en est suivie. 23 juillet, la commission d'enquête sur les
causes de l'échec du premier vol d'Ariane 5 remet son rapport :
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1997, Jean Yves Henrion et Thierry Vallée