LES COSMODROMES SOVIETIQUES
BAIKONOUR Baïkonour est le plus important des trois complexes de lancement dont dispose la CEI. Il est situé sur le territoire de la République du Kazakhstan, à l'Est de la mer d'Aral, dans une région semi-désertique. C'est en 1955 que ce site a été retenu, à proximité de la petite localité de Tuyratam, alors que les programmes spatiaux civils allaient prendre leur essor. Les travaux de construction des premières installations ont commencé l'année suivante et elles ont été mises en service en 1957 à l'occasion des premiers tirs du lanceur R-7 de Korolev, la fusée qui, le 4 octobre 1957, a emporté Spoutnik-1, le premier satellite artificiel de la Terre. Youri Gagarine, le 12 avril 1961, puis tous les vols habités Vostok, Voskhod et Soyouz, sont ensuite partis et partent encore aujourd'hui de Baïkonour. Les pas de tir de la fusée Proton, qui lancent notamment les éléments de stations spatiales comme MIR et ses différents modules, se trouvent également sur la grande base du Kazakhstan. Ont également été construits les halls d'intégration, les installations d'essais et les ensembles de lancement de la fusée Energiaa et de la navette Bouran dans les années 1980. Tous les pads de tir reposent sur la même architecture, l'assemblage horizontal, que ce soit pour les lanceurs A2 (Vostok, Soyouz), Proton, Zenith, Cyclone et Energia. Le centre spatial est équipé pour recevoir, assemblé, testé tous les lanceurs russes et les vaisseaux habités. Les équipages qui se préparent à une mission spatiale disposent à Baïkonour, dans la zone habitée du centre à Leninsk, d'équipements scientifiques, sportifs et médicaux. L'ensemble des pads de tir est disséminés sur 6717 km2, de cette manière en cas d'attaque nucléaire ils pouvaient toujours ripostés. HISTOIRE De 1957 au milieu des années 1960, se succèdent de grandes premières : premier satellite, premier homme, première femme en orbite, première " marche " dans l'espace, premières photographies de la face cachée de la Lune, etc. Dès 1960, le site n° 1 de Baïkonour est modifiée pour le rendre compatible avec le lanceur du vaisseau habité Vostok. Entre 1960 et 1964, deux nouveaux programmes de lanceurs sont décidés. D'abord, le Proton, capable de mettre en orbite des charges lourdes, comme les stations Almaz et Saliout envisagées. Au cours des années 1960 et 1970, deux complexes de lancement Proton, comprenant chacun deux pas de tir, sont construits à une trentaine de kilomètres à l'ouest du site n° 1. Le premier est mis en service le 16 juillet 1965 à l'occasion du lancement du satellite scientifique Proton 1. En 1970, le deuxième complexe est opérationnel. L'autre programme est celui du lanceur lunaire N1-L3, il mobilise l'essentiel des crédits. Par manque d'argent, les deux complexes initiaux sont réduits à un seul. A 7 km de là sont implantées la zone technique et les habitations du personnel de l'entreprise Progress, chargée de l'assemblage du lanceur complet, des sous-ensembles importants, et des essais. Chaque jour, deux trains comprenant plusieurs dizaines de wagons arrivent chargés des matériaux. Le chantier est tellement gigantesque qu'il devient une attraction pour les délégations de pays socialistes. En janvier 1969, les préparatifs du premier tir du lanceur lunaire durent vingt-huit jours et mobilisent 2 300 personnes ! Le seul ravitaillement en oxygène liquide demande 50 wagons-citernes. Mais, après l'échec des quatre tirs, les Soviétiques renoncent à leurs ambitions de débarquement sur la Lune. Entre 1976 et 1986, c'est l'apogée des activités spatiales de l'ex-URSS. Cent cinquante satellites soviétiques sont alors en orbite, dont de 80 à 90 % à usage militaire. Certaines années, les lancements atteignent le nombre record d'un tous les trois ou quatre jours ! Sémiorka/Soyouz, Sémiorka/Molniya, Proton, Cyclone et Zénith - auxquels il faudra ajouter Energia/Bouran à partir de 1987 - sont en service à Baïkonour. Mais certains Sémiorka/Molniya, Cosmos et Cyclone sont aussi lancés de Plessetsk, l'autre base spatiale située à environ 800 km au nord de Moscou. Comme les autres bases, Baïkonour a donc toujours étroitement mêlé les activités civiles et militaires. Dans le domaine des missiles balistiques, ce n'est qu'un centre d'essais. Le premier système opérationnel antisatellite, le Poliot, est lancé en 1963 par une Sémiorka modifiée. En 1965, un nouveau modèle est envoyé dans l'espace par une version modifiée du missile balistique R36 (SS9). Un site de lancement pour Cyclone, est alors construit dans la partie ouest de Baïkonour, au-delà de la zone Proton, et sera utilisée en 1966 et en 1967 pour les essais du système de bombe orbitale FOBS (Fractionnal Orbital Baombardment System) et, à partir de 1967, pour le système antisatellite. Ce dernier consiste à mettre en orbite un satellite intercepteur doté d'un autodirecteur permettant d'identifier le satellite cible et d'un dispositif de manoeuvre le plaçant sur l'orbite du satellite ennemi visé, la charge étant constituée d'une bombe à fragmentation. Jusqu'à l'abandon de ce système, en 1982, 20 satellites antisatellites ont été lancés et 13 interceptions réalisées. Le lanceur Cyclone, tiré plus d'une centaine de fois, n'a enregistré que deux échecs. Baïkonour ne totalise pas le plus grand nombre de lancements soviétiques ou russes ; Plessetsk en détient environ 60 %. Néanmoins, de 1957 à la fin 1993, environ 950 lancements de satellites y ont été effectués, soit 26 tirs par an, plus de deux par mois, en moyenne ! En 1987, le record fut atteint avec 45 lancements. En 1993, la capacité annuelle de la CEI était de 230 tirs (100 pour Plessetsk et 130 pour Baïkonour) pour 47 réels. A noter que, parmi les lancements de Sémiorka, de 1961 à la fin 1993, 77 ont été des vols habités. Les statistiques de tirs de missiles sont difficiles à établir. De 1957 à la fin 1992, 1 100 missiles balistiques semblent avoir été testés à Baïkonour, mais ce nombre ne représente sans doute qu'une partie des essais réalisés, depuis 1947. Cette activité débordante fut longtemps dissimulée aux regards " ennemis ". Le Général De Gaulle fut le premier Occidental à découvrir Baïkonour, visite baptisée " Opération Palma " par les Soviétiques. Il assiste, le 25 juin 1966, aux lancements d'un satellite de météorologie Météor (Cosmos 122) et d'un missile intercontinental, la maîtrise soviétique l'impressionne. Le 8 octobre 1970, Georges Pompidou est présent pour la mise en orbite du satellite espion Cosmos 168. En 1988, François Mitterrand se déplace à l'occasion du second vol de Jean-Loup Chrétien. Le 27 avril 1975, les premiers Américains (onze astronautes et deux personnalités de la NASA) arrivent à Baïkonour pour préparer le vol Apollo-Soyouz du mois de juillet suivant. Les relations sont alors difficiles entre les deux pays. Pour plus de sécurité, la délégation américaine arrive et part de nuit pour ne voire que les installations concernées par le vol. Un seul journaliste de l'agence Tass est autorisé à relater l'événement et à photographier les astronautes américains au pied de la rampe de lancement. A partir de 1978, chaque vol piloté d'Intercosmos est l'occasion de recevoir des délégations officielles et la presse de l'Est. Les journalistes occidentaux sont conviés en juin 1982 pour le premier vol de Jean-Loup Chrétien (Soyouz T6). Les militaires américains sont admis en juillet 1988 pour le lancement des sondes Phobos 1 et 2. VERS LE DECLIN... L'éclatement de l'URSS, la fin de la confrontation Est-Ouest et de la compétition spatiale ont radicalement changé les objectifs et les enjeux spatiaux, tant dans la CEI qu'ailleurs. A tel point que, depuis deux ou trois ans, la Russie s'est interrogée sur l'intérêt de conserver Baïkonour qui, rappelons-le, est au Kazakhstan. Première carte de Baikonour paru en 1991 dans la revue soviétique Argumenty i fakty Dès 1991, le glorieux flambeau de l'épopée spatiale soviétique devient un fardeau de plus pour une industrie spatiale asphyxiée, au budget amputé de 80%. Snobée par les militaires, la base de lancement passe progressivement sous le contrôle civil de l'Agence spatiale russe, l'actuelle Rosaviacosmos. Trois ans plus tard, en mars 1994, la Russie et le Kazakhstan parviennent à s'accorder sur le statut du cosmodrome. Les Russes obtiennent alors le contrôle de Baïkonour pour une durée de vingt ans, au prix d'un loyer annuel de 115 millions de dollars. Une somme astronomique que la Russie devait commencer à verser en 1999. La même année, le crash de deux fusées Proton sur le Kazakhstan pousse le gouvernement kazakh à augmenter la "note" russe d'une taxe supplémentaire sur chaque lancement commercial. Irritée par le droit de regard des autorités kazakhes de plus en plus gourmandes, Moscou se conforte dans ses positions : il lui faut à tout prix posséder un accès indépendant à l'espace. Et si nécessaire, sacrifier Baïkonour aux latitudes pourtant idéales pour les lancements spatiaux. Certaines des installations techniques kazakhes sont alors progressivement transférées vers les principaux sites spatiaux russes, à Plessetsk et Svobodny. A tel point qu'en 2000, il ne restait que 10% des installations militaires d'origine du centre spatial kazakh. La baisse de l'activité spatiale en CEI a provoqué le départ de plusieurs milliers de spécialistes et de personnes chargées de la logistique ou des travaux d'infrastructure. Des chantiers ont été arrêtés et le fonctionnement normal de la base n'est plus assuré. Les disparités entre les salaires des militaires russes et kazakhs entraînent des tensions. En juin 1993, dix-huit mois après une première rébellion, une seconde a éclaté. Des baraques, des ensembles de bureaux, un hôpital et une bibliothèque ont été incendiés. Léninsk a perdu plus d'un tiers de ses habitants, désorganisant l'économie locale. L'insécurité et les épidémies se sont installées. Faute de crédits, la maintenance des installations n'était plus assurée. Ce fleuron de la réussite technologique, s'enfonce dans le marasme et l'amertume. C'est pourquoi le système Energia-Bouran ne sera pas relancée de si tôt. Si de nouveaux objectifs et un financement sont trouvés, il faudra des années pour reconstituer les équipes. Le bâtiment d'assemblage d'Energia, où gisent, depuis 1989, des boosters, des réservoirs, et des moteurs couverts de poussière, est devenu, de fait, un musée. C'est aussi navrant que la découverte, sur les bords de la Moskova, d'un exemplaire de Bouran planté au milieu d'un Luna Park et transformé en guinguette ! Pourtant, Baïkonour, que certains avaient
surnommé sans doute un peu vite "l'archéodrome", peut encore espérer. En 1999, ce serait au total près d'un
milliard de dollars qui aurait été investi par des firmes occidentales et
internationales dans le secteur spatial russe. Une poule aux œufs d'or dont Baïkonour
pourrait bien profiter jusqu'à ses vieux jours. VISITE GUIDEE Baikonour c'est 9 complexes de lancement avec près de 15 pads de tir et bâtiments d'assemblage lanceurs et préparation satellites. C'est aussi 4 complexes pour les missiles intercontinentaux SS 11, 17, 18 et 19, des centres d'essais pour vaisseaux spatiaux Soyouz, Zenith, proton, Energia, 4 stations d'ergols, des stations de mesure et de poursuite (Saturn à la sortie de la ville de Leninsk), une usine de production LOX et azote liquide, une centrale électrique, une piste d'atterrissage pour avions gros porteur au Nord et un aérodrome au Sud. Baikonour c'est 500 km de voies ferrées, 1300 km de route, 1300 km de canalisation d'eau, 3000 km de lignes téléphoniques, 6500 km de lignes électriques, 360 km de conduite de chauffage, 400 km d'égouts, 600 transformateurs électriques, 6700 km 2 de superficie (120 km d'est en ouest sur 80 du nord au sud). Le voyage Moscou-Baikonour dure 3 heures (2100 km). La forêt russe laisse rapidement sa place au désert, la steppe. L'aéroport de Leninsk au sud ouest, Kraina accueille le voyageur. Leninsk est la base-vie de Baikonour avec un peu moins de 100 000 habitants. Située au bord de la rivière Syr-Daria, elle couvre environ 16 km2 de superficie. On y trouve des hôtels dont le fameux hôtel des cosmonaute et le "Spoutnik Hôtel" au nord de la ville. Dans le jardin de l'hôtel des cosmonaute est planté de près de 150 arbres par tous les cosmonautes qui sont revenus de l'espace. Le premier fut Gagarine en 1961. Sur la place Lenine s'élève le monument en hommage au dirigeant communiste. Les rues qui la bordent portent le nom de héros ou cosmonautes Korolev, Gagarine, Komarov... Un lanceur Zemiorka est exposé couché sur son berceau sur la place non loin de la poste. La production d'électricité est assurée par une centrale thermique implanté au milieu de la ville. Statue en hommage à Korolev Monument spatial La fusée Semiorka L'usine de production d'eau chaude La statue de Lenine
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