L'ESPACE CHINOIS
Le mercredi 15 octobre 2003, après l'Union Soviétique en 1961 et les Etats Unis en 1962, la Chine devient le troisième pays à mettre en orbite un homme par ses propres moyens. L'événement salué par tout le monde est de grande importance. La Chine, puissance spatiale depuis 1970 essaie depuis près de 10 ans de montrer sa présence sur le marché commercial des lanceurs avec ses "Longues Marches". Le succès du vol habité de Shenzhou 5 devrait renforcer son offre auprès de ses partenaires occidentaux. de même, la Chine cherche une coopération avec les occidentaux. Après Galileo, elle pourrait se tourner vers l'ISS. Le vol de Shnezhou est pour le pays l'occasion de resserrer les liens du patriotisme, de tenir son peuple. Le coté militaire enfin ne semble pas oublié. Shenzhou préfigure peut être un grand programme de station orbitale à vocation militaire. Comme les autres nations, la Chine tente à développer un programme civil et militaire d'observation de la terre et de communication par satellite. La venue de cette troisième puissance dans le club très fermé des vols habités relègue la "vieille" Europe au vestiaire. La France et l'Allemagne, les deux pays moteurs de l'Europe spatiale ont raté le coche fin des années 80, début des années 90 avec le programme Hermès. Espérons que cette "petite gifle" permettra de redonner du punch à nos décideurs et dirigeants. La Chine est une puissance spatiale de premier
ordre, puisqu'il y a 200 ans avant notre aire la poudre a été inventé. Elle a
permit 12 siècles plus tard de réaliser la première fusée, une flèche à
feu.
Les premiers bruits sur une première
satellisation commencent à courir dès 1955. A cet époque le coopération
avec l'Union Soviétique bat son plein et rend crédible la mise au point d'un
engin rapide spatial. Que cela ne tienne, le gouvernement adopte dès 1956 un plan pour promouvoir l'espace en Chine. Ce plan, le "Plan de douze ans pour le développement de la science et de la technique" et son application concerne entre autres le secteur astronautique. Le pays possède d'abondantes ressources en matières premières et dispose d'une main d'oeuvre volontaire pour toutes sortes de travaux. Le pouvoir politique souhaite maintenant transformer l'empire du milieu en grande puissance industrielle. 1957, la "Mission 581" est initiée. Son objectif est la conception et la mise au point d'un lanceur. Les 10 ans de "coopération" avec l'URSS ont permit aux techniciens et savants chinois de développer une culture de base. Les rumeurs se concrétisent aussi par des informations sur la construction à partir de 1958 d'une base de lancement dans le N-O du pays, au bord du désert de Gobi, près de la ville de Shuang ch eng tzu (40°25 N et 90° 50 E) en Mongolie intérieure. Ces installations situées de part et d'autre de la rivière Jo Shui furent initialement prévues pour des missiles à courte et moyenne portée dérivé des V2 allemands, inspirés des réalisations soviétiques, le lanceur CSS 1. Ces missiles devront être le vecteur de charges nucléaire. 1964, première explosion nucléaire chinoise, les services secrets occidentaux sont informés de la réalisation d'un missile IRBM. Le 27 octobre 1966, le missile en question est utiliser pour expédier à 650 km de distance, près de LopNor, la 4eme bombe A chinoise. Pour les occidentaux, la Chine a énormément appris notamment sur les fusées, des techniciens chinois ont d'ailleurs été formé en Amérique, en URSS et le Grande Bretagne. Le pas pour passer du missile au lanceur étant petit, les américains s'attendent à un lancement de satellite en 1968. Ce satellite, c'est le projet 651 initié en août 1956 et dénommé SKW 1, l'orient est rouge. Son développement a lieu en pleine révolution culturelle qui voit le pays s'agiter en tout sens. Heureusement, il peut se faire à l'abri des troubles de la rue. 1968, une première tentative est tenté, probablement le 1er novembre mais apparement c'est un échec. La radio devait annoncer un "grand évènement", mais il n'en fut rien. De même des affiches placardées la veille sont aussitôt retirées. Il faut attendre 1970, le 24 avril pour que Chine 1 Dong Fang Hung 1(DFU-1) soit placer sur orbite par un lanceur chinois baptisé Longue Marche 1 Chang Zheng CZ 1. La République Populaire de Chine devient alors la cinquième nation à accéder à l'espace, 13 ans après l'U.R.S.S, mais seulement 2 mois après le Japon. D'une masse de 137 kg, il "navigue" sur une orbite assez élevée. Il émet sur 20,009 MHz quelques notes de la chanson "l'Orient est rouge", un chant folklorique de la province de Shensi. Le lanceur CZ 1 est une fusée de 81 tonnes dérivée du missile CSS 3. Doté de trois étages à propergols liquide, il mesure 29,4 m de hauteur pour un diamètre de 3,35 m (étages de bases). Sun Jiadong (à droite), le concepteur du premier satellite chinois.
L'espace habité intéresse la Chine. Comme de coutume, les animaux ouvrent la voie humaine : des rats volent dès 1964 à haute altitude, puis des chiens explorent l'espace en 1966. Un pas important est franchi à la fin des années 60 avec l'ouverture à Pékin de l'I.M.I.S., institut chargé d'étudier la médecine spatiale. A partir de 1970, un programme de vol habité humains est lancé à renfort de publicité officielles mais il est rapidement abandonné par manque de moyens. Jusqu'à la fin de la révolution culturelle et le début des réformes, les lancements se feront rares. L'espace n'est plus une priorité pour le pays, qui doit se restructurer économiquement. On notera quand même 3 échecs de lanceurs CZ 2 Le troisième satellite chinois est lancé en juillet 1975 par un nouveau lanceur le CSL 2C Longue marche 2. Ce lanceur mesure 35 m de haut pour 191 au décollage. Le lanceur réalisera 14 tirs jusqu'en 1993 sans aucun échec pour lancer des satellites chinois. 1976, Mao Zedong se retire du pouvoir remplacé par Deng Xiaoping en 1978. la Chine laisse son coté révolutionnaire et assume de nombreux changements institutionnels et économiques. L'idéologie Marxiste est conservée mais , le pays s'ouvre à l'occident après 20 ans d'enfermement. 1980, la Chine adhère au Fonds Monétaire International et ouvre des zones économiques spéciales sur le littoral permettant d'attirer les investisseurs étrangers. 1981, le lanceur de première génération FB 1 Feng Bao-1 après 11 tirs dont 4 échecs. 1984, la Chine se dote d'une seconde base
spatiale à Xichang pour les lancements de satellites géostationnaires et de
nouveaux lanceurs. Le CZ 3
Longue Marche 3 est lancé une première fois le 29 janvier pour lancer le
premier satellite de télécommunication chinois, qui malheureusement ne pourra
être utilisé. Le troisième étage ne peut mettre le satellite sur la bonne
orbite suite à une panne du générateur de gaz. Le CZ 3 ressemble étrangement à Ariane 1 par ses dimensions et son aspect. La fusée à 3
étages, mesure 43 m de haut pour une masse de 202 tonnes. La capacité orbitale
est de 1300 en GO. 1985, la Chine vend ses premiers lanceurs aux occidentaux. La Swedish Space Corp en octobre signe un accord avec la Chine pour lancer son satellite de télécommunication Mailstar (100 kg) avec un CZ 2 (4,1 millions $) en 1988-89. En 1986, un second client est signé, la société US Teresat pour lancer Palapa B2 et Westar 6 en 1987. Ces satellites lancés en 1984 par le Shuttle était resté sur son orbite basse et avaient été récupéré par ce même Shuttle, ramenés sur terre pour être relancés. Les lanceurs CZ vendues aux occidentaux le sont à des prix "préférentiels" 15% inférieur aux marché. 1987, le programme spatial habité reprend lors d'une mission où des espèces végétales sont envoyées dans l'espace puis récupérées. 1988, une troisième base est inaugurée à Taiyuan. Un premier lancement a lieu le 6 septembre 1988 avec un CZ 4, version destiné à placer des charges en orbites GEO ou polaire. 1990, un nouvel envoi de satellite contenant des plantes et des animaux est réalisé, FSW-1. Le premier tir de la nouvelle CZ 2 est réalise en juillet 1990 pour placer Badr 1 du Pakistan et un lest de 7 tonnes. Le CZ 2E est le plus puissant des Longues Marche avec les deux premiers étages allongés et l'adjonction de 4 boosters liquides (2,25 m de diamètre et 37 tonnes) accolés au premier étage. Le lanceur pèse 460 tonnes au lancement et peut placer une charge de 8 tonnes à placer en orbite dans une coiffe de 12 m de haut. Un CZ3 lance un satellite construit par une firme US, Asiasat 1 depuis Xianchang le 8 avril. 1992 apparrait le fameux projet 921 apparemment
consacré à l'homme dans l'espace avec 20 ans après des bases plus solides.
Ce nouveau programme est d'autant plus viable que
les Chinois ne comptent pas le mener seuls. En effet, dès 1993, les Chinois
s'intéressent de près aux installations spatiales russes. 1993, second échec avec la perte de contrôle
du satellite militaire FSW 1-5 peu après son lancement. En 1994 est lancé un nouveau satellite
contenant des animaux, FSW-2. 1995, le satellite Apstar 2 est détruit lors
du tir raté d'un CZ 2E en janvier. 1996, les chinois ont déjà en commande 9
contrats de lancement signés depuis 1988. Cet année là, la Chine avait
signé un accord avec les américains permettant de ne pas vendre des tirs à
des prix inférieur de 7,5% aux tarifs du marché. Ces contrats doivent
permettre de lancer des CZ pour les satellites Optus B1, B2, B3, Apstar 1 et 2,
Asiasat 1 et 2, Echostar 1 et Intelsat 708. D'autres contrats sont en
négociation pour les satellites Iridium, Intelsat 8 et une trentaine de charges
d'ici 2000. Mais le 14 février, la première fusée CZ 3B explose peu
après son lancement de Xichang détruisant le satellite Intelsat 708 construit
par Loral. C'est le 3eme échec d'un lanceur chinois en 38 mois (décembre 1992
et janvier 1995) depuis que la Chine commercialise ses lancements. La perte est
de 200 millions $ selon la compagnie d'assurance.
Boeing est accusé par l'administration de transfert de technologie vers la Chine. Loral accepte de payer une amende civile de $14 millions au département d'état sans admettre ou nier les accusations du gouvernement. Août, le lancement d'une fusée CZ 3 échoue causant la perte du satellite Chinasat 7. C'était son 11eme tir depuis 1984. Cet échec intervient après celui de février avec une CZ 3B. La fiabilité des lanceurs chinois baisse considérablement depuis 1990 et le début des vols commerciaux (15 tirs GEO avec 66% de réussite). Pour la première fois le congrès mondial de
la Fédération Internationale de l'astronautique IAF se tient en Chine. A cet
occasion, la Chine fête ses 40 ans d'industrie spatiale. La Chine a lancé 42
fusées dont 37 avec succès. Les lanceurs sont en fait en compétition entre le CASC et la CALT. La China Aerospace Corp CASC dispose de groupes industriels comme China Jianquan Space Industry, Sichuan Aerospace Industry, China Sanjiang Space Group et Shaanxi Lingnan Machenery Cie, et la compagnie d'exportation China Great Wal Indsutry Corp. La CALT a réalisé tous les moteurs des lanceurs à savoir 5 modèles (déclinés en YF 1, 2, 2A, YF 3, YF 21, YF 22, YF 40) dont 2 cryogéniques (YF 73 et 75). La Chine propose pas moins de 8 lanceurs CZ 1 (2 tirs), CZ 2C (14 tirs), CZ 2D (2 tirs), CZ 4A (2 tirs), CZ 2E (7 tirs), CZ 3 (11 tirs), CZ 3A (2 tirs) et CZ 3B (un tir). Le FB 1 a été abandonné après 8 tirs. deux autres lanceurs sont en développement les CZ 1D et 3C. La SAST crée n 1961 est un concurrent de la CALT et du CASC qui a géré les lanceurs FB 1 (trois tirs) abandonné pour le CZ 2. L'infrastructure au sol est géré par la Commission of Science technology & Industry fot National Defense COSTIND. Elle contrôle les trois centres de lancement de Jiunquan (orbites LEO), Xichang (orbite GEO) et Taiyuan (orbite SSO). Le réseau de poursuite China Satellite Launch & Tracking CLTC crée en 1966 regroupe le centre de Beijing BACC, les trois navires de poursuite et le centre des satellites de Xian. Le rapprochement Chine URSS devenu en 1991 la Russie se concrétise en 1996 avec les accords de coopérations signés entre les deux pays. Ceux-ci permettent à la Chine d'acquérir rapidement des technologies spatiales, mises au point et rodées par les Russes. Ces accords expliquent les ressemblances et points communs entre Soyouz et le vaisseau habité Shenzhou. La coopération avec la Russie comprend également l'accès aux Chinois aux installations d'entraînement russes. Ainsi, en 1997, Wu Tse et Li Tsinlung débutent un entraînement d'un an à la cité des étoiles. L'objectif est de faire d'eux, non pas des cosmonautes mais des formateurs, qui pourront à leur tour instruire les futurs "taïkonautes", nom donné par la Chine à ses explorateurs spatiaux. 1998, après la mort de Deng Xiaoping, un nouveau gouvernement est mis en place. La croissance se poursuit. La Chine reste communiste mais doit s'ouvrir au monde extérieur et se rapprocher de l'occident. Le 14 février, le premier tir du lanceur CZ 3B tourne au drame. Déséquilibré par un problème de gyroscopes, le lanceur s'incline dès le départ frole la tour et finit sa course sur un village voisin occasionnant plusieurs victimes. Cette version voit le premier étage renforcé et allongé pour permettre la fixation de 4 boosters du mlême type que le CZ2 E. La coiffe est plus grande afin d'emporter des charges de 5000 kg en GTO. En même temps, la Chine construit ses Shenzhou et c'est ainsi que le 17 mars 1998, la C.A.S.T., China Academy of Space Technology, annonce la mise au point d'un vaisseau spatial. La Chine est donc devenu une puissance spatiale à coté de l'occident et de la russie. En novembre 1999, le lancement du premier Shenzhou inhabité a célébré le 50eme anniversaire la République Populaire de Chine et 40 ans d'efforts continus. Au 1er octobre 2003, la Chine a lancé 62
satellites autour de la terre dont 37 sont toujours en service. La grande
majorité est connue sous le nom de
Dong Fang Hong "L'orient est rouge" ou Chine simplement. Pas beaucoup
de détails ont été donné sur ces satellites. 53 ont été lancé depuis
1970. A cela s'ajoutent les satellites de télécommunications Apstar (3
lancés), Asiasat (5 lancés) Chinastar 1 et le satellite Tsinghua lancé
par un lanceur soviétique en juin 2000. Après 4 vols non habités, la Chine rentre donc dans le club très fermé des nations capable d'envoyer un homme dans l'espace le 15 octobre 2003...
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