ARIANE 1, LES ESSAIS MOTEURS
Mai 1973, le programme Ariane est présenté à
l'Europe. le premier vol est espéré pour 1979. Tout est à faire: En 1973, le moteur qui équipera le premier et du deuxième
étage d'Ariane a déjà subi de nombreux essais dans sa version Viking 1 (M55 de
50 tonnes de poussée). La
première mise à feu, le 8 avril 1971, a été suivie de 33 autres et
le moteur a cumulé 1 248 secondes de fonctionnement pendant lesquelles le
principal problème rencontré a été la mise au point de l'injecteur de la
chambre de combustion. La baie "Drakkar" avec ses 4 moteurs Viking 2 au salon du Bourget de 1973 avec un moteur Viking 2 Le 21 juin 1973, la première turbopompe Viking 2
(60 tonnes de poussée) tourne 40 s comme prévu et le
13 décembre de la même année un moteur complet est mis à feu sans problème. Début 1976, des études sont entreprises pour remplacer le divergent conique du moteur Viking 2 par un divergent coquetier donnant 8 secondes d'impulsion spécifique en plus. Le 10 avril, le nouveau moteur est baptisé Viking 5. Son premier essai aura lieu en octobre 1977. Pendant ce temps la construction du grand banc PF 20 de la SEP destiné aux essais de l'ensemble propulsif Drakkar à 4 moteurs du premier étage L140 est entamée à Vernon ; elle s'achève, essais de validation compris en août 1976. Le banc est le plus grand d'Europe: 20 000 tonnes de béton, 55 mètres de hauteur auxquels s'ajoutent 15 mètres de déflecteur de jet creusés dans le sol, 106 millions de francs en conditions 1973 ou 440 millions actuels. Au DFVLR d'Hardthausen en Allemagne, les anciens bancs P4-1 et P4-2 d'Europa Il sont modifiés pour préparer les essais des ensembles propulsifs du deuxième étage.
Le premier essai d'une baie L140 à structure renforcée de 5 tonnes, avec quatre moteurs Viking 2 et réservoirs lourds le 17 novembre 1976. Ces essais dits "G" pour groupement ont lieu sur le nouveau banc PF20 spécialement construit pour le programme entre 1974 et 1976. La baie Drakkar ou l'étage complet peut y être testée. L'ensemble est fixé sur une dalle en béton de 3 m d'épaisseur et ouvert sur une fosse de 5 m de coté. Le déflecteur au dessous, long de 26 m et recouvert de 800 tonnes de plaque d'acier. La baie est maintenue sur le banc par ses 4 crochets au niveau de la baie, cette dernière étant protégé ainsi que les réservoirs par une structure métallique équipée d'une grue pour la manutention des structures, réservoirs, baie ou l'étage complet. Pas de spectateurs à l'extérieur pour cet essai. Les quantités d'ergols, près de 90 tonnes, sont très importantes. Tout le monde est à l'abri dans le PC enterré d'où sont effectuées commandes et mesures à 200 mètres du banc. Petit à petit la tension est montée c'est la première fois que le banc est essayé, C'est la première fois que quatre moteurs Viking vont fonctionner ensemble. L'un et les autres vont-ils tenir? Le système informatique n' est pas encore au point. Il a fallu préparer une conduite manuelle de l'essai et confier la surveillance des paramètres de sécurité mesurés sur les moteurs à des opérateurs et non à l'ordinateur. Ces opérateurs sont chargés de demander l'arrêt de tir si les paramètres sortent des valeurs autorisées. Baie Drakkar avec 4 Viking 5 vue de dessous au banc PF20 de Vernon pour l'essai G1 Mise en place de la baie L140 pour l'essai G1 sur le banc PF20. La baie, semblable à celle de vol est attaché au banc par ses 4 ferrures qui la maintiendront sur le pad au CSG. Les réservoirs du banc n'autorise que 87 s d'essais, contre 147 en condition de vol. Ils sont pressurisés par un générateur de gaz incorporé dans la baie et utilise les canalisations qui seront utilisées en vol réel. "10-9-8-7-6-5-4-3-2-1-FEU!" Les quatre moteurs démarrent. 244 tonnes de poussée. Jamais ce niveau n'avait été atteint en Europe auparavant. Le jet dépoussière la colline, soulève un nuage de 100 mètres de haut, abat quelques arbres. Sous terre nous n'entendons qu'un grondement régulier. Sur les écrans de télévision, les quatre jets rosés ponctués de triangles lumineux, liés au jeu des compressions et détentes supersoniques, occupent les trente mètres de hauteur du déflecteur de flammes. Un signal sonore et lumineux sur le pupitre du directeur de tir. Arrêt de tir. " Non pas d'arrêt de tir, pas d'arrêt de tir, on continue. " L'alerte vient de l'ordinateur d'acquisition des mesures. Comme on pouvait le craindre, il est tombé en panne. L'ordre d'arrêt de tir a commencé à passer avant son annulation. Les moteurs ont fléchi en régime pendant trois secondes. H0 + 57,4 s, nouveau signal sonore. " Arrêt de tir, chasses après tir, verrouillage des clapets, verrouillage des clapets ! Effectué... La durée du tir a été de 59 s alors que les ingénieurs visaient 75 secondes. Pour une première tentative ce n'est pas mal. L'exploitation montre un déroulement encore plus mouvementé avec explosion d'une petite tuyauterie à 2,3 secondes, fuite d'UDMH due aux vibrations très élevées, allumage explosif de ces fuites à 24,6 secondes suivi d'un incendie dans la baie de propulsion, arrêt de tir lié finalement à cet incendie. Le tir fait également apparaitre un niveau de bruit très élevé, 180 dB, probablement spécifique au banc d'essais. Sur les films du déflecteur de jet, les plaques de blindage de 5 tonnes fixées sur les parois verticales battent de 30 cm dans le vent des Viking. La fixation sera améliorée aux tirs suivants. Pour les ingénieurs, l'opération est un succès avec validation du plus grand banc d'essais d'Europe construit à Vernon par la SEP, démarrage et fonctionnement simultanés des 4e moteurs Viking 2, validation du réservoir d' eau et le fonctionnement du système de pressurisation a gaz chaud.
L'étape suivante - essais avec réservoirs de vol - peut commencer. L' étage L140 M1 est monté sur le banc le 4 novembre et est mis à feu le 13 décembre 1977. L' essai doit être arrêté à 110 secondes, 33 secondes avant la durée prévue, parce qu'un éclat s'est produit dans le col en graphite d'un des moteurs. 4 moteurs Viking constitue l'étage L140, le "Drakkar". Mise en place du L140 dans le banc PF20 le 4 novembre 1977 pour l'essai M1 Le 9 mars 1978, un nouvel essai arrêté à 122 secondes confirme l'existence d'un problème sérieux le col de la tuyère du moteur Viking, qui tenait bien en essai de moteur seul, casse en 100 secondes sur ensemble propulsif, en raison de l'ambiance vibratoire due à un phénomène acoustique détecté depuis les premiers essais de baie. Les essais de baie de propulsion, de durée limitée à 87 secondes, n'avaient pu mettre en évidence le phénomène. La modification de matériau du col, remplacement du graphite par un matériau composite de la SEP (un tissu de silice noyé dans de la résine phénolique, le Séphan) ne peut être appliquée qu'au quatrième essai de la série le M4, qui, le 5 décembre 1978, se déroule parfaitement sur la durée nominale de 142 secondes.
Pour obtenir le maximum de résultats, il est prévu de doubler le tir par un autre essai de longue durée. Le dôme du fond du réservoir N204 est ouvert pour en examiner l'intérieur. Du haut on aperçoit tout en bas un point de rouille. Impossible d'effectuer un nouveau tir si une corrosion a commencé. Alain Souchier de la SEP se propose d' aller inspecter de visu le fond du réservoir. Suspendu par un harnais il passe le trou de 36 cm donnant accès à l' intérieur du réservoir d' Ariane. En tout cas l'expédition s'avère utile; la tache de rouille aperçue du haut n'en est pas une. C'est une tache de graisse. Pas de corrosion. Le deuxième tir pourra être tenté le 10 janvier 1979. L'étage M3 au SIL avant son envoi à Vernon Le premier tir de qualification de l'ensemble propulsif du premier étage L140 a lieu avec succès le 17 mai 1979 avec 4 moteurs Viking 2. Le deuxième essai de qualification en septembre simule une attente sur rampe de trois semaines après remplissage des ergols, un tir avorté de 15 secondes (cas d'un lancement où, après allumage des moteurs, mais avant décollage, le système de surveillance détecte une anomalie et arrête les moteurs), suivi une semaine plus tard d'un tir de durée nominale. Le premier étage L140 est ainsi qualifié après 126 essais de turbopompes (15 000 secondes) et 124 essais de moteur ou groupement de moteur (10 essais G, 6 essais M et 3 tirs de qualification) totalisant 13 250 secondes. Les essais de qualification du Viking 5 avec sa tuyère en forme de coquetier au printemps 1979 mettent en évidence une mauvaise tenue des roulements de la turbopompe, sans conséquence sur son fonctionnement puisque le moteur a fonctionner durant 180 secondes, bien au delà des 145 s de vol nominal. La qualification des moteurs a lieu durant l'été.
L33 Du côté du second étage L33, six campagnes d'essais se succèdent du 31 août 1976 jusqu'en octobre 1977 avec des réservoirs lourds et cumulent 1 010 secondes de fonctionnement. Principale anomalie, le 6 mai 1977, une instabilité de combustion se produit au démarrage du moteur. On croit expliquer cette anomalie sur le moment, mais il n'en ai rien (l'avenir et le deuxième vol d'Ariane en particulier le montreront, hélas). Essais G1 du viking 3 (tuyère conique) du L33 en octobre 1976 à Vernon. Les 3 ensembles propulsifs avec réservoirs de vol M1, M2 et M3 sont ensuite testés sans problèmes majeurs du 26 janvier au 28 août 1978 et totalisent 477,7 secondes de fonctionnement du Viking 3. Ces essais ont lieu avec un moteur Viking 3 dont le divergent peut fonctionner sans risque de décollement de jet au sol. La mise au point de la version de vol Viking 4, à grand divergent galbé, est poursuivie sur le banc P4-2 de la DFVLR, qui permet une simulation du fonctionnement en altitude avec une trompe à vide, depuis le 14 décembre 1976. Ce jour-là, la fin du premier essai se traduit par un " froissage " du divergent à la suite d'une mauvaise procédure de mise en oeuvre du banc d'essai. Il en est de même lors du deuxième essai, ce qui n'empêche pas la démonstration du fonctionnement correct du moteur sur une durée supérieure au nominal. Une modification du banc supprime ce phénomène à partir du troisième essai. Lors du cinquième essai le rapport de mélange entre les ergols est dévié loin du nominal pour essayer le divergent à des températures plus hautes : le divergent se retrousse et se raccourcit d'une vingtaine de centimètres. Un divergent plus épais est redéveloppé en urgence et donne satisfaction lors des essais de qualification le 16 mai et le 11 juillet 1979. Il ne reste plus que cinq mois avant le premier vol.
Les essais de qualification de l'ensemble propulsif du L33 débutent le 6 octobre 1978, tir Q1-1 et le 23 février 1979, tir Q2 : chaque tir est réussi. Une troisième campagne a cependant lieu en octobre 1979 pour vérifier un remède aux vibrations du moteur lors de son extinction par épuisement de N204. Ces vibrations ne créent pas de problème au niveau étage lui-même mais peuvent mettre les satellites à délicate épreuve. Finalement il sera décidé à partir du troisième vol d'éviter les arrêts du deuxième étage sur épuisement de N204. Entre-temps, les essais de qualification du moteur Viking 5 au printemps 1979 mettent en évidence une mauvaise tenue des roulements de la turbopompe sans conséquences sur le fonctionnement. Les deux essais sur lesquels le phénomène se produit atteignent la durée visée de 180 secondes, au-delà de la valeur nominale de 145 secondes, sans problèmes. Cette anomalie liée à l'industrialisation des fabrications est réglée rapidement. Les essais de qualification sont poursuivis avec succès par deux tirs réussis de 180 secondes les 14 août et 10 septembre chacun précédé d'un tir de 10 secondes (simulant un tir avorté) une semaine auparavant. L' ensemble propulsif cryogénique du 3 eme étage. En 1973, la France est le seul pays en dehors
des USA à avoir fait fonctionner un moteur cryogénique à hydrogène et
oxygène liquide le HM 4, de 4 tonnes de poussée. Le premier essai sur le nouveau banc PF 41 de
Vernon, où le moteur est tiré en position verticale, a lieu le 22 septembre
1976. Puis le moteur est essayé sous vide dans la deuxième cellule d'essai du
PF 41. Les essais de la baie de propulsion complète commencent en avril 1977
sur le nouveau banc PF 42 avec réservoirs lourds. Entre-temps, le troisième banc d'essai
cryotechnique de la SEP, destiné aux essais de l'ensemble propulsif complet
avec réservoirs de vol, est entré en service. La première mise en froid est
menée à bien le 14 octobre 1977. Le 10 janvier 1978, se déroule le premier
essai à feu de 248 secondes limité par le remplissage des réservoirs. Les essais reprennent en juin 1979, six mois avant le premier vol, mais l'incident de novembre a reporté les essais de qualification de janvier à avril 1980 c'est-à-dire après le premier vol. Après un premier essai prématurément arrêté, l'ensemble propulsif effectue un premier tir nominal le 13 juillet suivit de quatre autres. Pendant la même période se poursuivent les essais de la baie de propulsion n° 2, il reste alors à achever les qualifications formelles du moteur et de l'ensemble propulsif. Pour le moteur, deux campagnes sont prévues, l'une avec un divergent de vol en simulation d'altitude, l'autre sans divergent de vol. Ces essais s'étendent d'octobre 1978 à avril 1980. Sur l'ensemble propulsif complet quatre essais de durée nominale (environ 560 secondes) sont réalisés sur le même matériel entre mars et juin 1980 alors que le premier lancement a déjà eu lieu en décembre 1979. Cette qualification obtenue après le premier vol ainsi que le nombre important d'essais réalisés dans l'année qui précède ce vol montrent bien toutes les difficultés de mise au point d'un ensemble propulsif à hydrogène et oxygène liquide. La maturité des matériels a permis néanmoins de tenter le premier vol dès 1979.
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LES CARACTERISTIQUES D' ARIANE 1 |
NAISSANCE D'UNE FUSEE, ARIANE |
NAISSANCE D' ARIANE, TEST GRANDEUR NATURE |
NAISSANCE D' ARIANE, LA MAQUETTE D'ERGOLS, ARIANE MR |
ARIANE 1, LES PREMIERS VOLS |