L'ESPACE PRIVÉ


LES MOTEURS BE, "BLUE ENGINES"

Les moteurs BE, Bleu Engines de Blue Origin sont conçus et développés au siège social à Kent, WA. BO produit les moteurs BE-4, BE-3U et BE-7 à Huntsville, AL. Les moteurs et sous-systèmes de propulsion sont minutieusement testés et qualifiés près de Van Horn, Texas et au banc d'essai 4670 à Huntsville, AL.

BE-3U

Le BE-3 a effectué son premier vol en 2015 en propulsant la fusée monoétage New Shepard. Il brûle des ergols liquide, LOX et LH2 et développe une poussée de 49 tonnes. Les ergols sont injectés dans la chambre de combustion grâce à des turbopompes. Celles-ci sont mises en mouvement par les gaz de combustion prélevés dans la chambre de combustion du moteur (cycle tap-off, analogue à un cycle générateur de gaz dont la turbine serait alimentée par la chambre de combustion principale plutôt que par un générateur de gaz séparé). Le moteur est réallumable. Pour répondre aux besoins de la fusée New Shepard, la poussée peut être modulée entre 100 et 20%.

Le développement du BE-3 est officialisé en janvier 2013. L'entreprise n'a aucune expérience antérieure dans le domaine de la propulsion spatiale. Le moteur est développé pour propulser la fusée monoétage New Shepard construite par la même société dans le but de proposer des vols suborbitaux de quelques minutes à des amateurs de voyage dans l'espace. En 2013, des tests complets sur bancs d'essais simulant la durée du vol et le rallumage du moteur sont effectués avec succès. Le premier vol du New Shepard équipé du BE-3 a lieu le 29 avril 2015. Il emporte la fusée jusqu'à une altitude de 93,5 kilomètres. Un deuxième vol est effectué le 23 novembre 2015 au cours duquel la fusée s'élève jusqu'à 100 km puis le moteur est rallumé pour un atterrissage couronné de succès.

Une variante du moteur, le BE-3U, a été proposée en 2015 pour propulser l'étage supérieur de la future fusée Vulcan de United Launch Alliance (ULA). En 2018, c'est une version améliorée du RL-10 qui fut choisie par ULA pour la Vulcan.

Pour la fusée orbitale de Blue Origin, la New Glenn, l'entreprise développe la version BE-3U avec cycle à expandeur de gaz, le BE-3U, afin de propulser l'étage supérieur. Il est prévu d'en utiliser deux sur l'étage supérieur.

Le BE-3U est un moteur cryogénique de 71 tonnes de poussée dans le vide, avec une accélération jusqu'à 53 tonnes et une IPS de 447 secondes. Deux moteurs BE-3U réallumables propulsent l'étage supérieur de New Glenn, permettant un large éventail de missions, notamment l'injection directe sur orbite géostationnaire.

En novembre 2015, le moteur est prévu pour avoir une poussé dans le vide de 670 kN. En janvier 2016, l'US Air Force finança le développement d'une tuyère extensible du BE-3U pour une possible utilisation sur un lanceur de prochaine génération de Orbital ATK. En août 2018, le premier moteur de test a accumulé plus de 700 secondes de test, confirmant les performances prévues. En février 2019, Blue Origin a mis à jour la poussée du BE-3U à 71 tonnes dans le vide. Il est conçu pour se rallumer plusieurs fois.

BE-3PM

Le BE-3PM (Propulsion Module) est le premier nouveau moteur de fusée cryogénique à être développé pour être produit aux États-Unis depuis plus d’une décennie. Le 23 novembre 2015, le BE-3PM a propulsé le module de propulsion (PM) de New Shepard au-dessus de la ligne Kármán et s'est rallumé pour un atterrissage en douceur lors de son vol aller-retour historique vers l'espace. Ce même moteur a répété l'exploit quatre fois de plus avant le retrait de ce module de propulsion.

À pleine puissance, le BE-3PM génère une poussée de 49 tonnes au niveau de la mer. Lors de son retour sur Terre, la poussée se réduit de manière unique à 9 tonnes, permettant un atterrissage vertical en douceur sur la plateforme. Comme les moteurs principaux de la navette spatiale, le BE-3PM utilise de l'oxygène liquide et de l'hydrogène liquide hautes performances. BE-3PM est conçu pour une réutilisation opérationnelle avec un minimum de maintenance entre les vols.

 

BE 4

Le premier moteur à combustion étagé riche en oxygène conçu et fabriqué aux États-Unis alimente la prochaine génération de fusées orbitales américaines, dont le New Glenn. Le BE-4 est le moteur à combustion étagée riche en oxygène alimenté au gaz naturel liquéfié (GNL) le plus puissant jamais utilisé. Le BE-4 est capable de produire une poussée de 245 à 271 tonnes avec une ISP de 355 secondes. Une grande partie des ergols passe par une pré-chambre de combustion où ceux-ci sont en partie brulés. Les gaz en sortie de cette préchambre entrainent les turbines avant d'être injectés dans la chambre de combustion. La pression dans celle-ci est de 134 bars, ce qui est relativement faible compte tenu du système d'alimentation utilisé mais réduit les couts de remise en état lorsque le moteur est réutilisé. Une turbine unique entraine les deux turbopompes qui mettent sous pression les ergols. Sa vitesse est de 19 000 tours par minute et elle développe une puissance de 70 000 chevaux. Le moteur brûle 780 kilogrammes d'ergols par seconde.

Le GNL est un carburant est très efficace, peu coûteux et largement disponible. Contrairement au kérosène, le GNL peut être utilisé pour auto-pressuriser son réservoir. Connu sous le nom de repressurisation autogène, cela élimine le besoin de systèmes coûteux et complexes qui exploitent les rares réserves d'hélium de la Terre. Le GNL possède également des caractéristiques de combustion propre, même à faible régime, simplifiant ainsi la réutilisation du moteur par rapport au kérosène.

   

BE-4 a été conçu dès le départ pour être une version moyennement performante d’une architecture hautes performances. Il s'agit d'un choix de conception conscient visant à réduire les risques de développement tout en répondant aux exigences de performances, de calendrier et de réutilisabilité.

Le développement du BE-4 débute en 2011 mais n'est rendu public qu'à l'automne 2014 lorsque ULA annonce qu'elle a sélectionné ce moteur pour propulser le successeur de son lanceur Atlas 5. Le remplacement de ce lanceur est une conséquence des tensions croissantes entre la Russie et les États-Unis à la suite de l'invasion de la Crimée par son voisin russe. En effet, l'Atlas V est propulsée par un moteur-fusée russe RD-180 dont l'importation pourrait être interdite. Le développement du futur lanceur de ULA, baptisé Vulcan, est annoncé en avril 2015. Son premier étage doit être propulsé par deux BE-4.

En mai 2014, un banc d'essais destiné au BE-4 et comportant deux postes est inauguré à Corn Ranch, près de Van Horn au Texas. Blue Origin annonce en avril 2015 que les premiers tests du moteur complet devraient avoir lieu en 2016 et devraient s'achever en 2017. En septembre 2016, le développement du lanceur New Glenn de Blue Origin est officiellement annoncé : le premier étage, qui est réutilisable, utilise sept moteurs-fusées BE-4 et le deuxième étage, une version optimisée pour le vide, réallumable, le BE-4U. En mars 2017, le premier exemplaire du moteur est assemblé. Durant un test sur banc d'essais qui se déroule en mai 2017, un moteur BE-4 est victime d'une explosion qui détruit les composants situés en amont de la chambre de combustion. En mars 2018, Blue Origin renonce à la version BE-4U pour la propulsion du deuxième étage de la fusée New Glenn. Celui-ci sera propulsé par deux BE-3U, version du moteur propulsant le New Shepard adaptée au fonctionnement dans le vide. En septembre 2018, ULA annonce qu'elle sélectionne définitivement le moteur-fusée BE-4 pour le lanceur Vulcan et qu'elle abandonne complètement l'idée de recourir à l'AR-1.

Le BE-4 propulse 2 lanceurs de la prochaine génération de fusées orbitales américaines. 7 moteurs BE-4 alimentent le premier étage du New Glenn, et 2 moteurs BE-4 équipent le premier étage du lanceur Vulcan de United Launch Alliance.

BE-4 poursuit les essais de moteurs à grande échelle dans les installations près de Van Horn, Texas et à Huntsville, AL. La production à plein régime a lieu dans l'usine de fabrication de moteurs à Huntsville.  Il est prévu de pouvoir réutiliser le moteur-fusée 25 fois sans maintenance majeure. En juin 2023, un moteur BE 4 destiné au secon lancement du Vulcan d'ULA explose durant un essais d'acceptance au banc après 10 secondes de fonctionnement.

Taille des moteurs BE-3U et BE-4

BE-7

Le BE-7 est un moteur que Blue Origin développe depuis mai 2019 pour l'atterrisseur lunaire Blue Moon, du programme Artemis de la NASA. Ce moteur est cryogénique de type cycle expandeur (la turbine de la turbopompe est alimentée par la détente de l'ergols cryogénique qui circule dans les parois de la pré chambre et la tuyère pour la refroidir et passe de l'état liquide à l'état gazeux, éliminant le recours à un générateur de gaz) fournit une poussée de 4 tonnes modulable pour freiner l'engin de 15 tonnes à sa descente vers la lune.

 

Blue Origin teste les moteurs BE-4 sur son banc d'essai dans l'ouest du Texas, à West Horn.

       

En avril 2019, Blue Origin décide de louer en avril 2019 le banc d'essais 4670 du centre Marshall de la NASA, celui là même qui a vue passé les moteurs F1 du Saturn 5 et les SSME du STS pour y tester ses moteurs BE-4. Depuis 1998, le banc est inutilisé. Le stand est une installation « à positions multiples » avec une capacité de test ambiant. Il dispose de deux positions dans lesquelles il peut être utilisé, à savoir TF 4670 Position 1 avec une poussée maximale de 750 K lbf et Position 2 permettant une poussée de 1 000 K lbf. Il est capable de supporter les propulseurs LH2, LOX, RP-1, GH2 et Ghe.

Le banc 4670 culmine à 91 m de hauteur

Le premier moteur BE4 installé au banc en juin 2022

Blue origin devrait également disposer d'une installation d'essais de moteurs sur le site de Cap Canaveral. Le fait que Blue Origin construise un banc d'essai de moteurs BE-4 au LC-11 indique qu'il est dédié aux lancements de New Glenn sur la côte Est, alors que l'installation Marshall est susceptible de se concentrer sur les fusées Vulcan, notamment en raison de sa localisation dans le le même État, ULA, construit ses fusées.

 

MANUFACTORY FACILITY, une usine de fabrication pour la construction de moteurs de fusée de nouvelle génération.

   

La construction de l'usine a débuté au début de 2019 et s'est terminé début 2020. L'inauguration a lieu le 17 février. Blue Origin créera plus de 300 emplois dans l'économie locale grâce à un investissement de plus de 200 millions de dollars dans l'installation.

Clayco et Lamar Johnson Collaborative ont réalisé la conception, l'ingénierie et la construction clé en main de cette usine de fabrication de moteurs à carburant liquide pour Blue Origin. Le projet est situé dans le parc de recherche Cummings, à Huntsville, en Alabama, et comprend plus de 28 000 m2 d'espace de fabrication et de fabrication de pointe et un peu moins de 9300 m2 de bureaux d'ingénierie, de collaboration et d'administration de classe A. L'infrastructure du bâtiment est capable de recevoir, fabriquer, assembler, tester et expédier. Avec une part importante d'automatisation prise en compte, l'usinage, le nettoyage, l'intégration de l'assemblage, la construction et les tests de composants avioniques, ainsi que le soudage industriel avancé faisaient tous partie du processus des installations.

L'entrée principale de l'atrium en verre sur toute la hauteur est une extension des espaces réservés aux personnes qui divisent en deux la longueur et la hauteur totales du bâtiment. Cette « colonne vertébrale » relie les zones d'opération de chaque côté avec la longueur du bâtiment, la mezzanine et une plate-forme d'observation. La hauteur pénètre dans le toit offrant un éclairage naturel continu à claire-voie. La connectivité entre l'ingénierie et la fabrication est renforcée par un verre d'observation presque continu qui minimise la séparation physique. La collaboration est encouragée à travers de nombreuses zones de réunion et de pause communes, grandes et petites, situées dans tout l'établissement.

Les commodités pour le personnel et les visiteurs se poursuivent à l’extérieur avec une place d’entrée accueillante pour les visiteurs et un jardin sur place. Le jardin offre des sentiers de promenade, des grillades et une préparation simple de nourriture, des structures pour s'asseoir à l'ombre, des pique-niques et de grandes zones de rassemblement, et est adjacent à l'espace de stationnement des camions de restauration et à un espace ouvert pour les soins des chiens.

Située sur 186 000 m2, l'usine de fabrication a été conçue avec la capacité d'effectuer des mises à niveau progressives à mesure que le système évolue. Les moteurs fabriqués seront testés au NASA Marshall Space Flight Center sur le banc d'essai historique 4670