La zone de
lancement d’Ariane 5 est le point de décollage du lanceur. C'est dans cette zone que se déroule, pendant 6 heures (H-6H), la phase
finale de la chronologie et le lancement d'Ariane 5 contrôlés à distance
depuis le Centre de lancement N°3 (CDL3). Le lanceur est amené en général la
veille du vol. A H-6 heures, le lanceur est préparé, les portes fermées, les
sécurités retirées, les circuits de remplissage mis en configuration, le
programme de vol chargé, les centrales inertielles alignées et les liaisons
hertziennes avec le CDL contrôlées. A H-5 heures commence le remplissage de
l'étage EPC en propergols cryogénique (pressurisation des stockages sol, mise
en froid des lignes, remplissage proprement dit en 2 heures et complément
jusqu'au H-6 mn) et la pressurisation des systèmes de pilotage et de commande
GAT et GAM. A H- 4 heures, l'étage ECA est remplit (pressurisation des
stockages sol, mise en froid des lignes, remplissage proprement dit en 2 heures
et complément jusqu'au H-3 mn 40). Le moteur Vulcain est mise en froid à H- 3
heures. La séquence synchronisée est lancé à H- 7 mn. Elle est pilotée de
façon automatique le Contrôle Commande Opérationnel (CCO) de l'ELA3 qui
amène progressivement le lanceur en configuration de vol. Toute interruption
jusqu'à H-6 seconde ramène la séquence à H- 7 mn. De H-6 seconde à H+3
seconde, la séquence fonctionne sur l'horloge interne du lanceur qui allume le
moteur vulcain et autorise l'allumage des EAP.
La conception de cette zone est entièrement nouvelle et
comportait pour les premières versions Ariane 5 d'un minimum
d'installation (absence de portique mobile de servitude, tour ombilicale
entièrement intégrée à la table de lancement) afin d'être la moins
vulnérable possible en cas d'accident. Il a fallu adapter ces installations
pour les autres versions d'Ariane 5 avec la construction d'une tour CAZES
destinée à l'alimentation de l'étage supérieur cryogénique.
La Zone de
Lancement vue par le NE et N et dessin d'implantation.
L'accès de la Zone de Lancement 3 se fait par derrière en longeant la route
qui délimite le CSG et le zone elle même. On arrive en vue de la tour Cazes
avec le château d'eau à droite. La ZL3 est orienté Nord Est, avec la tour en
Sud Est, le chemin de roulement en Sud ouest et les carneaux en Ouest et Nord.
La ZL se concentre autour d'un massif en béton sur lequel
vient s'ancrer la table de lancement. Elle se positionne contre une
structure bétonné abritant les moyens de mesure, les interfaces fluides et
électriques et qui sont connectés à la table. Elle est surmontée d'une tour
métallique faisant office de paravent. Cette tour rudimentaire a été habillé en
2000 pour assurer le remplissage de l'étage
cryogénique des Ariane 5 Evolution. Lors des études pour déterminer
les ambiances dynamiques sur le lanceur au sol, les ingénieurs se sont aperçus
qu'il y avait un risque de résonance entre le mat ombilical et l'étage EPC
quand le vent venait d'une direction particulière (phénomène de Galop,
vibrations dans le sens perpendiculaire au vent, par analogie avec les
mouvements latéraux exercés par un cheval au galop), potentiellement très
sévère. Pour casser cette résonance, on a ajouté cette tour avec 5 panneaux
transverses dont la finalité est de casser le risque de résonance entre la
tour et le lanceur. Cette tour c'est la tour Cazes, du nom de sa conceptrice Valérie
Cazes. (les initiales voulant aussi dire Correction Aérodynamique en Zone ELA
...Superflue). Cette tour sera habillée avec le système de gestion de l'étage ECA dans l'été 2000,
le "superflue" prend alors son sens ! Elle est rehaussée en 2001-2002 avec l'ajout d'une 6eme
traverse afin de s'adapter à la nouvelle hauteur d'Ariane 5.
La ZL3 avec la structure paravent
juste après le vol 501 en juin 1996
Mars 200, vue de la construction de la tour "Cazes"
alors que Ariane 505 V128 attend sur le pad
Afin
d'évacuer le plus rapidement les gaz de combustion des moteurs du lanceur, des
déflecteurs de flammes ont été construit. Les trois carneaux destinés au
moteur Vulcain et aux deux EAP sont construits en béton. La dalle de surface
sur laquelle repose la table de lancement est à 7,7 m au dessus du niveau de la
mer. La dalle de fond sous les carneaux est à moins 5 m.
Après le vol 503, des extensions ont été rajoutés au carneau EAP pour réduire le
bruit de 6 dB. Ces extensions mesurent 30 m de long sur 22 de large et 11 m de
hauteur.
Les dimensions
intérieures des carneaux EAP sont 10,7 m de hauteur pour 8 m de largeur en
moyenne et 55 m de long sans les extensions. Ils ont été construit par
Vinci.
Schéma d'implantation des
carneaux en ZL3. Les carneaux après le vol 501 en 1996 (photo Pierre François
Mouriaux)
Les carneaux EAP à l'automne 2006
Le carneau du moteur Vulcain est
situé au centre de la dalle de surface et débouche à quelques mètres devant
la table sur 43 mètres. Le début de ce carneau, à travers la table de lancement, est
métallique. Il est appelé la queue de langouste en raison de sa structure
tronçonnée. A l'entrée de ce trou, on voit une grand nombre de petites buses
d'injection d'eau, celles-ci servant à refroidir la queue de langouste et à
atténuer le bruit du jet.
Lors des essais du moteur au banc au
milieu des années 1990 avec le bâti lourd ou l'étage EPC de qualification qui
pouvaient durer jusqu'à 10 minutes, comme pour un vrai vol, il a fallu
construite un déflecteur que l'on refroidissait par eau. Le déflecteur n'a jamais été enlevé, mais
il n'est plus refroidit par l'eau.
L'entrée des 3 carneaux du moteur
Vulcain et des EAP avec au centre, vue sur la fosse d'évacuation des gaz des
EAP.
Le moteur Vulcain est allumé 7 secondes avant les EAP, donc avant le décollage.
Son panache blanc constitué essentiellement de vapeur d'eau s'élève haut
avant le décollage proprement dit. Cette impression est fortement accentuée
par l'injection d'eau par les déluges (20 tonnes/s) qui se vaporise
instantanément sous l'effet de la chaleur.
La montée en pression des EAP suite à l'ordre
d'allumage prend environ 350 ms. Le décollage proprement dit intervient dès
que la poussée est supérieure au poids du lanceur ce qui intervient environ
180 ms après l'ordre d'allumage. Lors du décollage du lanceur, la puissance
des jets est d'environ 19 GW, soit la moitié de la puissance totale du parc
électro-nucléaire français. Le bruit au décollage est d'environ 170 dB
mesuré au pied des EAP (Ignition OverPresure) et la température de 3000°C.
On note une concentration significative de HCl /
CO / CO2 / Al2O3 dans un rayon de 500 m autour de la ZL. Les effets de ces gaz
sur la santé et l'environnement sont très important. Le gaz Chlorhydryque HCl
est toxique pour l'homme, Acide fort en solution (risque de brûlures
cutanées
Gaz suffocant - irritation par inhalation). Valeur seuil en atmosphère de
travail -VLE = 7.5mg/m3. Valeur seuil cas accidentel - SEI (30mn) = 119 mg/m3.
Risque de pluies acides (flore) VTR = 0.02mg/m3.
Le risque lié à l'alumine (Al2O3) n’est pas lié à sa nature chimique mais
à son état de poussière. Valeur seuil en atmosphère de travail - VME = 10
mg/m3. Rares fibroses pulmonaires observées (ex: Mines) Ion aluminium peut
être phytotoxique (flore). Terre de Guyane riche en alumine (Kaw riche en
bauxite: 30% d ’alumino-silicate).
A H+7 mn 45 mn, le nuage de combustion alourdit
par l'eau du déluge retombe près de la ZL avec une grande partie de polluants.
Le nuage de combustion se stabilise à 1500 m d'altitude et commence à se
diluer. les particules d'alumine chargées d'acide subissent l'influence des
courants d'airs et sont dispersées avant leur arrivée au sol.
Les équipes du CSG réalise régulièrement des
liées aux lancements : Mesures de la qualité de l ’air (Appareil type «
Algade », « Zellweger », bac à eau), de la qualité de l ’eau de la crique
Karouabo (préleveur automatique), suivi de l ’avifaune (annuel), mesures de
bruits et vibrations (réalisées jusqu ’à A.504), suivi de la végétation
(analyses des eaux de pluies prélevées sous le couvert végétal). Mesures et
contrôles liés aux activités sol : surveillance des eaux de surface et
souterraines (bi-annuelle), surveillance de la faune aquatique (annuelle),
surveillance de la colonie d ’échassiers (annuel), et analyse des métaux
lourds dans les sédiments (annuelle).
Immédiatement après le décollage, le réseau d’eau
assure le refroidissement des carneaux (« déluge »). A J+1 jour, après les
opérations de rinçage des infrastructures, l'eau des carneaux est brasée
par des pompes. Comme les rejets de
combustion des EAP sont un mélange d’acide chlorhydrique et de poudre d’aluminium,
l’eau résiduelle est donc très acidifiée. Pour qu’elle soit évacuée,
son pH doit être neutralisé aux alentours de 7 : des bases (soude) sont
ajoutées. Des
prélèvements, dans le but d’analyses environnementales, sont effectuées par
le laboratoire de chimie du CSG et le laboratoire Hydreco du barrage de
Petit-Saut. A cause de ce processus de neutralisation chimique, les carneaux
sont inaccessibles pendant un mois après chaque vol.
Le système de déluge par eau
crée littéralement un mur d'eau à l'intérieur du carneau
Le mur incliné sur lequel les
flammes sont projetées verticalement par le lanceur est nommé « mur d’impact
». Le mur vertical courbé qui dévie les flammes vers la sortie des carneaux
sera désigné par « mur déflecteur. D’après le plan de définition, les
murs déflecteurs sont constitués d’une paroi moulée de béton armé, puis
de béton projeté de remplissage (épaisseur 70 à 100 mm) et enfin d’une
paroi en béton réfractaire (chamotte + SECAR). Un treillis soudé, de mailles
de 100 x 100 mm (diamètre de ferraillage 3,5 mm) est ancré à 50 mm du plan
arrière de la paroi de béton réfractaire.
A chaque lancement Ariane 5, une
grande pression gonfle la structure des carneaux. Comme le montre une vidéo
réalisée par le service optique du CSG, les gaz entrent par les trous de
banche entre le béton réfractaire et le béton armé et ressortent par jets à
l’extérieur de l’ouvrage. L’abrasion est localisée principalement sur le
mur déflecteur à l’intersection radier - paroi. A cet endroit, le jet de l’EAP
heurte la paroi et est dévié pour prendre la courbe du carneau. Il est
supposé que le jet forme un vortex rendant concave l’angle radier - paroi,
initialement droit. L’usure se caractérise par :
_ un déplacement de matière vitrifiée,
_ un creusement de cavités,
_ une extraction de matière.
Derrière la couche de béton réfractaire, le béton armé est souple et s’il
est atteint par les flammes de l’EAP, les conséquences peuvent être
catastrophiques pour la tenue des dalles. L’abrasion a donc besoin d’être
contrôlée par une méthode topométrique, afin de déclencher les réparations
à temps : ré-agréage du réfractaire, reprise du béton armé.
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Le système de déluge par
eau vue juste après le vol 501 en juin 1996 (photo Pierre François
Mouriaux).
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Le système de déluge en
ZL3 destiné à refroidir les gaz d'échappement et à réduire le
bruit |
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L'alimentation en eau des carneau est réalisée par un château d'eau de 90-100 m de haut
avec sa réserve de 1500 m3 (fond de cuve à 60 m du sol, à ciel ouvert) capable de
déverser 30 m3 d'eau par seconde au moment du décollage. Le
principe du déluge est de déployer une couverture liquide aussi dense que
possible pour deux fonctions :
- protéger la table des effets directs du jet des EAP (risque d'endommagement
thermo-mécanique, chimique, corrosion…)
- atténuer le bruit en augmentant de façon artificielle la densité du milieu
dans lequel se propage l'onde acoustique ; on réduit ainsi la vitesse du jet
par transfert de la quantité de mouvement de la phase gazeuse à la phase
liquide, la puissance acoustique étant proportionnelle au cube de la vitesse
d'éjection des gaz.
Pour que ce soit efficace, il faut injecter un débit d'eau au moins 2 fois
supérieur à celui des gaz éjectés ; on peut monter jusqu'à 20 m3/s. Le
timing d'ouverture des vannes déluge est très précis, si les vannes s'ouvrent
un peu trop tôt (panne avance), il y a risque d'impact direct sur le lanceur
avec une forte énergie, d'où une perturbation potentiellement critique, et si
les vannes s'ouvrent un peu trop tard (vannes trainardes ou panne retard), on
perd toute l'efficacité du déluge, d'où endommagement fort de la table et
niveau acoustique plus élevé que prévu pour les charges utiles ainsi que pour
les équipements dans la table.
Ce déluge est aussi
destiné à arroser la table de lancement pour alourdir les gaz d'échappement
des EAP et à réduire le bruit. Sachant que le lanceur ne reste que quelques
secondes sur la table ses moteurs allumés, l'eau ne participe en rien au refroidissement
des structures. L'eau est envoyé dans les carneaux à H-12 secondes et
projeté sur la table au décollage à H+ 7 secondes.
La construction du château d'eau s'est étalé
d'avril 1989 à juin 1990, soit 14 mois
La zone
de lancement est équipée d’une structure de protection contre la foudre, à
savoir quatre pylônes, les PAF,
Pylônes Anti Foudre, d’une hauteur d’environ 100 m qui entourent le
lanceur. Le lanceur les passe en environ 5 secondes. Leur sommet est relié par
un câble, servant à garantir le même potentiel électrostatique des 4 PAF.
La ZL 3 abrite aussi les stockages des
usines déplacées en zone de lancement quelques jours avant le tir:
_ LOX: 5 réservoirs mobiles, 140 mètres cube chacun 1 réservoir mobile, 20 mètres
cube
_ LH2: 5 réservoirs mobiles, 320 mètres cube chacun 1 réservoir mobile, 110 mètres
cube
_ LN2: 70 mètres cube
_ GHe: 60 000 mètres cube utiles à 200 bars à la sortie des canalisations
enterrées.
Une "piscine"
de 310 m2 à l'Est assure le brûlage d'hydrogène gazeux évaporé.
Zone de stockage LOX, LH2 et la
piscine de brûlage GH2
Les dégâts matériels et les
atteintes physiques des personnes présentes sur le site ELA 3 sont estimées
possibles dans une zone circulaire, centrée sur le pas de tir, de rayon 805 m.
Cette zone se compose de 5 espaces en fonction de la gravité prévisible des
dommages. Un plan de secours en cas de nécessité a
été mis au point et les usagers des lieux ont des séances d’entraînement régulières
à l’évacuation.
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Z1
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Z2
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Z3
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Z4
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Z5
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Rayon
de la zone
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305
m
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de
305 à
403
m
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de
403 à
444
m
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de
444 à
653
m
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de
653 à
805
m
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Dommages
prévisibles aux personnes
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Blessures
mortelles dans plus de 50% des cas
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Blessures
graves pouvant être mortelles
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blessures
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Possibilités
de blessures
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Très
faibles possibilités de blessures légères
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Dégâts
prévisibles aux biens
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Dégâts
très graves
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Dégâts
importants
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Dégâts
moyens et légers
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Dégâts
légers
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Dégâts
très légers
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Les opérations qui se déroulent en zone de lancement
sont le remplissage de l'Etage Principal Cryotechnique (EPC) en Hydrogène et en
Oxygène liquide, les pressurisations, les conditionnements et les derniers
contrôles de l'Etage Principal Cryotechnique (EPC), la mise à feu et le
décollage du lanceur.
Quelques vues de la
ZL 3 en avril 2023 après l'avant dernier lancement d'Ariane 5. Photos
Thomas Auriel, réseau X
Vue générale de la ZL 3 avec le carneau EAP et la
table en fond
Carneau d'évacuation des EAP, immense devant l'homme,
aussi bien à l'intérieur qu'après un tir.
La zone des propergols hydrogène liquide à l'écart de
la sortie des carneaux EAP
Sur la table, la palette sur laquelle reposait l'EAP
et vue du carneau EAP qui plonge dans le sol.
Sous la table, le carneau du moteur Vulcain avec le
système de déluge a eau en fond
Le boggie de la table avec ses dépôts très odorant
partout, très visible sur le métal. Sous le logo ESA, l'entrée des
carneaux EAP et Vulcain. Pas de butée sur les voies ferrées.
Une plaque très oxydée
Caméra qui filme le moteur Vulcain et le déluge par
eau en fond
Système de déluge par eau, le chateau d'eau, les
canalisations jaunes qui rentrent dans la tour CAZES et ressortent sur
le pad pour le carneau Vulcain et EAP
La table après le tir...
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