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L'ESPACE SOVIETIQUE

LE DEBUT DE L'ASTRONAUTIQUE SOVIETIQUE

Le début de l'astronautique soviétique diffère des débuts américains. Après la révolution de 1917, les travaux du grand savant Tsiolkowsky ne sont pas mis aux oubliettes, mais servent de base à divers groupes d'études sur la propulsion de fusées.

Au début de la seconde guerre mondiale, le niveau des soviétiques est le même que celui des allemands. Mais ces derniers de part le traité de Versailles de 1919 leur interdisant de développement une force de frappe se sont lancés dans le développement d'armes nouvelles, les fusées. Les V2 étaient des fusées lourdes, peu précise (2 km), avec une charge moyenne (1 tonnes) et très chère en rapport d'armes "conventionnelles" comme un bombardier bimoteur. L'effort de guerre russe quand à lui va à l'armement classique.

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Ce cap change après Hiroshima, l'URSS découvre que le vecteur "fusée" peut permettre le transport de charges nucléaire à la place d'explosifs classiques. 

Mars 1945, l'étau se resserre autour de l'Allemagne. Sur le front oriental, les soviétiques progressent à grands pas: dans les faubourgs de Varsovie, le général Kourotchkine prends possession d'un polygone de tirs des missiles allemands, Peenemünde au bord de la mer Baltique. Cà et là des restes de V2 éparpillés. Mais les installations ont été laissé vide trois semaines plus tôt. Le butin est maigre surtout que les installations importantes sont sous contrôle Américain. 
Le numéro un soviétique Staline est impatient, il veut ses armes avant les américains et les savants qui vont avec. Il exige que les meilleurs scientifiques soviétiques ce mettent à la tache. Serguev Korolev, emprisonné depuis 1938 pour trahison est fait libéré afin de coordonner les nouveaux travaux. 

Avec les accords de Yalta, l'Allemagne est recoupée, les centres importants comme Nordhaussen, Bleicherode sont maintenant sous contrôle soviétique. Mais si les centres sont là, les "têtes pensantes" n'y sont plus, parties avec les Américains après d'alléchantes propositions (opération Paer Clip). 

De nombreux techniciens et ingénieurs regroupés par Helmut Grottrup et l'ingénieur Martin se mettent au travail en Allemagne en relançant les chaînes de production. Malgré un accord leur garantissant un travail en Allemagne, le groupe de 5000 personnes est "rapatrié" de force en octobre 1946 par train en Union Soviétique. Arrivés à bon port, ils se mettent au travail pour reconstituer les unités de production de V2 et étudier les successeurs. Leur rôle s'arrêtera là: après avoir assimilé leur connaissance, ces savants seront renvoyés en Allemagne au début des années 50.

L'équipe qui va gérer et tenir dans ses bras le programme spatial soviétique se constitue. L'institut de recherche Rabe (Raketen Bau) crée quelques mois auparavant est rebaptisé Institut des systèmes de guidage. Korolev en est le principal patron. Le motoriste Glouchko installe les bancs d'essai pour les moteurs du V2 à Lehesten.
Michine, par un extraordinaire concours de circonstance arrive avec les plans du V2. Ils sont aussitôt traduits et décortiqués.

Fin 1945, les premiers résultats arrivent: un train laboratoire est en construction et au banc des essais de moteurs sont réalisés avec succès. 

Un plan quinquennal est mis en oeuvre sous la direction de Staline sur la période 1946-50, pour "le développement de travaux visant à améliorer la technique de la réaction en vue de mettre au point de nouveaux moteurs, plus rapides et plus puissants". Le département des fusées, le NII 88 est officiellement installé dans l'usine d'artillerie de Kaliningrad, aux environ de Moscou en mai 1946. Dans cet institut se regroupent trois départements, pour reconvertir la production de fusées, la conception des fusées à long rayon d'action et la mise au point de matériaux, des carburants et systèmes de mesure. Korolev est le chef du département des fusées à longue distance. Il crée un comité des constructeurs qui va devenir le cerveau de l'astronautique soviétique, un interlocuteur principal avec le parti.

1947, un polygone de tir est en construction dans la steppe entre la Volga et la rivière Akthouby. Il permet de lancer les fusées vers l'Est profitant de la rotation de la terre.  Des milliers de travailleurs forcés participent au chantier sous la haute responsabilité et la surveillance des autorités. 

Le premier exemplaire d'une copie "améliorée" de la V2, baptisée R1 est sur son pad. Tous les responsables sont là venus de Moscou. La fusée s'élève monte en altitude puis s'incline en direction de la ville de Saratov. Heureusement, la distance parcourue par l'engin n'est que de 213 km. 10 autres fusées sont lancés dans les mois qui suivent avec 5 succès.

Une nouvelle version est fabriquée et lancé dans l'automne 1948 avec 9 succès. Déjà, Korolev planche sur les générations suivantes, mais le R2 n'est encore qu'une copie de la V2.

La R1

       

La R12D, R2 et R2A

Avec les V1A "géodésique", les soviétiques explorent la haute atmosphère. Des petites charges de 80 kg sont envoyées à une centaine de mètres d'altitude. Des capsules climatisées sont aussi récupéré avec à bord des petits animaux. La coopération bat son plein avec l'Académie des Sciences et les militaires. On recensera 18 tirs en 5 ans.     

Le 29 août 1949, la première bombe Atomique soviétique est testé dans la steppe du Kazakstan. La bombe H suivra en août 1953. Mais ces bombes sont encore très lourdes. Une version pour bombardier sera testée en novembre 1955, elle pèse 6 tonnes.

La commande des autorités de développer une fusée capable de transporter ces bombes sur des milliers de km est pressante: Korolev doit encore une fois extrapolé la V2 et dessine la R3. 5 fois plus puissante, elle se heurte au mur de la technologie. 

Mars 1953, Staline meurt. Korolev (membre du parti depuis peu) travaille avec un nouveau venue M Yangel, un ingénieur de l'aéronautique. Cette coopération "forcée" n'est pas du goût de Korolev qui sans cesse va mettre des battons dans les roues de son camarade. Yangel propose d'utiliser le couple acide nitrique kérosène comme propergol des fusées. Korolev lui préfère le couple LOX kérosène, créateur d'une plus grande IPS mais qui à l'inconvénient de rapidement s'évaporer.

La portée des fusées devenant plus grande, les soviétiques changent de bases de lancement. De Kapustin Yar, ils descendent au Sud à Tyura Tam dans les steppes de Kazakstan. De 1955 à 1956, des millions de m3 de terre sont déplacés afin de créer une gigantesque plate-forme de lancement pour la commande du conseil des ministre un missile intercontinental MBR, la R7.

La conception de cette fusée est originale: un corps central équipé de moteur RD 108 accolé de quatre accélérateurs équipés eux de moteurs RD 107, une disposition dite en "paquet" déjà exposé par les savants en 1948. Le moteur est conçue par Glouchko. Tenant compte de l'échec de la R3 et de l'impossibilité de développer des moteurs de fortes puissances, il dessine un moteur multi-chambres alimentés par la même turbopompe. Le moteur RD 107 il possède 4 tuyères alimenté par 4 chambres brûlant de l'oxygène liquide et du kérosène et développe 102 tonnes de poussée. Pour le pilotage pas de cardans, comme sur les moteurs US, un système de mini-tuyère de faible poussée alimenté par la chambre principale. Ce moteur est très robuste, le fait d'avoir 4 chambres et 4 tuyères permet un fonctionnement en deçà des limites de résistance des matériaux. Le groupement de ces moteurs en blocs permet de réduire la masse de l'étage en augmentant la poussée totale. 

La fusée R7 développe ainsi 500 tonnes de poussée avec pas moins de 32 chambres de combustion. Le projet est "monumental" mais à l'image du défi des autorités: lancer une bombe H de plusieurs tonnes sur des milliers de kms.

PREMIER SATELLITE

Juillet 1955, les scientifiques de nombreux pays vont organisés l'année géophysique internationale sur une période de 18 mois entre 1957-58. Les américains se disent près à envoyer dans l'espace de petits satellites. L'URSS est elle aussi prête pour réaliser la même chose, mais en plus gros. Leonid Sedov, porte parole de la délégation soviétique et membre de l'académie des sciences  présente un rapport sur les opportunités de l'année 1957: Anniversaire du centenaire de la naissance du père fondateur de l'astronautique soviétique Constantin Tsiolkovsky, quarantième anniversaire de la révolution d'octobre et l'année géophysique internationale.    

L'URSS dispose de missiles de portée moyenne (2000 à 3000 km) et essaie son premier missile intercontinental, la R7 (8000 km). Korolev propose d'équiper cette même R7 pour lancer un satellite autour de la terre. Un bureau de construction spatial est crée, l'OKB 1. En janvier 1956, la décision de construire un satellite lourd , l'objet D est prise. Elle est confirmé en septembre par le Comité central et l'académie des sciences. 

Janvier 1957, comme il devient évident que le satellite lourd (1350 kg) ne sera pas prêt à temps, Korolev abandonne son projet pour un satellite simplifié PS 1 (Prostieichii Spoutnik), une simple sphère de 80 cm de diamètre et 50 kg équipé d'un émetteur radio ondes courtes d'une durée de vie de 10 jours.
En mai, le Kremlin donne son feu vert pour le premier essai de la R7 (L1-5). Malheureusement, ce sera un échec. Le 15 mai, après de nombreux reports du à la météo et aux derniers problèmes techniques, la fusée décolle, mais déviant de sa trajectoire, elle explose 300 km plus loin.
Le second essai a lieu le 12 juillet, mais un court circuit dans une batterie fait explosa la fusée après 40 s de vol. Il faut attendre le 3eme tir (L1-8) le 25 août pour connaître le succès. Après séparation , l'ogive expérimentale rentre dans l'atmosphère et retombe à l'endroit visé. L'URSS annonce qu'elle dispose désormais son missile ICBM. Les américains devront attendre le 17 décembre pour réaliser pareille exploit avec un missile Atlas. Un second succès le 7 septembre en présence de Khrouchtchev qualifie la fusée.
Fort de ce succès et des suivants, Korolev travaille sans relâche à la conception du PS 1. Le 24 juin, il arrive à Tyura Tam. En août, les essai d'intégration avec la R7 ont lieu. Le 20 septembre, la commission d'état fixe le lancement pour le 5 octobre.

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Début octobre, radio Moscou annonce le lancement imminent d'un satellite et donne les fréquences radio pour suivre l'engin autour de la terre. 
Le 4, tout est prêt à Tyura Tam. Il est 22 h 28 mn 34 s heure de Moscou quand la fusée R7 s'élève de son pad de tir. 5 minutes plus tard, le premier satellite artificiel est sur orbite. Il s'appelle Spoutnik.

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Lorsque Spoutnik est lancé, le monde est stupéfait et les américains abasourdit. C'est un nouveau Pearl Harbourk. L'URSS sous-estimé par les américain devient la première puissance technologique. la guerre de l'espace vient de commencer...

Khrouchtchev en veut encore plus. Deux semaines après Spoutnik, il appelle Korolev et demande, ordonne un nouvel exploit pour le 40eme anniversaire de la Révolution. A l'OKB, rien n'a été prévu. Sortant de son "chapeau magique" une idée, il propose le lancement d'un "objet biologique". Le 3 novembre, c'est le lancement de Spoutnik 2, d'une masse de 508 kg, la douche est glacée pour les américains. A son bord, un être vivant la petite chienne Laika. Enfermé dans une capsule hermétique du type de celle utilisé lors des vols géophysiques, elle ne survivra que 8 jours.

Pour Korolev, c'est la gloire, mais une gloire secrète. Personne ne doit savoir qui il est , ni son nom, ni sa fonction. Assigné en URSS, il ne peut savourer son succès. Des savants russes en voyage se voit attribuer ses mérites. Ainsi le professeur Sedov est considéré comme le "père" du Spoutnik. Il reçoit le prix Nobel à Moscou à la place du constructeur.

PREMIER VERS LA LUNE, VENUS, MARS... 

Ayant la confiance de Khrouchtchev, Korolev réorganise son service et OKB avant de se lancer dans deux nouvelles directions: les missions automatiques (la lune et les planètes) et les vols habités. La R7 de base ne permet pas ce genre de mission. Lancer une cabine habité 5000 kg ou communiquer à une sonde une vitesse de 11 km-s lui est impossible sans l'adjonction d'un étage supérieur. Korolev commande au constructeur Kosberg un étage LOX et kérosène appelé Block E. La carrière de la R7 passe désormais dans le civil, les militaires l'ayant finalement refusée trouvant sa mise en oeuvre trop longue. 

La lune, Mars et venus sont sont les astres les plus observés par l'homme à l'oeil nu depuis les anciens temps. L'invention de la lunette par Galilée en 1610 et du radar en 1945 a permit d'étendre le champ d'observation  et de poser de nombreuses questions sur ces corps célestes. Le prochain pas sera l'envoi de sondes automatiques in situ. Trois voies sont ouvertes: des missions de durée très courtes avec des sondes approchant le corps célestes pour s'y écraser dessus ou passer au delà; des missions avec dépôt d'instrumentation sur la surface ou mise en orbite et des missions permettant le retour d'échantillons sur terre. En 1958, Korolev vise la lune et lance le 2 janvier 1959, Luna 1, une sonde de 361 kg. Celle ci animé d'une vitesse de 10 km-s passe à coté de notre satellite naturel à 6000 km de distance 30 heure plus tard. Accroché par le soleil, Luna 1 devient le premier satellite artificiel du système solaire. Le 12 septembre suivant, Luna 2 est lancé à son tour et s'écrase sur la lune à 3 km-s dans la mer de la Sérénité. Avec Luna 3, l'URSS vise la face cachée de notre satellite. Le 4 octobre 1959, il passe à 7900 km de son centre et prend une série de photos qui feront le tour du monde. Un premier "atlas lunaire" est réalisé en 1960. il faudra attendre 1965 et Zond 3 pour "boucher" les trous laissé par Luna 3. 

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Après la lune, Venus et Mars. Le 12 février 1961, une sonde est lancé vers Vénus, Venera 1. Développé par les équipes de Korolev, Venera 1 (650 kg) passe à 100 000 lm de la surface brûlée de venus le 20 mai sans émettre le moindre signal. Une autre tentative aura lieu en 1965 avec succès cette fois.

Développé à partir du Venra, la sonde Mars 1 (900 kg) est lancé le 1 novembre 1962 vers la planète rouge. Malheureusement, les communications sont perdues le 21 mars 1963 à 106 millions de km de la terre. La sonde pass muette à 197 000 de Mars le 19 juin.

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Les études sur le vaisseau habité donne naissance à un véhicule équipé d'un module de service largable et d'une cabine sphérique pour le retour dans l'atmosphère, le Vostok. 

...ET PREMIER HOMME DANS L'ESPACE

1960, tous les systèmes et sous systèmes sont testés (système d'éjection du cosmonaute, scaphandre, instrumentation de bord...). Le réseau de poursuite au sol est complète afin de suivre l'évolution du vaisseau spatial.  Le moteur de freinage du Vostok est développé par Milhailovitch et testé en décembre 1959.

Des cosmonautes sont sélectionnés parmi les pilotes de l'armée. 3000 candidats répondent à l'annonce, 102 se rendront à Moscou pour des tests et 20 resteront. Pour les entraîner, on construit un centre en janvier 1960 près de Moscou, le TsPK. Le colonel Karpov sera le premier directeur. Cette "cité des étoiles" accueille les premiers candidats dans l'été. Ils sont 6: Youri Gagarine, Guerman Titov, Grigori Nelioubov, Andrian Nikolaiev, Pavel Popovitch et Valery Bykovsky.   

   

Voici la véritable photo des 8 premiers cosmonautes sélectionnés en 1960 en URSS au coté de Korolev (devant le second à gauche). Longtemps les occidentaux ne verront qu'une version "modifiée" sans le 8eme homme, habillement effacé par les responsables. Nélioubov fut en effet  chassé du groupe pour égoïsme. Il se tue en 1966 sous un train en Extrême Orient.

Le premier essai du vaisseau Vostok a lieu en mai 1960 mais sans succès. Il faudra attendre août. 
Le 20, les soviétiques réussiront la récupération des chiennes Bielka et Strelka.

Ce succès ouvre la voie à l'envoi d'un homme dans l'espace. Korolev le propose aux autorité qui l'acceptent. Ce sera pour fin 1960. Mais l'explosion d'une fusée R16 pendant les opérations de remplissage le 24 octobre à Tyura Tam retarde l'échéance. On comptera officieusement 150 morts. L'URSS annoncera dans un communiqué la mort de certaine responsable dans un accident d'avion...

Après enquête, il s'avèrera qu'un parasite est à l'origine du drame. Il commanda l'ouverture d'une vanne et à l'allumage du moteur du second étage. Le feu ayant gagné les réservoirs du premier étage, le lanceur explosa.

Après deux autres essais avec des chiens en décembre 1960 et mars 1961 (un échec et un succès), l'autorisation est donné pour le vol d'un homme en avril, entre le 10 et le 20. deux vaisseaux sont sur le site de lancement, les cosmonautes prêts. Le vol durera une révolution, avec atterrissage dans le Kazakstan. Tous les systèmes seront doublés à l'exception de la rétro-fusée. Mais l'orbite choisit permettra un retour"naturel" au bout de 7 jours.

La grande commission d'état présidé par le maréchal Rudnev sélectionne un candidat parmi les 6 cosmonautes. Titov est le plus brillant mais c'est un fils d'instituteur. Les faveurs de Khrouchtchev et Korolev vont sur Gagarine, fils d'ouvrier. C'est lui qui sera le premier homme dans l'espace.

Le 12 avril 1961, 5 heures du matin, Gagarine et sa doublure Titov sont réveillés. 7 heures, il est allongé dans le Vostok 1.

9 h 07, Korolev annonce: "allumage", Gagarine répond: "On y va"...