Le moteur Viking 5B au banc d'essai
de Vernon SEP dans les années 1980.
Quatre moteurs Viking 5 sur le premier étage
L140,
un moteur Viking 3 sur le deuxième étage L33 équipent la fusée Ariane 1. Ce Viking
est le successeur des moteurs qui furent autrefois utilisés sur les fusées
sondes Veronique et
Vesta, les moteurs Vexin et Valois équipant les 1er étages des Diamant A et B,
le second étage de Coralie (Europa 1 et 2 dont le développement a commencé il y a 25 ans au LRBA de Vernon). La mise au point du Viking a été poursuivie à partir d'
octobre 1971 par la Société Européenne de Propulsion, la SEP qui a repris les activités
propulsion de l' établissement militaire de Vernon.
Les moteurs de la LBRA, Vernon de 2 à 35 tonnes de poussée qui équipaient les missile Sol-Air PARCA
(2 tonnes),
les fusées Véronique AGI (4 tonnes), 61 (6 tonnes), Vesta (16 tonnes), Diamant
avec le moteur Vexin (28 tonnes) et Valois(35 tonnes), ancêtre
du Viking. Le Parca, proposé à la fin des années 1940, reprenant dans les
grandes lignes celui du Wasserfall des nazis, constitue le point de départ d'une
famille de moteur qui aboutira au Viking d'Ariane.
Le Viking est un moteur à turbopompe à la
différence de ses prédécesseurs sur lesquels l'alimentation en ergols de la
chambre de combustion était assuré par la pression qui régnait dans les
réservoirs: les gaz nécessaires à l' établissement de cette pression
étaient fournis par un générateur qui brûlait des ergols, solides ou
liquides, refroidis par de l' eau. Cette technique convient particulièrement par
sa simplicité, à de petits engins. Cependant lorsque on augmente la pression
des réservoirs pour accroître la pression de combustion, donc l' impulsion
spécifique ISP, c' est à dire la vitesse d' éjection divisé par l'
accélération de la pesanteur, on est obligé d' utilisé des réservoirs plus
épais donc plus lourds. Le gain en ISP est vite compensé par l'augmentation de
poids à vide de l' engin et l'utilisation de turbopompes s' impose. Dans ce cas
la pression maintenue dans les réservoirs sert seulement à éviter la
cavitation des pompes ou l'effondrement du lanceur sur lui même et ce sont les
pompes qui fournissent la pression élevée nécessaire à l'alimentation de la
chambre. Les études sur ce type de moteur commencent à Vernon en 1966. Il s'
agit du M 40 développant 40 tonnes de poussée.
M40, M55 (Viking 1)
Etudié depuis le milieu des
années 1960, le M40 a subit de nombreux tests entre le 7 décembre 1967 et le 27
août 1970: 4 de l'injecteur seul, 9 du générateur de gaz seul, 54 de la
turbopompe seule d'une durée de 20 à 100 secondes pour un total de 4027
secondes. Le moteur complet est testé pour la première fois le 4 juin 1969,
durant 20 secondes. 18 essais sont réalisé jusqu'en 1970 avec 3 moteurs, d'une durée entre
20 et 80 secondes, dont 2 pendant 100 secondes, durée limitée par la capacité
des réservoirs du banc PF2 de Vernon. Au total, le M40 compte 677 secondes de
fonctionnement.
Le M 40 sert de base à l' établissement du projet
Europa 3 B. 4 moteurs M 40 (étage drakkar) assurent la propulsion du 1er étage L 120, créant une
poussée de 160 tonnes.
Le M40 avec queqlues uns de ses
pères:
de gauche à droite Jean Gehel, William Mouron, Joseph Bernkopf,
André Labbé, Alain Louis.
|
Le M40 ou moteur
du LRBA est un
moteur relativement simple dans sa conception avec la turbine et les
turbopompes sur le même axe, supprimant tout réducteur intermédiaire
et système de graissage par huile. Les gaz produits par le
générateur, qui servent au fonctionnement des turbines sont
refroidis par de l'eau. Ce mélange est neutre, constitué de 70% de
vapeur d'eau permettant aussi la pressurisation des réservoirs, le
pilotage des vérins. Le système de régulation incorporé ajuste la
pression désirée dans la chambre de combustion. Chaque moteur forme
une unité indépendante qui peut être couplé par paires selon les
besoins. Le choix d'ergols dits "stockable, UDMH et N2O4 apporte
plusieurs avantages; allumage hypergolique (spontané par contact) et
utilisation a température ambiante. L'IPS est inférieure de 3,5% par
rapport à un moteur RP1-LOX. L'injecteur radial est à simple paroi,
refroidie par un film d'UDMH (5,2% de la masse embarquée), le col
est en graphite et sa paroi est en matière réfractaire (cobalt,
chrome, tungstène, nickel et fer) résistant à des températures de
1200°C. La pression de combustion passe de 20 à 50 bars. Le M40 a un
rendement de 90%, équivalent au moteurs US S3D du Thor et RZ2 (Blue
Streak) |
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La turbopompe TP est fixée
directement, par son corps central sur le couvercle de l'injecteur. De
gauche à droite, la pompe à eau qui refroidit l'eau du générateur,, la
pompe N2O4 qui alimente l'injecteur par le dessus, la turbine et la
pompe UDMH qui alimente l'injecteur par les cotés. Relativement légère,
la TP du M40 est compacte. La pressurisation des réservoirs à 4 bars est
assurée par les gaz chauds du générateur refroidit par l'eau à 650°C.
15% de ces gaz vont pressuriser les réservoirs après détente de 35 à 4
bars (400°C). Les gaz chauds assurent une rotation de la turbine à 12
000 t/mn et sortent détendus à 2 bars par un tore et sont expulsés par 2
tuyères ajoutant une poussée supplémentaire au moteur..Le générateur de
gaz est alimenté par prélèvement d'ergols en sortie de pompes et par
l'eau.. |
Par la
suite, le projet de l'ELDO évolue: on envisage bientôt l'utilisation de 5 moteurs M 40
puis de 4 moteurs de 55 tonnes de poussée pour le premier étage et enfin de 4 moteurs de 60 tonnes
alors que la masse d' ergols dans les réservoirs passe de 120 à 154 tonnes. Pour
répondre à cette évolution est dessiné puis étudié dès octobre 1969 le moteur M55,
capable de développer 55 tonnes de poussée
par simple élévation de la pression pilote. Ce moteur est rebaptisé Viking 1 (V pour Vernon) dans l'été 1970. Le premier M55
Viking 1 est livré le 15 octobre 1970, suivie de 2 autres dans les mois qui
suivent. Les essais de turbopompe seule débutent le 9 décembre et totalisent
1248 s en 9 campagnes. En
1971, le moteur est retenu par l'ELDO pour le lanceur Europa 3; commence alors les essais moteur complet avec un premier tir le 8 avril suivit
de 33 autres cumulant 788 secondes de fonctionnement pendant lesquelles le
principal problème rencontré a été la mise au point de l'injecteur de la chambre
de combustion. Un tir a même été fait sur une durée de 150 s dépassant la
durée de vol de l'étage Drakkar (avec 4 Viking !), 139 secondes et du second
étage L33, 129 secondes. 12 tirs ont
été fait en configuration engin, avec des réservoirs de banc allégés, pressurisés
par des gaz chauds prélevés sur le générateur, validant le principe du démarrage
autonome et de la boucle fonctionnelle.
Comparatif des moteurs français série M avec le
SD3 des Atlas et Thor et le RZ2 du Blue Streak anglais (Europa)
Photo des anciens de la LRBA avant
le passage à la SEP devant un moteur M55 qui deviendra Viking.
M Veran (monteur sur le départ), Marie Claire Graveline (ingénieur chimiste),
Joseph Bernkopf (Chef d'atelier et interprète Allemand envers Mr Bringer),
M.Choulan (ingénieur fluide et mécanique), Jean Géhel (monteur), Mr.Karl Heinz
Bringer (Inventeur des moteurs d'Ariane, récupéré de Peenemünde après la guerre
par la France), Henri Desfond (Technicien spécialiste des lancements Europa à
Woomera), Monique Martin (secrétaire du service). En bas de gauche à droite:
André Labbé,(spécialiste des vannes de
démarrage), Alain Louis(moi-même), (spécialisé turbopompes et moteur),
Mr.Droguet (Dessinateur projeteur de l'équipe), William Mouron (spécialisé
turbopompes et moteurs). Photo prise par Mr Albignac, responsable
du laboratoire photo du LRBA puis ensuite de la SEP.
Essais du moteur M40 sur le PF2 de
Vernon en 1969 et du Viking 1 (M55) en avril 1971
Le M55 (Viking 1) et le M40
dorloté par l'ingénieur William Mouron
Extrait d'une documentation
technique de la SEP sur le Viking 2 datant de septembre 1972
LE VIKING 1 (M55)
Poussée nominale: 55 tonnes
Pression foyer: 50 bars
Débit total: 228kg-s
Poids du moteur: 580 kg
Vitesse turbine: 9500 t/mn
Vitesse turbopompe: 9500 t/mn
Température gaz générateur: 650°C
Pression générateur: 35 bars
Ips: 237 s au sol et 277,5 secondes dans le vide |
VIKING 2
Le projet Europa 3B évolue et l'ELDO
demande début 1971 un moteur capable de fournir 60 tonnes de poussée au lieu de 55.
Le
régime de fonctionnement du moteur est poussé à ce niveau encore une fois par simple élévation
de la pression pilote. 4 moteurs M60 baptisées Viking 2 équiperont le L150 d'Europa 3B. La poussée atteint 61,5 tonnes (68,8 tonnes dans le vide). La modification du banc PF2 permettra d'accroitre la durée des
essais à partir de 1972. Le premier tir d'un moteur Viking 2 complet a lieu le
13 décembre 1973. 34 essais suivent dont l'un de 170 seconde qui dépasse le temps prévu de
fonctionnement du moteur sur le L3S, lanceur qui remplace le projet Europa 3B et
correspond à la durée retenue pour les essais de qualification.
Entre-temps, la SEP, société européenne de propulsion prend en octobre 1971 les
activités moteurs fusées du LRBA.
André L'Abbé, de la SEP avec 4
Viking 2 "Drakkar" n° 101 à 104.
Le père du Viking, l'allemand Karl Heinz
Bringer devant un moteur Viking 2 (60 tonnes de poussé). Il travailla sur le moteur V2.
La vitesse de rotation de la turbopompe du Viking 2 était de 9600 t/mn au sol,
alimentant la chambre avec 3 ergols, de l'eau 4,17 kg/s (65 bars), le N2O4 163,1
kg/s (69 bars) et l'UDMH 87,5 kg/s (67 bars). Karl Heinz Bringer est né en 1908
et décèdé en 199. il a débuté à Peenemude, en Allemagne pendant le seconde
guerre mondiale, avant de travailler sur la fusée sonde Véronique puis sur
Ariane. Il fait partie des 30 savants et ingénieurs allemand collaborateurs de
Verner Von Braun qui en 1946 ont passé un contrat avec les autorités françaises
pour suivre ses travaux sur un moteur à propergols liquides de 40 tonnes de
poussée au LRBA. Il rejoint le groupe en 1947 et conçoit les premiers moteurs
des fusées véronique, 4 tonnes de poussée. Le moteur de Bringer est amélioré
pour devenir le Vesta, 16 tonnes de poussée, Vexin, 28 tonnes de poussée et
Valois, 35 tonnes de poussée. En 1968, Bringer revient sur le moteur M40 proposé
pour le lanceur Europa 3, que les allemands avait avaient conçu sans aboutir.
Ainsi né le Viking, avec une poussée de 55 tonnes de poussée. Dans le même
temps, de chaque coté de l'Europe, ce sont respectivement 3000 et 5000 savants
de l'Allemagne Nazi qui ont été recrutés par les USA et les Soviétiques pour
réaliser les fusées qui ont fait démarré la conquête spatiale.
Moteur Viking 2 en test sur le banc PF2 de
Vernon. Noter le renforcement de la tuyère avec 3 demi-tores sur le bas du
divergent. Lors des essais au banc PF2, les mises à jeu avait pour objet de
tester la sensibilité HF des injecteurs des moteurs avant de partir en vol. Les
ingénieurs utilisaient donc plusieurs fois le même moteur en changeant les
injecteurs. Les tuyères ont du être renforcés car à l'arrêt du moteur, les
écarts de pression interne-externe pouvaient les faire s'effondrer. Un
renforcement qui a été étendu aux moteurs de vol du L140. Pour la tuyère du
moteur Viking du L33, plus longue, la pression atmosphérique étant plus faible,
le problème ne se posait pas.
Lorsque Europa III est remplacée par le L III
S en décembre 1972, le nouveau projet utilise au maximum l' acquis de mise au point en conservant
le Viking du 1er étage dont la masse d' ergols est réduite de 150 à 140 tonnes
et en l' introduisant sur le second étage L 33. Les pompes du moteur sont
améliorées par addition d' un inducteur pour éviter la cavitation avec les
pressions faibles des réservoirs du L33. Avec un long divergent galbé, adapté
au fonctionnement dans le vide, un cadran pour permettre l' orientation du
moteur suivant toutes les directions pour le pilotage en lacet et en tangage du
L33, et une modification des angles d' entrée des ergols vers les pompes, le
moteur Viking 2 prend le nom de Viking 4. Il délivre 73,2 tonnes de poussée dans
le vide pour une pression dans la chambre de combustion de 53 bars. La version avec divergent conique pour
les essais au sol est désignée Viking 3.
Mise à feu d'un Viking 2, le 29
octobre 1975 à Vernon
Au 31 mars 1977, les moteurs Viking avaient subit
188 essais totalisant 13 184 secondes de fonctionnement, dont 1248 s en 27
essais pour le Viking 2 complet, la version de base. Les Viking 2 (L140) et 3-4
(L33) totalisaient 7961 secondes en 79 essais de turbopompes et 3499 s en 56
essais moteur complet individuel.
Plus tard, en 1976, des études sont réalisées
pour remplacer la tuyère conique du Viking 2 par une tuyère en coquetier avec
des performances légèrement supérieures. Le 10 avril, ce moteur est baptisé
Viking 5, il est tiré au banc pour la première fois en octobre 1977. La
qualification du moteur a lieu en 1979, avant le premier vol, avec 3 tirs de 180
s au printemps, le 14 août et le 10 septembre, chacun précédé d'un tir de 10
secondes simulant un tir avorté une semaine auparavant. Le Viking 5 équipera le
premier étages de vol d'Ariane 12 600 secondes de fonctionnement sont
comptabilisés avant le premier vol de décembre 1979.
La SEP retient avec le CNES les industriels
pour fabriquer le Viking: l'allemand MAN pour la turbopompe et le générateur de
gaz, le suédois Volvo pour la chambre de combustion, le belge Techspace Aéro
pour les vannes et le belge SABCA pour les vérins. L'injecteur est fabriqué sous
la responsabilité de la SEP.
Les essais du Viking 2 comportent
3 étapes: essai du moteur seul sur le banc PF2, 4 essais des 4 moteurs sur le
banc PF20 avec des réservoirs lourds et 6 essais de la baie complète du L140
avec des réservoirs de vol.
Le premier tir d'une baie équipée de 4 Viking 2 "Drakkar" au banc PF 20 à Vernon
a lieu le 17 novembre 1976 avec des réservoirs "lourds". La première baie avec
réservoir de vol est mis à feu au banc le 13 décembre 1977.
Les essais Viking ont nécessité une cinquantaine de moteurs, dont 5 pour les
essais de qualification finale. La SEP a fabriqué pour Ariane 1, 57 moteurs
Viking 2, dont 17 de vol pour le L140 et 13 moteurs Viking 4 dont 5 de vol pour
le L33.
Vernon, Bat A39 dans les années 1978-79, les
premiers docks de montage du Viking 5 pour les essais au PF20.
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Viking 2
(M-60) L140, essais au sol 1973-74
Poussée:
591 kN au sol,
698 kN dans le vide
IPS :
239,3 s au sol,
282,4 s dans le vide
Pression:
53,45 Bars
H:
3,028 m
Diam: 1,14 m (tuyère)
Poids:
776 kg
Tuyère conique
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Viking 5
(Viking 2 avec divergent galbé) L140, essai de qualification et
vol
Poussée:
611 kN au sol,
692,8 kN dans le vide
IPS:
247,5 s au sol,
280,6 s dans le vide
Pression:
54,4 Bars
H: 3, 028 m
Diam: 1,14 m (tuyère)
Poids: 876 kg Tuyère galbé
en coquetier |
Viking 4
(Viking 2 adapté au fonctionnent dans le vide) L33, essais en vol et sous vide au
sol (1976)
Poussée:
721,4 kN dans le vide
IPS:
265 s dans le vide
Pression:
52,36 Bars
H:
3,684 m de hauteur (tuyère plus longue)
Diam: 1,7m (tuyère)
Poids:
905 kg
Tuyère longue en coquetier. La version Viking 3 était équipée d'un
divergent conique court pour des essais au sol. |
Viking 5 d'un étage L140 en test à
Vernon, notez
les 2 échappements des gaz chauds le long de la chambre de combustion et les
demi-tores de renforcement de la tuyère.
Viking 4 d'un étage L33 (Vol L04)
M40 |
40 tonnes de poussée (projet L95 et L120 d'Europa 3B) |
M55 Viking 1 |
55 tonnes de pousse (projet Europa 3B),
chambre plus grosse et tuyère allongée, pilotable (2 axes) |
M60 Viking 2 |
60 tonnes de poussée, étage L140, tuyère
allongé et conique de
1,14 m de diamètre |
Viking 3 |
Version sol du Viking 4 avec tuyère conique
du Viking 2 |
Viking 4 |
73 tonnes de poussée, étage L33, Viking 2 à tuyère galbée et allongée de 1,7 m,
adapté au fonctionnement dans le vide. Tracé de canalisations d'arrivée
d'ergols différents du Viking 2. |
Viking 5 |
62 tonnes de poussée (68 dans le vide),
étage L140, Viking 2 à tuyère galbée |
Viking 4B |
Viking 4 consommant du UH25, pression foyer de 58,5
b, poussée +8%, utilisé sur L33 d'Ariane 2-3 |
Viking 5B |
Viking 5 consommant de l'UH25, pression foyer 58.5 b,
poussée +8%, utilisé sur le L140 d'Ariane 2-3 |
Le premier vol d'Ariane 1 est un succès le 24
décembre 1979. Malheureusement, le second, le 23 mai 1980 est un échec. Les
vibrations HF ont détruit 2 des 4 moteurs du premier étage L140.
Au milieu des années 1970, la SEP a invité pour l'aider à développer son moteur
Viking un spécialiste américain. Très vite, il tire la sonnette d'alarme
concernant le risque de HF, les vibrations hautes fréquences dans la chambre de
combustion (autour de 2000-3000 Hz). Le spécialiste préconise des essais
spécifique pour démontrer qu'une marge suffisante existait avant qu'apparaisse
la HF; selon ces recommandations, il suffisait d'accroitre la pression de la
chambre de quelques bars au moyen d'une bombe pyrotechnique, placée avant le tir
dans la chambre du moteur. Pendant son fonctionnement, la bombe est mis à feu et
accroit la pression de la chambre. Cela permet de constater et d'observer la
marge de stabilité en mesurant la vitesse d'amortissement de la surpression crée
par la bombe. Mais, le responsable CNES du comité directeur a refusé ce type
d'essai. L'injecteur du Viking était fabriqué par la SEP de façon un peu
artisanale avec des outillages sommaires. La SEP a donc demandé d'investir dans
des outillages performants afin d'obtenir des injecteurs de grande qualité. Une
demande qui a été refusé en raison de son coût. Les essais du Viking se sont
bien déroulés entre 1975 et 1978 aboutissant a la qualification du moteur juste
avant le premier vol.
A l'issue du vol L02, 9 moteurs Viking ont
volé 5 sur L01 et 3 sur L02), 3 ont eu de la HF et malheureusement un a été détruit conduisant à l'échec
du second vol. 30% des moteurs ont eu de la HF, soit beaucoup plus que lors des
essais au sol. Le moteur Viking incriminé a été repêché: un corps étranger est
retrouvé, une étiquette en amont de l'injecteur, mais elle est rapidement écarté
comme cause du problème. Parmi les hypothèses, celles des vibrations et le bruit
au décollage sont aussi rejetées; les essai au banc engendraient plus de bruit et
aucune HF n'était apparue. Après avoir passé tout l'été a étudier différentes
causes sur la perte du moteur en vol, il faut se rendre à l'évidence, il y a un
problème avec les injecteurs...
Les premiers essais avec des moteurs Viking pour comprendre ce qui s'est passé
et reproduire l'accident de L02 montre que le problème est matériel et ne dépend
pas de causes extérieures. Tout moteur peut présenter des instabilités HF si on
augmente suffisamment la pression foyer ou si on dévie suffisamment, dans un
sens ou dans un autre le rapport de mélange. Ainsi, le coupable désigné est
l'ensemble injecteur-couvercle. Conséquence des erreurs du début de
développement sur les études de la HF, chaque injecteur a été fabriqué sans
cahier des charges précis avec des écarts appréciables dans la géométrie d'une
pièce à l'autre. Il faut donc tester tous les injecteurs pour mesurer les marges
de stabilité (en pression et rapport de mélange) et ainsi dans un premier temps
sélectionner les bons des mauvais. 17 essais réalisé de juillet à septembre 1980
permettent de définir le domaine de stabilité du moteur. Puis pendant 3 mois, on
recherche les bons injecteurs, mais rien n'y fait, aucun n'est validé pour
le 3e vol L03.
A partir de novembre, les travaux vont s'orienter selon plusieurs axes pour
définir les modifications des nouveaux injecteurs et leur fabrication. Un
rapport est remis au CNES qui finit par accepter de fabriquer des injecteurs
plus précis avec des outillages performants, ce qui permettra d'avoir une quasi
parfaite reproductibilité des injecteurs. L'ingénieur Allemand Heinz Bringer, le
père du Viking proposa d'accroitre le diamètre des trous d'injection de
l'injecteur de 10%. Cela a permis d'améliorer la marge de stabilité du moteur vis à vis
de la pression de la chambre et du rapport de mélange. Pour L03, la pression
dans la chambre est légèrement réduite à 53 bars. Les essais réalisés début 1981
à des pressions allant jusqu'à 60 bars et même 66 bars montrent l'efficacité des
modifications. Avant chaque vol, la SEP réalisera désormais un essai de recette de
60 secondes au banc PF2 pour vérifier la marge statique en augmentant la pression de la
chambre et en déviant le rapport de mélange dans les 2 sens. Un service
spécifique a été crée au bâtiment A 21 de Vernon. Après usinage et nettoyage,
l'injecteur était intégré sur une tuyère et livré au PF2 pour être monté sur un
groupe turbopompe afin d'être testé. L'injecteur recetté était ensuite remonté
sur le moteur de vol et selon certains critères affecté aux étages L140 ou L33..
Ces essais seront abandonnés pour des raisons de couts par la suite.
Triste souvenir pour les ingénieurs de L02 et selon certains; cela aurait pu
être pire. "On l’a compris après mais s’il n’y avait pas eu le tir avorté
sur L01, les moteurs n’auraient pas vieillis (ce qui diminuait grandement le
risque de HF, d’après les analyses post L02) et on aurait eu l’échec sur le
premier vol. Pas sûr qu’on nous aurait donné une seconde chance et l’aventure
aurait pu s’arrêter là. Comme quoi la chance ça joue aussi."
Coupe
d'un injecteur post L02 au niveau du puits N2O4'. On croit voir des traces
d'attaque de l'alu au fond du puits...
Pour les ingénieurs de la SEP, la
recherche de cause d'anomalie après L02 a été
tellement farfelue que cela n'étonnera personne
de faire le lien entre la fameuse étiquette
externe retrouvé sur un tuyau lors de la
récupération du moteur D avec des instabilités
HF de combustion dans l'injecteur.
Certains se souviennent même d'un
essai moteur au PF2 avec, à l'allumage,
déclenchement de la sirène du banc, pour voir si
son hurlement ne pouvait pas déclencher des HF
dans la combustion !
À l'époque, à la SEP, on avait tout essayé
pour déclencher de la HF (la sirène, une 'bombe' et...) pour
s'apercevoir que finalement le problème était lié entre
autre à l'ébavurage des injecteurs.
Les fameux trous d'injection, 12 au total pour chaque
ergols, diamètre 3 mm sont alimentés par plusieurs puits
d'injection pour le NO4 et un seul pour l'UDMH de 15 mm de
diamètre à fond conique. Il est apparut que compte tenu des
dispersions d'usinage, les trous d'injection pouvaient
déboucher dans la zone conique ou cylindrique ou entre les 2
du puits d'injection principal. Conséquence, le débit de
chaque trou pouvait ainsi varier et comme c'est le perçage
de 2 trous qui forme la "nappe" d'injection dans la tuyère,
on pouvait assister à une dispersion de l'horizontalité de
cette "nappe", pas forcément asymétriquement faisant que la
combustion pouvait avoir lieu plus ou moins proche de la
paroi de l'injecteur en aluminium. Le front de combustion
pouvait ne pas être asymétrique dans le volume interne de
l'injecteur, élément pouvant influencer l'apparition des HF
différentes d'un moteur à l'autre.
Pour les ingénieurs de la SEP, une "belle
symétrie" de combustion pouvaient faire apparaitre des HF,
surtout en conditions critiques, ceci expliquant peut être
pourquoi personne n'a vu de HF lors des derniers essais de
développement du moteur Viking 5. "De toute façon, nous
étions trop tangent, avec la pression au foyer, le rapport
de mélange de l'UDMH pur et la géométrie de l'injecteur, le
tout très favorable aux HF.
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L'échec du L02 a totalement pris les
20% de marge pour aléas décidé en 1973, que le CNES s'engageait à couvrir en cas de dépassement
du cout du programme Ariane. Les lancements sont arrêtés pendant un an et
reprennent après 169 essais du Viking à Vernon et en Allemagne. Pour Ariane 3,
la SEP décide de modifier la composition du carburant pour stabiliser la
combustion du Viking. On ajoute 25%
d'hydrazine dans le carburant UDMH et les moteurs fonctionneront avec une pression de combustion plus élevée.
LE VIKING 5 D'ARIANE
Les ergols
Le moteur Viking est le plus puissant
à ergols "classique" développé en Europe à ce jour. Il utilise trois ergols: N2 04 (tétraoxyde
d'azote), UDMH (dyméthyl-hydrazine asymétrique) et de l'eau. Trois vannes montées
sur les canalisations d'alimentation isolent les réservoirs du moteur. Entre
celles-ci et l'entrée des pompes, des tibias autorisent les mouvements du
moteur nécessaires au pilotage. Les trois pompes sont montées avec la turbine
à deux étages sur un arbre unique et tournent donc à la même vitesse (9 600
tours par minutes). A la sortie des pompes une faible partie de l' UDMH et N2O4
est envoyée avec toute l' eau dans le générateur où ils produisent des gaz
à 600° C sous une pression de 33 bars. 10% de ces gaz sont utilisés pour pressuriser les
réservoirs et actionner les vérins et les servitudes. Après détente les 90%
restants entraînent la turbine et sont éjectés à l' extérieur par deux
tuyères dont la poussée, 700 kg dans le vide, vient s' ajouter à la poussé
de la tuyère principale. Pour les moteurs Viking 5 du L140, ces tuyères sont
plus longues que celle du moteur Viking du L33.
La turbine et les turbopompes sont montées sur
le même axe: en orange, arrivée et pompe d'UDMH, en gris, la
turbine alimenté en gaz chaud, au centre, l'axe du moteur avec au dessous
l'injecteur et à droite, l'arrivée et la pompe N2O4.
L'injecteur du Viking 5 avec son
dôme: 250 kg
d'ergols y sont introduits chaque seconde qui ressortent radialement par 1728 trous répartis
sur la circonférence. Le N2O4 arrive par
dessus au moyen de puits verticaux de 10 mm répartis sur le pourtour de l'injecteur
et sort au travers de trous double de 2,9 mm de diamètre percés dans une gorge. L'UDMH lui
arrive sur les cotés par des puits horizontaux de 5 mm et sort aussi au travers d'autres trous double de
2,9 mm de diamètre percés dans la gorge. Il y a alternance de trous UDMH et N2O4 sur la circonférence
intérieure de l'injecteur, le tout sur 6 rangès. Cela permet un bon mélange des 2 ergols dans la chambre. Fabriqué en
aluminium, l'injecteur est refroidit par la circulation du N2O4 et de l'UDMH
avant son injection de manière à abaisser la température au centre de la chambre
(2500°C). Les parois de la chambre de combustion, elle même sont refroidit par
de l'UDMH en excès dans la combustion et qui ne va pas réagir avec l'écoulement
central créant une couche limite réduisant les échanges de chaleur entre
l'intérieur du jet et la paroi
Coupe de l'injecteur du Viking avec les trous
d'alimentation et d'injection N2O4, UDMH et les 6 gorges à l'intérieur
L'intérieur de l'injecteur du
Viking 5 avec les trous alternativement N2O4 et UDMH percés de chaque cotés des
gorges des 6 rangés le constituant. Sur la dernière rangé du bas ont été percé
les trous pour le refroidissement par le film d'UDMH, 1,5 mm dans la gorge et 3
mm au niveau du cône de sortie.
La sortie de la chambre, juste
avant la tuyère , le "col de chambre" est fabriqué en matériaux composite,
résine phénolique avec des fibres de silices, baptisé SEPHEN 301. Lors des premiers essais de la
baie moteur avec 4 Viking et les réservoirs de vol, en 1977-78, les cols de
chambre alors en graphite cassaient en 100 secondes, à cause des vibrations
acoustiques, un phénomène qui n'avait pas été détecté lors des tirs avec
réservoirs lourds, limité à seulement 87 secondes. Ce n'est qu'au 4e tir au
banc, le 5 décembre 1978 que le nouveau matériaux composite sera appliqué aux
moteurs.
Les 97,6 % du débit qui passe dans les pompes
sont envoyés vers l' injecteur cylindrique et brûlent dans la chambre sous une
pression de 55 bars et à une température de 2 850° C. 15 % du débit d'UDMH
est injecté en film à la base de l'injecteur protégeant ainsi la tuyère de
la température élevée des gaz de combustion. En fonctionnement la tuyère
vire cependant au rouge et atteint 1100° C. Le système de régulation est
hydropneumatique et remplit deux fonctions. La fixation du niveau de poussée
est obtenue par asservissement de la pression de combustion sur une pression de
référence ou pression pilote en jouant sur l'alimentation du générateur donc
la vitesse de rotation de la turbopompe. La fixation du rapport de mélange
incombe à un régulateur d'équilibre qui égalise les pressions d'injection
des deux ergols dans la chambre de combustion.
Schéma fonctionnel du Viking,
moteur qui n'a pratiquement pas changé d'aspect depuis les années 1970. Il
consomme 250 à 275 kg d'ergols par seconde dans un rapport de 1,86 à 1.7 pour 1
.
Démarrage du moteur
Le moteur démarre sous l'effet de la pression qui règne dans les réservoirs.
D'abord, l' installation de la pression de référence, seule commande nécessaire
au démarrage, ouvre les vannes. Chassés par la pression des réservoirs, les
ergols parviennent dans la chambre principale et dans le générateur où ils
s'allument spontanément car ils sont hypergoliques. Le régime de rotation
monte ensuite en 1,3 s à la valeur fixée par la régulation. L'extinction peut
être commandée par suppression de la pression de référence, ce qui referme
les vannes, ou par épuisement de l'un des ergols. Par rapport à des moteurs de
performances équivalentes, le Viking se caractérise par sa simplicité de
construction et de mise en oeuvre:
_ trois vannes seulement; un arbre unique donc
pas de réducteur ni de système de lubrification associé;
_ un refroidissement
par film de la chambre principale qui, par rapport au refroidissement
régénératif, évite l'emploi d'une tuyère double paroi ou formée de tubes,
dont la réalisation est délicate;
_ un démarrage autonome et n'utilisant qu'un
seul ordre; un système de régulation qui fixe la poussée à la valeur voulue
sans longs étalonnages préalables et garde un rapport de mélange constant
pendant le vol malgré les variations d'accélération et de niveau de liquide
dans les réservoirs;
_ un générateur capable de fournir aux réservoirs N204 et
UDMH les gaz dépressurisation nécessaires. Cette simplicité entraîne une
fiabilité élevée.
Turbopompe du Viking 5: en bleu,
l'eau, en orage jaune, le N2O4, en rouge l'UDMH et en vert l'azote. Le violet
est la couleur des pièces et éléments qui ne volent pas "Remove before flight"
|
Les servo moteurs du Viking assurant le
pilotage du moteur en lacet et tangage. Ils sont connectés par l'intermédiaire
de 2 tirants à 2 des 4 crochets montés sur le pourtour extérieur de la chambre
de combustion. Les crochets assurent aussi le montage de l'anneau de capotage,
pour fixer les carénages sur les moteurs Viking 5 et 6. |
|
Le servo moteur a sa
propre source d'énergie hydraulique. la pompe est entrainée par un moteur à gaz
régulé en vitesse et alimentée, soit par de l'air sec ou de l'azote au sol, soit
par des gaz, prélevés au droit des chambres de combustion. il pèse 37 kg pour
une une course de 109 mm. |
|
BILAN
Le moteur Viking 5 a équipé les étages
inférieurs des 11 Ariane 1 de 1979 à 1986, à raison de 5 moteurs par lanceurs,
soit 55 moteurs. 44 Viking 5 équipaient l'étage L140 et le Viking 4 le second
L33 avec un divergent plus long pour fonctionner dans le vide. Il n'y a eu qu'un
seul échec, le vol L02, un des injecteurs a été détérioré par des instabilités
de combustion. Avec le vol V10 de la première Ariane 3, on passe au Viking 5B,
brûlant de l'UD25 et avec une pression de la chambre de combustion accrue de 5
bars (553,5 à 58,5). Le remplacement de l'UDMH par de l'UD25 (composé de 75% d'UDMH et
25% d'hydrate d'hydrazine) a permit de repousser la limite de déclanchement des
instabilités de combustion au delà du domaine extrême de fonctionnement du
moteur.
Date
|
Vol
|
Bati L140 |
Viking L140 |
Viking L33 |
Lanceur |
Satellites |
30/05/86
|
V
18*
|
B24 |
669 à 672 |
818 |
AR
2
|
INTELSAT
V F 14*
|
20/11/87 |
V
20 |
B25 |
681 à 684 |
821 |
AR
2 |
TV
- SAT 1 |
17/05/88 |
V
23 |
B26 |
685 à 688 |
823 |
AR
2 |
INTELSAT
V F 13 |
27/10/88 |
V
26 |
B28 |
697 à 700 |
826 |
AR
2 |
TDF
1 |
26/01/89 |
V
28 |
B29 |
701 à 704 |
827 |
AR
2 |
INTELSAT
V F15 |
01/04/89 |
V
30 |
B30 |
705 à 708 |
829 |
AR
2 |
TELE
-X |
30 baies L140 ont été fabriqués par Vernon et équipés de moteurs
Viking soit pour les essais au sol ou en vol. Les baies 1, 4, 5 n'ont
pas volé.
L'évolution des moteurs de la SEP du Parca des années 1940 au
moteurs cryogéniques Vulcain (Ariane 5) et HM7.
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